Social
L'agriculture favorise l'intégration des personnes handicapées

Isabelle Brenguier
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Par ses tâches concrètes inscrites dans un temps cyclique, l’agriculture permet aux personnes atteintes d’autisme de mieux s’intégrer dans la société. Exemple en Chartreuse avec la ferme de Belle Chambre. 

L'agriculture favorise l'intégration des personnes handicapées
Le foyer de vie de Belle Chambre à Sainte-Marie-du-Mont en Chartreuse, accueille 32 personnes atteintes d'autisme et de déficience intellectuelle. Grâce à l'exploitation agricole associée, les résidents peuvent réaliser au quotidien des tâches agricoles valorisantes.

Pour les parents d'enfants autistes, le parcours, associé à la recherche d'établissements adaptés, s'avère souvent compliqué. Mais il le devient encore plus une fois l'âge adulte atteint. Les structures permettant à ces personnes différentes de trouver une place où ils peuvent bénéficier des meilleures conditions de vie possibles, sont rares.

Le foyer de vie de Belle Chambre et son exploitation agricole, nichés à Sainte-Marie-du-Mont, sur les contreforts de la Chartreuse, font office d'exception.

Situation de réussite

Né en 1986 de l'amer constat de deux éducateurs spécialisés que « certaines personnes n'avaient de place nulle part », l'établissement accueille aujourd'hui 32 personnes atteintes de troubles du spectre de l'autisme et de déficience intellectuelle. Agés de 20 à 58 ans, elles sont logées au sein du foyer et participent à la vie de la petite exploitation agricole (11 vaches laitières et 13 hectares) via des ateliers adaptés aux possibilités de chacun, . « Chaque résident a un projet et des objectifs desquels dépendent un emploi du temps très structuré faisant appel à différentes méthodes comportementalistes. Tout est à la carte. L'essentiel est leur bien-être », explique Catherine Bibollet, titulaire d'une double formation agricole et éducative, responsable de l'exploitation agricole. Ainsi, il en est qui vont en fromagerie. D'autres qui ramassent les œufs. D'autres encore qui nourrissent les animaux.

A l'inverse du milieu urbain où le temps est linéaire, le milieu rural s'insère dans un temps cyclique dans lequel les actions ont du sens. Concrètes, naturellement structurées dans l’espace et dans le temps, les tâches agricoles permettent à ceux qui les réalisent, des apprentissages valorisants et une reconnaissance sociale. En effet, certaines études ont fait valoir que ces travaux permettaient notamment « une augmentation importante de l'estime de soi, une réduction des sensations de colère, de confusion, de dépression, de fatigue et de tension ».

« Travail » structurant

« La traite doit être faite deux fois par jour toute l'année pour récolter le lait... L'hiver, les vaches restent dans l'étable, car il fait trop froid dehors », expose Catherine Bibollet. Les activités réalisées chaque jour par les résidents sont très concrètes, et le « travail » réalisé se voit : les fromages sont moulés, les cages des animaux sont propres... « Tout est fait pour mettre ces personnes qui sont souvent en situation d'échec dans une situation de réussite », ajoute l'éducatrice.

Exigences sanitaires et administratives

Mais au quotidien, l'entreprise s'apparente à un défi. L'exploitation agricole montée sous format associatif, fonctionne comme les autres. Si les tâches à réaliser, l'architecture des lieux, les process de fabrication, ont été réfléchis pour être adaptés aux résidents, la structure agricole tenue par les éducateurs – formés en agriculture - répond aux exigences sanitaires et administratives auxquelles sont soumises toutes les exploitations agricoles françaises. « Je pense que nous avons été contrôlés par tous les organismes possibles, y compris par l'Onilait à l'époque des quotas laitiers », se rappelle la cheffe d'exploitation. « Mon objectif est de maintenir l'équilibre financier de la structure », ajoute-t-elle. Mais ce n'est pas évident. Il y a beaucoup à faire et le travail accompli avec les résidents est chronophage. « Et comme les encadrants qui travaillent dans l'exploitation sont des salariés de l’établissement médico-social, il faut toujours mettre en équilibre le temps passé entre l'agricole et l'éducatif », indique Catherine Bibollet.

Le droit d'exister différemment

Pour autant, malgré les nombreuses difficultés, le résultat est là. La qualité des fromages de la ferme de Belle Chambre est reconnue et constitue un aboutissement pour les personnes handicapées qui les fabrique… et les vendent. Car pour favoriser leur insertion dans le tissu économique local, les résidents du foyer, accompagnés par des professionnels, s’impliquent dans la commercialisation de leurs produits. Comme le souligne Vincent Chevrot, directeur du foyer de vie, « les résidents de Belle Chambre sont intégrés dans le territoire. Ils en sont acteurs. Leurs actions renforcent leur identité et leur donne une place dans la société, même si ce n’est pas la même place que d'autres personnes ».

Isabelle Brenguier

Témoignage / « Leur présence m’apporte beaucoup »
Depuis 6 ans, Luc Tirard-Gatel accueille toutes les semaines des jeunes dans son exploitation pour leur faire découvrir le travail à la ferme.

Témoignage / « Leur présence m’apporte beaucoup »

Agriculteur dans le Voironnais, Luc Titard-Gatel a intégré l’accueil de personnes handicapées dans son exploitation depuis plusieurs années.

Luc Tirard-Gatel est maraîcher et arboriculteur à Charnècles, à côté de Voiron. Tous les jeudis matin depuis six ans, il accueille sans échange financier, six jeunes adultes de l'IME (Institut médico éducatif) « Les Nivéoles » de Voiron. « L'objectif de ces matinées est de permettre aux éducateurs de voir comment ces jeunes atteints de troubles autistiques ou de retards mentaux évoluent dans un autre environnement que celui de l'école », explique l’agriculteur. Car, après l’IME, une fois majeurs, ces jeunes vont devoir trouver une autre structure. L’accueil à la ferme permet de tester très concrètement leur goût pour le travail en extérieur. 

Très volontaires

Ainsi, chaque semaine, Luc Tirard Gatel leur propose une tâche à réaliser. En ce moment, c'est à la cueillette des pommes que les jeunes sont associés. L'agriculteur le constate lui-même : « C'est très valorisant pour eux de voir la remorque remplie des cageots de légumes ou de fruits qu'ils ont ramassés. Et à moi aussi, leur présence m'apporte beaucoup. Etre à leurs côtés m'évite d'être seul dans l'exploitation. Nous discutons. Ils sont très volontaires. C'est très motivant. Et puis, cela m'aide ». 

Diplômé d'un monitorat de ski, avec un sens du contact inné, Luc Titard-Gatel est à son aise avec ces jeunes. C’est grâce à un éducateur de l’IME qui venait dans son exploitation comme client que Luc Tirard-Gatel a commencé cet accueil. Et pour aller plus loin dans la découverte du travail de la ferme, il reçoit aussi régulièrement certains d'entre eux pendant une semaine.

IB

Le réseau Astra

Le réseau Astra, pour « Agriculture sociale et thérapeutique » considère l’activité thérapeutique comme une activité de production et de valorisation de produits et services agricoles et para-agricoles, qui…

- permet l’accueil de personnes en difficultés sociales, ou en situation de handicaps,
- est un outil d’insertion sociale et professionnelle, et d’accompagnement thérapeutique,
- contribue à la diversification de l’activité agricole et à la revitalisation des régions rurales.
Le réseau propose des outils et ressources pour favoriser le partage de pratiques et d’expériences, et l’acquisition de compétences au sujet de l’agriculture sociale et thérapeutique.

La ferme de Belle Chambre et Luc Tirard-Gatel y adhèrent.