Gel d’avril
Mission d'enquête auprès des arboriculteurs de la plaine du Bouchage

Marianne Boilève
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L’ultime mission d’enquête déclenchée par la DDT s’est rendue dans la plaine du Bouchage le 29 juillet pour évaluer l’ampleur des pertes de récolte dans les vergers de pommes et de poires. Les conclusions seront présentées le 11 août lors du prochain comité départemental d’expertise.

Mission d'enquête auprès des arboriculteurs de la plaine du Bouchage

C’est à rien n’y comprendre. La mission d’enquête qui s’est rendue le 29 juillet à Brangues et dans la plaine du Bouchage pour évaluer l’ampleur des pertes de récolte liées à l’épisode de gel d’avril dernier s’est retrouvée face à une situation inédite : des arbres protégés qui n’ont rien donné et d’autres, non protégés, qui sont chargés de fruits. « D’habitude quand ça gèle, ça gèle, expose Philippe Fiard, producteur au Bouchage. Cette année, on a eu des bourgeons de l’année qui ont refleuri et donné des grappes de pommes, mais sans pépins ; des pointes de rangs qui ont donné, d’autres pas ; des arbres non protégés qui font des fruits. On s’est dit que c’était bon et d’un coup, vooouuf ! Plus rien. »

Pas de logique

Comme ses collègues, Philippe Fiard qualifie l’année d’« incompréhensible ». Impossible de trouver une logique dans les dégâts : 90% de pertes sur des rangs d’Idared et un impact moindre sur le rang d’à côté, planté en reine des reinettes. « Je suis incapable d’évaluer les pertes, reconnaît l’arboriculteur. Certains vergers ont gelé à 100%, d’autres non. Dans l’ensemble, je ne rentrerai pas dans la case des 30%. Mais après tout, je préfère vendre mes pommes que de recevoir un chèque. »

A quelques centaines de mètres de là, chez Virginie Comte, le bilan est malheureusement plus tranché : aucune grany, aucune boscop, quasiment aucune reinettes grises et peut-être 50% de gala, dans des vergers situés plus près du Rhône. « Au départ, le technicien m’avait annoncé 100% de perte, car mes vergers ne sont pas protégés : je n’ai pas l’eau, explique la jeune femme aux enquêtrices de la DDT. Mais finalement ce sera sans doute plus autour de 70% de perte. »

Chez William Durand, à Saint-Benoît, la situation est encore différente. Son verger, en conversion bio depuis trois ans, est presque intégralement protégé par aspersion. Sauf quelques rangs où le système est tombé en panne au petit matin. « Topaze, opale, fuji, melrose : j’ai tout perdu, sauf les lignes non protégées qui ont mieux résisté, témoigne-t-il. Ce que j’en déduis, c’est que le gel n’était peut-être pas si fort, mais qu’il a duré trop longtemps. » Bilan : sur les 10 hectares qu’il cultive, l’arboriculteur pense ne ramasser que 50 tonnes de pommes, contre 250 l’an dernier. Philosophe, William Durand va jongler avec les décalages de crédit et compter sur sa récolte de maïs qui, cette année, se présente plutôt bien.

Fruits déclassés

Michel Franchelin n’aura pas cette chance. Producteur de fruits bio à Veyrins-Thuellin (8 hectares de pommes, 3 hectares de poires et 1 hectare de petits fruits), il a eu beau protéger ses vergers (par aspersion et avec des systèmes Frostguard), ses pertes sont évaluées à plus de 95%. Quelques pommes, pas une poire, pas une cerise, pas un kiwi. « Ça a gelé à 50% sur les pommes, mais j’ai laissé les arbres chargés pour rattraper le volume, explique l’arboriculteur. Ça a donné plein de petites pommes qui seront déclassées en deuxième choix. » Ce qui ne sera pas considéré comme perte par le régime des calamités, mais placera le producteur dans une situation quasi intenable. « J’ai reporté la MSA, les annuités, mais j’arrive au bout… », confie-t-il.

Les pertes ne seront déterminées qu’après la récolte, fin octobre pour les fruits à pépins.  Mais on peut d’ores et déjà envisager le pire. « C’est impressionnant, souffle Cécile Gallin-Martel, de la DDT. Quand on voit l’ampleur des dégâts, on comprend que les arboriculteurs soient déprimés. Les pertes en pomme sont énormes. Sur toutes les missions d’enquête que nous avons menées ces dernières semaines, elles sont de 50 à 70% selon les variétés. » Des chiffres qui seront présentés le 11 août prochain en comité départemental d’expertise (CDE), où seront établis les barèmes qui permettront de calculer le montant des dommages.

Attention : les producteurs isérois qui ont des parcelles hors du département (dans l’Ain ou la Drôme par exemple) sont invités à s’assurer que la commune où se trouvent leurs vergers a bien été déclarée sinistrée pour que les pertes soient prises en compte. « Il faut que vous alliez voir le maire et que vous lui expliquiez la situation, conseille Yves François, élu mandaté par la chambre d’agriculture pour participer à la mission d’enquête. S’il ya un souci avec les communes, dites-le nous : nous monterons au créneau pour appuyer votre démarche. »

Marianne Boilève

 

Dernière minute : ouverture du 2 août au 2 septembre 2021 de la téléprocédure TeleCALAM pour les arboriculteurs ayant subi des pertes de récolte sur fruits à noyau.  Lien direct avec le site TeleCALAM.

La mission gel en photo

La mission gel en photo
Sur toutes les missions d’enquête réalisées par la DDT, les pertes en pommes sont de 50 à 70% selon les variétés, comme ici chez William Durand, producteur bio à Saint-Benoît.