Stratégie
A Grenoble, la boulangerie Lenoir mise sur le local pour se différencier

Marianne Boilève
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Créée à Grenoble en 1942, la boulangerie Lenoir a toujours travaillé avec des farines locales. Une démarche qui lui permet de développer de nouveaux marchés, notamment en direction de la restauration hors domicile.

A Grenoble, la boulangerie Lenoir mise sur le local pour se différencier
Dans la boulangerie "historique" de la rue Bayard, le pain au torchon est fabriqué avec de la farine de la minoterie du Trièves depuis plus de 40 ans.

Une tradition familiale, un engagement en faveur du local et une bonne dose de hardiesse : voilà le levain de la réussite pour la maison Lenoir. Avec 35 salariés, quatre sites de production, six points de vente et 2,2 millions d'euros de chiffre d'affaires, la boulangerie grenobloise assume sa success story avec d'autant plus de sérénité qu'elle est le fruit d'un travail acharné… et de 75 ans de savoir-faire.

Farine du Trièves

Fondée rue Bayard en 1942, la maison a d'abord porté le nom du grand-père, Joseph Baruffaldi, qui a régalé des générations de clients avec son pain au torchon. Dans les années 70, les enfants reprennent, perpétuent la tradition, la font évoluer, mais restent fidèles à certains fondamentaux, notamment en matière d'approvisionnement local. Aujourd'hui, Martine et Emmanuel Lenoir, petit-fils de Joseph, continuent d'acheter leur farine à la minoterie du Trièves. « C'est dans la famille : ma belle-mère travaillait déjà avec quand elle tenait la boulangerie, raconte Martine, qui a passé son CAP boulangerie à 45 ans pour pouvoir reprendre l'affaire familiale en 2012. Quand nous avons démarré, la minoterie nous a beaucoup accompagnés. Nous sommes allés au moulin avec les salariés pour voir et comprendre d'où vient le blé, comment ça fonctionne, toucher la matière. Ça permet de conseiller et de mieux échanger avec les clients. »

Sécurisation des marchés

Cet attrait pour le local ne doit rien aux effets de mode. « Nous sommes très attachés aux valeurs locales, poursuit la boulangère Nous avons vécu à l'étranger et nous avons toujours fait la promotion de notre région. J'aime parler de ma ville, de nos montagnes. Cet état d'esprit a une répercussion sur notre façon de travailler. » Car là aussi, le local est privilégié. Que ce soit en termes d'approvisionnement ou de débouchés, les Lenoir choisissent les circuits les plus courts possible. Une stratégie payante, tant pour la qualité de la production que pour la sécurisation des marchés. Petit à petit, la boulangerie se diversifie (pâtisserie, chocolaterie, snacking, traiteur…), spécialise ses sites de production, mais reste ancrée dans sa ville et son territoire.

« Mon entreprise doit gagner de l'argent, mais ça ne m'intéresse pas de travailler avec des farines non locales, même si elles sont moins chères », assure Martine Lenoir. Cette doctrine maison s'est trouvée confortée dès que la boulangerie a décroché son premier gros contrat. « Nous avions des remboursements gigantesques et il fallait trouver des marchés pour amortir l'outil de production, explique l’entrepreneuse. Grâce à une relation de quartier, j'ai eu un contact avec un traiteur qui travaillait pour la restauration collective et voulait travailler en local. Nous avons élaboré des recettes pour le milieu hospitalier, les maisons de retraite… Ça nous a fait évoluer : il fallait fournir des fiches produits et nous sommes allés au fond de la technique pour y répondre. » 

Farine agréée IsHere

Ce premier pas franchi, il a fallu mettre en place une logistique pour assurer les livraisons. Une fois rôdée, l'organisation a permis de décrocher de nouveaux marchés. En septembre dernier, quand la maison Cholat a contacté la boulangerie Lenoir pour lui proposer de répondre à un appel d'offre de pain local pour les collèges isérois - le Département voulait du pain fabriqué avec la farine agréée IsHere -, tout était en place.

Restauration collective

« L'idée nous plaisait, car ça rentrait dans notre stratégie, indique Emmanuel Lenoir. Le problème, c'était de produire. Notre site de la rue Ampère n'était pas adapté. Nous avons eu l'opportunité d'acheter une boulangerie rue Chanrion, que nous avons dédiée à la production de pain pour la restauration collective. » Il en sort entre 5 et 6 000 petits pains chaque jour, sans compter les tourtes et les tartes aux myrtilles.

Clientèle diversifiée

En dépit des confinements successifs, Martine et Emmanuel Lenoir ne regrettent pas d'avoir répondu à l'appel d'offre du Département. Prudents, ils ont su diversifier leur clientèle. Les marchés "extérieurs" (écoles, collèges, hôpitaux, maisons de retraite, restaurants…) représentent une bonne part du chiffre d'affaires (environ 450 000 euros), mais les boulangers ont développé en parallèle une offre pour les entreprises, les actifs qui mangent sur le pouce à midi…  La crise sanitaire leur a donné raison. « Nous avons la chance d'avoir plusieurs types de clientèle, se félicite Emmanuel Lenoir. L'an dernier, quand on a perdu les entreprises et les cantines en raison du confinement, nous étions contents d'avoir nos clients de quartier. »

Marianne Boilève