Evasion
L'appel de la Bretagne

Isabelle Doucet
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Des générations d’Isérois ont pu bénéficier pour leurs vacances des installations exceptionnelles de Beg Porz en Bretagne.

L'appel de la Bretagne
Le village de vacance de Berg Porz est implanté sur un site exceptionnel en Bretagne Sud. (Crédit photo Domaine de Beg Porz)

Des rives de l’Isère à celles du Bélon, c’est une diagonale d’un millier de kilomètres parcourus par des générations d’Isérois. Un voyage d’une journée entière, en bus, en train ou en voiture, presque un voyage initiatique pour les montagnards qui « ont fait Beg Porz ».
Le centre de vacances est implanté dans un site exceptionnel du Finistère, en Bretagne sud. 
Hors crise sanitaire, les classes de mer qui le fréquentent tout au long de l’année, cèdent la place, l’été venu, aux colonies de vacances tandis que le secteur hôtelier accueille un public adulte et familial de vacanciers.
Cette institution emblématique appartient à la MSA depuis 1963. « La MSA de l’Isère avait fait l’acquisition de ce centre au fond du Finistère pour lutter contre ce que l’on appelait le crétinisme goitreux, c’est-à-dire une pathologie associée au manque d’iode, raconte Jean-Marc Jourdain, directeur du centre depuis neuf ans. Les petits isérois étaient envoyés se recharger en iode au bord de l’océan Atlantique. Puis les parents ont eu aussi envie de voir la Bretagne. »

Dépaysement

Au fil de son histoire, le centre a changé de visage et a accru sa capacité d’accueil.
Les dortoirs de 30 enfants – les filles en juillet et les garçons en août – ont cédé la place à un complexe multi-accueil en même temps qu’évoluait la structure de la MSA.
Depuis 2015, l’établissement est devenu la propriété d’une SCI détenue par 14 caisses dont la MSA Alpes du Nord. 
« Le domaine a été transformé en trois secteurs », poursuit le directeur.
Il compte aujourd’hui un village de vacances trois étoiles ouvert à tous. D’une capacité de 100 personnes, l’hébergement se fait en chambre de deux, en pension complète ou demi-pension.


A côté de cela, une structure collective de 100 lits accueille des groupes d’enfants ou d’adultes qui viennent à Beg Porz en classe de mer, colonie de vacances ou séjour sportif.
La troisième structure est le centre nautique. « Tout le matériel appartient au domaine. Nous employons des moniteurs et éducateurs sportifs ou du milieu marin. Ils sont à disposition du secteur hôtelier, des collectifs et des extérieurs », ajoute le directeur. De mars à novembre, le domaine est aussi ouvert aux scolaires alentour.
Des optimists avec lesquels les mousses tirent leurs premiers bords aux catamarans pour se faire des frayeurs, des kayaks pour découvrir la côte aux kitesurfs pour tutoyer Éole, la palette des sensations nautiques est large.


Mais il est un produit qu’affectionnent particulièrement les vacanciers, c’est la sortie en fillao, ce voilier collectif qui les embarque à la journée pour une dégustation d’huîtres et une découverte de l’archipel des Glénan. Dépaysement garanti.
« 6 000 personnes sont accueillies chaque année au domaine de Beg Porz, ce qui représente 21 000 à 22 000 journées de vacances », reprend le directeur.
Bien entendu, la crise sanitaire a frappé l’établissement, contraint à la fermeture administrative comme toutes les structures touristiques ou presque. Et sa réouverture était attendue en piaffant de la part de nombreux habitués. 

Un accueil social

Au-delà des séjours classiques, Beg Porz a toujours revendiqué son orientation sociale.
C’est le cas des séjours partagés où des jeunes en formation Aide à la personne des MFR viennent passer une semaine avec un groupe de séniors souvent hébergés en Ehpad. Cette opération Séniors en vacances existe depuis trois ans. Elle est pilotée par l’ANCV avec le concours des MFR. Il en coûte 150 euros aux bénéficiaires, souvent des personnes isolées et éloignées de vacances.
Le centre accueille aussi le dispositif Partir pour rebondir destiné aux agriculteurs identifiés en difficulté et envoyés en Bretagne « pour souffler ».
La caisse mutualiste Agrica organise aussi des séjours d’accompagnement au deuil « afin de faire un chemin sur le deuil et encadré par un psychologue pendant une semaine », détaille Jean-Marc Jourdain. Beaucoup plus festifs, le centre est aussi le lieu idéal pour les départs à la retraite, les séminaires, les regroupements familiaux, les mariages ou une halte pour les groupes de randonneurs. 

Des hippocampes

« C’est un emplacement unique au monde, décrit encore le directeur. Il occupe 800 mètres de façade maritime sur la rivière et sur l’océan. » Il mentionne cet écosystème à nul autre pareil où l’eau douce de la rivière rencontrant l’eau de mer crée un milieu idéal pour les hippocampes. « C’est un endroit sauvage et préservé où les visiteurs peuvent prendre un bain de culture bretonne », ajoute Jean-Marc Jourdain. 
Chef d’orchestre de ce mini village, il égrène aussi ses plus beaux souvenirs. « Des colons sont devenus des animateurs du centre, ou même des moniteurs de voile à la FFV alors qu’ils sont nés dans les montagnes. »
Ou c’est encore « cet agriculteur qui, dans le cadre d’un séjour Partir pour rebondir, n’était jamais parti en vacances. Il n’avait pas les codes, osait à peine aller au restaurant ». Et tous les vacanciers, d'un même élan, à chercher un nom pour le veau né pendant son séjour hors de sa ferme.

