Tourisme vert
Au cœur des massifs enneigés

Des vacances de Noël avec de la neige, mais sans remontées mécaniques : les hébergeurs de montagne s’adaptent mais jusqu’à une certaine limite. 

Au cœur des massifs enneigés
Christophe Troye est propriétaire du gîte de groupe Le Cleyat à La Ruchère en Chartreuse.

Pas de remontées, pas de restaurants, mais de la neige : les hébergeurs de montagne abordent ces vacances de Noël avec circonspection.
Tout comme la situation est inédite, le comportement de la clientèle est inaccoutumé.
Les Gîtes de France observent des réservations en retrait de 20% pour la première semaine des vacances et un niveau équivalent pour celle du Premier de l’an.
« Il y a quand-même une carte à jouer. La montagne en hiver ne manque pas d’intérêt et pas seulement pour le ski », souligne Bruno Bernabe, le directeur du réseau des Gîtes de France Isère. 

« La montagne, ça se mérite »

« D’habitude, les gens sont organisés et réservent à l’avance, confie Christophe Troye, traiteur et propriétaire d’un gîte de groupe en Chartreuse. Là, le calendrier est vide à partir du mois de janvier. Les gens sont dans l’attente. Alors que d’habitude, les plannings sont faits trois à cinq mois à l’avance. » 
Son gîte de 15 personnes est situé à La Ruchère, au cœur du massif. Un lieu idéal pour une clientèle familiale qui apprécie les grands espaces et la tranquillité.
C’est aussi un endroit recherché par les groupes, notamment pour des séjours « entre filles ».
« En tant que professionnel de l’activité, on ne vit que de l’hôtellerie et de la restauration », reprend le propriétaire, qui se trouve donc amputé d’une de ses deux sources de revenus.
« Tout est question de trésorerie, poursuit-il. Les aides de l’État, c’est bien, mais 1 500 euros par mois de fermeture administrative, cela ne compense pas les charges. »
Il observe un changement de comportement. « Lors de la reprise, en juillet-août, j’ai eu beaucoup de pensions complètes, ce qui n’était pas arrivé depuis 10 ans ».
Il défend une position « plus engagée » vis-à-vis de l’économie de la neige.
« En deux jours, ça peut fondre. Je ne propose pas à mes clients d’aller skier. Ils sont là pour la nature, aller aux champignons, écouter le brame du cerf, observer le chevreuil et la fermeture des stations ne change rien. La montagne, ça se mérite et c’est bien de revenir à l’essence-même de la nature. »
Il invite donc à profiter de cette nature, mais aussi des bons petits plats qu’il prépare à base de produits locaux de Chartreuse. 

Faire et défaire les plannings

« Le trépied marche sur deux pieds », témoigne à son tour Martine Chaligne, directrice du centre Afrat à Méaudre dans le Vercors.
L’établissement est centre de formation professionnelle aux métiers du tourisme, accompagne les territoires dans leur stratégie touristique et propose un accueil en gîte de groupe.
Mais, frappé par une fermeture administrative qui touche les établissements recevant du public (ERP), le gîte est fermé jusqu’au 20 janvier.
Bilan : perte d’un tiers du chiffre d’affaires (sur deux millions d’euros), la moitié du personnel au chômage technique et beaucoup d’incertitudes.
« Nous avons la chance d’avoir plusieurs activités », indique la directrice.
Le centre accueille habituellement des groupes sportifs durant les vacances de Noël, des séminaires, des classes ou des groupes de retraités courant janvier.
« Nous avons cherché des solutions, mais notre situation est différente des établissements de petite capacité en gestion libre ou proposant un room service », explique la directrice qui attend la levée de la fermeture administrative.
« Depuis le début de la crise Covid, nous remplissons et vidons les plannings. A chaque discours du président ou du Premier ministre, les gens appellent. Ils sont prêts à revenir, on nous demande des devis. » 

Les propriétaires de gîtes observent que les annulations sont rares, il s’agit plus souvent de reports. Tous font montre de compréhension.
L’impression générale est « qu’il y a plutôt du monde en montagne » qui vient « pour la neige et pas forcément pour le ski », observe Martine Chaligne.
Mais une grande catégorie de professionnels ne peuvent pas exercer leur activité, notamment les restaurateurs ou les hôteliers pour lesquels la situation vire au drame. 

Isabelle Doucet