Exposition
Morandi, l’infini blanc

Isabelle Doucet
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L’exposition Giorgio Morandi, la collection Magnani-Rocca a été prolongée jusqu’au 4 juillet par le musée de Grenoble pour qu’enfin les visiteurs puissent la découvrir.

Morandi, l’infini blanc
Guy Tossato, directeur du musée de Grenoble et Sophie Bernard, conservatrice, devant un des tableaux les plus célèbres du peintre Giorgio Morandi.

C’est l’exposition qui a bien failli ne jamais être vue. Les tableaux de Giorgio Morandi, peintre italien confiné dans son art et dans sa ville natale de Bologne, auraient pu quitter le musée de Grenoble avant sa réouverture si l’accrochage temporaire n’avait pas été prolongé jusqu’au 4 juillet. 

L’œuvre la plus célèbre de Morandi est sans doute sa nature morte de 1936, composition dépouillée pour carafe et ramequin, où le blanc laiteux – la marque Morandi – se nourrit des fonds terreux, se repose sur le bleu ciel et le jaune pâle. Peintre de la matière, l’artiste cultive l’art de donner de la texture à ses camaïeux de blanc.
Le musée de Grenoble présente 70 des œuvres du peintre (1890-1964) dont une cinquantaine est issue de la fondation Magnani-Rocca à Parme.
Luigi Magnani était un collectionneur, ami et mécène de Giorgio Morandi. « C’est la première fois, après sa mort, que sa collection est exposée en entier », confie Sophie Bernard conservatrice du musée de Grenoble.
L’exposition Morandi retrace à la fois « l’histoire d’une collection et d’une relation entre un collectionneur et l’artiste ». 
Le vestibule de l’exposition temporaire donne à pénétrer l’univers du peintre, principalement réduit à son atelier de Bologne : « sa petite chambre enchantée » de 9m2. L’intimité de l’endroit a été captée par le photographe Luigi Ghirri. 

L'atelier de Morandi par Luigi Ghirri (photo : archives Luigi Ghirri, copy ADAGP Paris 2020)

Des natures mortes

Puis c’est la découverte des premières œuvres du peintre, à partir de 1914. « Morandi avant Morandi », ainsi que l’explique la conservatrice, ce sont des huiles sur toile ou des eaux-fortes futuristes, métaphysiques, mais toujours « des natures mortes, sources d’inspiration tout au long de sa vie ». Ces œuvres sont rares, mais le Centre Pompidou a confié l’une des siennes, une nature morte cubiste réalisée à l’époque où le jeune peintre était professeur d’art à Bologne. 
En 1925, Morandi peint son dernier autoportrait, qui dans ses 50 nuances de gris porte la touche de l’artiste.


Autorportrait 1925, tonalités douces et harmonies de gris. (photo : Musée de Grenoble JL Lacroix)

Peintre singulier, Morandi observera tout au long de sa carrière la même palette de couleur, les mêmes textures. Tons sobres, matière généreuse. 
On s’attarde sur son œuvre phare, composée « des objets les plus simples », peignant « la réalité la plus humble », un tableau qui « irradie de l’intérieur », souligne Sophie Bernard. 
Guy Tossato, le directeur du musée invite à « prendre le temps de rentrer dans son univers silencieux et lent ». Ce sont des carafes savamment composées, un hochet récurrent, quelques bouquets de fleurs, car il aimait offrir des roses, et de rares paysages, ceux de la campagne italienne de Bologne à Guizanne, « traités comme une nature morte », dans le même style dépouillé. Au fil de son évolution, l’œuvre se fait de plus en plus dépouillée et minimaliste. Les dernières années de la vie de l’artiste, les objets deviennent des ombres, des figures évanescentes : « On frôle l’abstraction, les objets flottent dans l’espace », note Sophie Bernard. En 1963, ce ne sont plus que des « mousses de formes », des objets qui « se dissolvent » dans la toile, à peine identifiables. 
L’exposition Giorgio Morandi déroule son fil presque en apesanteur, tout en délicatesse. Chaque tableau est une composition créée « dans un langage moderne », original et d’une grande maîtrise technique. 

Nature morte 1936, amiance dépouillée et aura métaphysique (photo : Musée de Grenoble JL Lacroix)

Isabelle Doucet

Réouverture du musée de Grenoble
Le musée de Grenoble rouvre ses portes dès le 19 mai. Il met en place un protocole pour une visite en toute sécurité : jauge limitée, signalétique, gel hydroalcoolique… Ces mesures sont adaptées et évolueront en fonction de la situation. Prêtes depuis le mois de décembre, les expositions Giorgio Morandi, La collection Magnani-Rocca et Italia Moderna, sont prolongées jusqu'au 4 juillet.
Par ailleurs, La 15e édition du musée hors les murs est décalée du 1er au 26 juin. Elle se déroule à la bibliothèque Alliance, sur le thème “la vie des arbres”.