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L'Irfel sème des graines de coopération

Début septembre, accueillant une réunion stratégique de l'association nationale regroupant les stations d'expérimentation en fruits et légumes (Irfel), la Senura a reçu ses homologues des autres régions françaises. L'occasion de se découvrir des points communs et d'envisager les moyens de progresser ensemble.
L'Irfel sème des graines de coopération

Début septembre, la Senura s'est lancée dans un essai d'un nouveau genre : la mise en culture des relations entre stations d'expérimentation. Venus des quatre coins de la France, les représentants d'une dizaine de stations régionales spécialisées en maraîchage et arboriculture se sont retrouvés deux jours à Chatte pour réfléchir, échanger et « apprendre à mieux se connaître ». Tous membres de l'Irfel (1), ils ont d'abord discuté « orientations stratégiques » avant de se plonger dans la culture nucicole locale.

PME au service des agriculteurs

Leur petit périple a démarré le 3 septembre par la visite de la station de Chatte et de son laboratoire. L'équipe de la Senura a présenté ses travaux de recherche, ses « manip'» en cours, les agro-équipements de l'exploitation ainsi que les collections variétales d’amandiers, de pacanier (noix de pécan) et de noisetiers. L'occasion pour les présidents et les directeurs de partager bon nombre de données sur les projets en cours dans les différentes stations régionales. « Nous sommes des petites PME au service des agriculteurs, explique Damien Penguilly, directeur du Caté, une station bretonne spécialisée en maraîchage. Nous n'avons pas les même bio-agresseurs, mais nos méthodologies sont les mêmes. Nous pouvons échanger des informations sur des maladies ou des pistes de recherche pour progresser ensemble. Nous avons déjà identifié plusieurs points à faire fructifier, notamment sur les champignons, puisque nous avons la même approche des phytopathologies. »

Après la visite de la station, direction la noyeraie de Chatte et l'Earl Iserable. Nicolas, administrateur de la Senura et producteur de noix, a témoigné des évolutions de l'agriculture locale à travers l'exemple de son exploitation qui a pris le parti de la diversification savonnière. Le circuit s'est ensuite poursuivi à Têche, où la Senura expérimente depuis un an un système innovant combinant bâche anti-pluie et filet anti-insectes dans un objectif zéro traitement. « Nous avons monté cette expérimentation pour répondre à une volonté des professionnels et des citoyens de réduire l'utilisation des phytos, a contextualisé Marianne Naudin, chargée de mission à la Senura. Les bâches anti-pluie doivent limiter le développement du colletotrichum et les filets réduire la pression du carpocapse et de la mouche du brou. Mais ce n'est pas simple, car le noyer est un arbre de haut-jet. Ici, nous sommes dans un verger de lara, car c'est le noyer le moins haut. »

Objectif zéro traitement

La technicienne a détaillé les difficultés techniques (installer des poteaux de plus de sept mètres à 1,50 mètres de profondeur, limiter la prise au vent, assurer l'étanchéité, gérer l'enherbement...) et le coût global de l'installation : 50 000 euros à l'hectare plus 15 000 de pose. « Pour l'instant, nous n'en sommes pas encore à penser rentabilité », a-t-elle pris soin de préciser.

Les premiers résultats de l'expérimentation sont prometteurs, en raison notamment des intempéries de l'an dernier. « Du fait de l'épisode de grêle de juin 2019, nous avons eu beaucoup de pertes sur la partie du verger non couverte, où nous avons eu aussi davantage de colletotrichum (+20%), a indiqué Marianne Naudin. En 2020, l'effet est moins visible. Nous avons eu beaucoup de bactériose sous les filets, sans doute parce que nous les avons descendus un peu tard. »

L'intérêt est manifeste du côté des « visiteurs » de l'Irfel. On examine de près l'installation, on prend des notes, des photos, les questions fusent, on s'interroge, on s'interpelle. « Sur quelle culture tu mettrais ces filets, chez toi ? » Ça cause porte-greffe, suivi des protocoles, pièges anti-insectes connectés... Les échanges vont bon train. « Nous avons de nombreuses thématiques communes, constate Cyrielle Masson, chargée d'expérimentation à la Senura. Je pense que ce genre de rencontre peut servir de base à de nouveaux échanges. Pourquoi pas ne pas mutualiser des matériels ou des techniques, par exemple ? » A peine semées, les idées de coopération sont déjà en train de germer.

 

(1) L'Irfel (Innovation et recherche en fruits et légumes) est une association nationale qui regroupe douze stations régionales d'expérimentation en fruits et légumes.

Marianne Boilève
Stratégie / Producteurs de noix à Chatte, Nicolas et Catherine Iserable ont choisi de sécuriser leurs revenus en misant sur la fabrication d'huiles et de savons artisanaux.

De la noix à Zenolea

Dans la cour, le tracteur est en cours de préparation pour la récolte de lara destinée au marché belge. En cette matinée du 3 septembre, Nicolas Isérable, producteur de noix à Chatte et administrateur de la Senura, s'en détourne momentanément pour s'improviser guide touristique : il reçoit une vingtaine de représentants de l'Irfel, très intéressés par son parcours. Le nuciculteur commence par brosser à grands traits les évolutions récentes de l'agriculture locale et les siennes propres. « Autrefois, comme beaucoup de fermes du coin, nous étions en polyculture-élevage et nous produisions du tabac, raconte-t-il. Mais le tabac a disparu et, avec les collègues, nous nous sommes axés sur la noix. Or qui dit monoculture, dit aussi mono-chiffre d'affaires. C'est comme ça, qu'avec mon épouse, nous avons réfléchi à un projet de diversification créateur de valeur ajoutée. »
Conscients de la fragilité de l'exploitation, notamment du fait des aléas climatiques à répétition, Nicolas et Catherine Isérable ont d'abord imaginé de transformer leurs noix : « Trop fastidieux ». Ils se sont alors essayés à de nouvelles cultures, notamment oléagineuses, et ont décidé de sauter le pas du bio. « Notre idée, c'était de produire des huiles bio pour fabriquer des savons à base d'huile végétales, différents des savons industriels à la graisse animale, souvent pleins de produits chimiques », explique Nicolas.
Huiles saponifiables
A côté de ses 30 hectares de noyers (irrigués et conduits en conventionnel), l'Earl Iserable cultive aujourd'hui 18 hectares d'oléagineux (chanvre, tournesol, cameline...) qui, avec les noisettes, donnent des « huiles saponifiables, riches en oméga 3 et 6 ». Pour la culture du chanvre, « nous utilisons la planteuse à tabac et pour le séchage, nous valorisons notre ancien séchoir », précise l'agriculteur.
L'Earl a tout de même dû investir dans une presse à froid et tout le matériel de la savonnerie. « Ma partie, c'est de la graine à l'huile. Pour les savons, c'est ma femme. Elle s'est formée pour ça. Nous avons mis un an et demi pour préparer toute la gamme. » Une gamme composée d'huiles et de savons commercialisés depuis peu sous la marque Zenolea. Objectif affiché : glisser sur la vague du circuit-court et du bien-être au naturel.
MB