Nuciculture
Senura : 300 000 euros pour la recherche contre la mouche du brou et le colleto

Marianne Boilève
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A l'occasion de la visite de Yannick Neuder, vice-président de la Région, dans le laboratoire de la station expérimentale de Chatte, le 13 avril, l'équipe de la Senura a détaillé MAC et SemioMouche, deux nouveaux projets de recherche financés dans le cadre du programme Pepit Aura.

Senura : 300 000 euros pour la recherche contre la mouche du brou et le colleto
Lors de sa visite dans le laboratoire de la Senura, Yannick Neuder a longtemps échangé avec les équipes sur les enjeux de la recherche - fondamentale et appliquée - pour l'avenir de la filière nucicole.

En agriculture, les défis climatiques et agronomiques sont immenses, et les progrès de la recherche déterminants. Tel est le message qu'a fait passer la Senura à Yannick Neuder, vice-président de la Région Aura, lors de sa visite de la station expérimentale nucicole de Chatte le 13 avril dernier, à l'occasion d'une table-ronde sur le plan de filière pour la noix de Grenoble, organisée en partenariat avec le CING et la chambre d'agriculture. « Le changement climatique en cours entraîne l'apparition de nouveaux ravageurs, a déclaré le co-président Christian Mathieu en préambule. Nous devons accompagner les agriculteurs pour leur permettre de s'adapter aux évolutions et de vivre de leur métier. » 

Moins de solutions phyto

La Senura y travaille depuis vingt ans, mais il reste beaucoup à faire pour améliorer la lutte contre les maladies et les ravageurs, notamment dans un contexte de réduction des solutions phyto. En complément des essais et des programmes en cours, la station a récemment engagé deux nouveaux projets de recherche stratégiques, financés par la Région dans le cadre du programme Pepit : l'un sur l'anthracnose à colletotrichum, l'autre sur la mouche du brou, deux "ennemis" apparus dans les années 2007-2008. 

Lutte contre le Colletotrichum 

Bénéficiant d'une enveloppe de 300 000 euros, les projets MAC et SémioMouche doivent permettre d'étoffer la boîte à outils à disposition des producteurs d’ici trois ans. Cyrielle Masson a commencé par rappeler les enjeux du projet sur les Colletotrichum (MAC) : améliorer l'état des connaissances sur les différentes espèces de champignons (cycles, virulence, facteurs de propagation…) et identifier des moyens de protection efficaces et durables, compatibles avec les exigences du marché. « Nous orientons notamment nos recherches sur le biocontrôle, a précisé la chargée d'expérimentation de la Senura. Nous recherchons de potentiels agents de biocontrôle endémiques, comme des champignons déjà présents dans l'écosystème du verger ou d'autres agents, déjà formulés, que nous allons tester sur nos pathogènes. »

Phéromones, armes fatales

Développé en partenariat avec Gembloux Agro-Bio Tech (université de Liège, Belgique), le projet SémioMouche doit, quant à lui, permettre d'élaborer des stratégies de luttes phéromonales contre la mouche du brou, un insecte capable de provoquer jusqu'à 80% de dégâts dans un verger mal protégé.

Confusion sexuelle

Explorée depuis peu, la piste des phéromones apparaît d'autant plus prometteuse que les solutions de lutte classiques se réduisent comme peau de chagrin. La mouche du brou n'étant plus classée "organisme de quarantaine" depuis 2014, les traitements adulticides ne sont plus permis. Dans le même temps, le nombre de matières actives autorisées par la réglementation se limitera à deux substances d'ici deux ans. Quant aux barrières physiques (pulvérisation de kaolin par exemple), elles sont difficiles à mettre en œuvre sur des arbres de quinze mètres de haut. D'où l'intérêt d'explorer des pistes alternatives. « La mouche laisse une trace chimique sur le brou, a expliqué la responsable scientifique de la Senura, Agnès Verhaegue. Nous avons mis en évidence cette odeur qui enjoint aux autres mouches d'aller voir ailleurs. Nous avons également déterminé une phéromone qui permet de faire de la confusion sexuelle. Nous travaillons sur tous ces mélanges d'odeurs, soit pour attirer les mouches dans des pièges, soit pour les repousser ou les déboussoler. Nous ne nous interdisons rien. Notre objectif est de mettre au point des stratégies fiables, techniquement réalisables et économiquement acceptables. » Résultats en 2024.

Marianne Boilève

Yannick Neuder s'engage auprès de la Senura
Lors de sa visite à la Senura, Yannick Neuder, vice-président de la Région Aura, asouhaité que la station puisse bénéficier des financements dédiés à la recherche.

Yannick Neuder s'engage auprès de la Senura

Visiblement intéressé par les travaux de la Senura, et pas seulement du fait de sa délégation à l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation et aux fonds européens, le vice-président Neuder a beaucoup échangé avec l'équipe sur les enjeux de la recherche en agriculture. Il a notamment engagé les responsables de la station expérimentale de Chatte à tisser des liens avec les autres instituts de la région. « Ce serait bien que la Senura soit adossée à des structures académiques et qu'elle puisse bénéficier des financements dédiés à la recherche », a-t-il indiqué.

Difficulté à nouer des partenariats locaux

Ce serait bien, mais elle n'y parvient pas. « Nous avons du mal à trouver des partenaires locaux qui acceptent de travailler sur nos sujets de recherche, car ils ne leur paraissent pas forcément attractifs, a expliqué en substance Agnès Verhaegue, responsable scientifique et ingénieure CTIFL. Ce sont pourtant des sujets qui émanent des demandes et des impasses dans lesquelles se trouvent la profession ou de préoccupations que nous anticipons. »

L'exemple du Colletotrichum

Christian Nagearaffe, nuciculteur et membre du bureau de la Senura, a pris l'exemple des Colletotrichum : « Le problème, c'est de trouver des compétences locales sur un sujet spécifique comme celui-là. C'est ce qui nous conduit à travailler en réseau, aussi bien avec le Lubem à Brest qu'avec la station de Creysse en Dordogne. » Une réalité qui a semblé contrarier l'élu régional. « L'enjeu, c'est de passer de la paillasse au noyer : il ne faut pas que la recherche soit déconnectée du terrain. La refonte du schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (SRESRI) est prévue pour fin 2021. Il faudra que l'agriculture y ait toute sa place. »

Piégeage massif

Profitant de la présence de l'élu régional, Philippe Pascal, membre du bureau de la Senura, a par ailleurs évoqué l'interdiction du piégeage massif avec des DecisTrap en agriculture biologique. Développés par Bayer, ces bols sont interdits en AB car ils contiennent des substances chimiques. « Les nuciculteurs bio ne peuvent pas les utiliser en raison d'un oubli dans l'annexe II du réglement communautaire. Ça fait deux ans qu'on essaie de faire bouger le dossier… », s'est désolé Philippe Pascal. Une lacune que Yannick Neuder s'est proposé de soumettre prochainement au ministre des Affaires européennes.

MB