Un lien indéfectible

Nombreux sont ceux qui reviennent à Beg Porz à tous les âges de la vie, au début ils sont colons, aujourd’hui séniors.
Le directeur s’émeut toujours de l’émerveillement de ces enfants qui n’ont jamais vu la mer et qui demandent où elle s’est retirée à marée basse. « Mais ils ont l’habitude de la nature et s’adaptent plus vite que les citadins ! » 
Sans l’ombre de la crise sanitaire, Jean-Marc Jourdain aurait abordé 2021 sous le signe d’un renouveau car l’établissement a bénéficié de plusieurs gros chantiers de rénovation lui permettant de monter en gamme.
Encore une très bonne raison pour prendre la route vers la Bretagne Sud.
Un lien indéfectible avec l’Isère, un lieu préservé et chargé d’histoire : Beg Porz n’attend que ses vacanciers.  

Isabelle Doucet 

 

Classses transplantées / « Ils en reparlent, ils n’oublient pas » 
Les enfants de Vinay en sortie mer sur le fameux fillao.

Classses transplantées / « Ils en reparlent, ils n’oublient pas » 

Roger Bouvier, instituteur à Vinay a conduit de nombreuses classes de CM2 à Beg Porz. Une expérience unique pour les enfants comme pour les enseignants. 

Instituteur à Vinay de 1971 à 2003, Roger Bouvier est de ces enseignants pionniers qui ont conduit les classes de mer à Beg Porz.
« Les voyages ont commencé en 1982 », se souvient-il. Un peu sous la pression du maire et conseiller général de l’époque Marcel Carlin, reconnaît-il. « Il nous avait dit qu’il avait vu des enfants tellement heureux qu’il fallait absolument essayer ! »
Deux instituteurs de Vinay et leur classe de CM2 tentent l’expérience. 
Il décrit un départ pour une véritable aventure. « C’était une époque rêvée pour les classes transplantées. » Les transports s’effectuaient en bus, entre 15 et 17 heures de route.
« A la première expédition, les enfants étaient aussi inquiets que nous. Nous avions l’impression que tous ensemble nous allions vivre dangereusement. C’était des séjours de trois semaines. Nous partions le plus souvent au mois de mai. »
L’instituteur raconte combien cette expérience de vie en commun pouvait transformer certains enfants.
Il parle aussi d’une époque pas si lointaine où les enfants écrivaient à leurs parents car les téléphones portables n’existaient pas.
De solides liens se sont aussi noués entre générations de Vinois « qui en reparlent régulièrement, n’oublient pas ».
D’autant que la classe de découverte marquait aussi la fin de la scolarité primaire pour ces jeunes. L’instituteur a d’ailleurs été invité à plusieurs reprises à des repas d’anciens. 

Les bestioles de l’aquarium 

Roger Bouvier explique aussi combien cette immersion en milieu marin a changé ses pratiques et « nous a obligés à travailler en commun avec d’autres intervenants ».
Travail de groupe, pédagogie participative : « J’ai vu que des instituteurs s’y prenaient autrement ».
Il parle aussi des relations privilégiées entretenue avec Michel Rose, l’ex-directeur, et de son écoute attentive pour faire évoluer l’établissement.
Il raconte aussi l’étonnement des enfants qui découvrent un océan déchainé, les parties de pêche et de découvertes de coquillages sur les petites plages de Kerfany, la réalisation de l’aquarium rempli de « bestioles » ou la fameuse soirée crêpe où certains excellaient sur la billig (1).
C’est aussi la découverte de l’autre, de ces classes d’enfants de la région parisienne aux comportements beaucoup plus audacieux que ceux des petits Dauphinois.
L’instituteur à la retraite est retourné à Beg Porz en 2008 et 2009 en tant qu’accompagnateur des classes de mer. « Les choses avaient changé. Les dossiers faisaient 50 pages – au lieu de deux au début - et il y avait déjà des jeunes avec des téléphones. Ce n’était plus la même expérience d’isolement. »
Mais le coût de ces classes transplantées ont eu raison de l’expérience après 2009. « Et puis la hantise sécuritaire décourage les vocations », explique-t-il.
Mais les enfants de Vinay devenus adultes reviennent encore passer des vacances à Beg Porz tant ils ont été heureux de leur séjour.  

ID 

(1)  Crêpière traditionnelle bretonne

Des vacances pour tous les enfants

Beg Porz accueille trois sessions de cent enfants de la MSA en colonie de vacances d’une durée de 15 jours.
Le coût de revient du séjour s’élève à 900 euros, mais les caisses locales de la MSA apportent une aide aux familles dans le cadre de leur politique tarifaire et en fonction du coefficient familial. Le reste à charge, voyage compris, peut ne pas dépasser 100 euros par enfant.
Le petit plus : ces colonies de vacances acceptent aussi les copains qui ne relèvent pas du régime de la MSA.