JUSTICE
De nouveaux délits généraux pour les pollutions

Le 23 novembre, les ministères de la Justice et de la Transition écologique ont annoncé de nouveaux délits environnementaux pour l'ensemble des pollutions, allant jusqu'au délit « d'écocide ». Les conséquences dans le secteur agricole semblent limitées.

De nouveaux délits généraux pour les pollutions
Si le gouvernement va au bout de son ambition, les nouveaux délits concerneraient non seulement l'eau, mais également l'air et les sols. (Crédit : SD)

« Éradiquer le banditisme environnemental » : voilà, comme a qualifié Éric Dupond-Moretti devant les députés le 24 novembre, l'ambition de ces nouveaux délits environnementaux. Ils viendront remplacer l'actuel article L. 216-6 du code de l'environnement, qui fixe les peines en cas de pollutions de tout milieu aquatique par des substances ou déchets. Si le gouvernement va au bout de son ambition, les nouveaux délits concerneraient non seulement l'eau, mais également l'air et les sols.

Les peines seraient par ailleurs significativement rehaussées. La version remaniée de l'article prévoit trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende pour des pollutions temporaires issues de négligence. Pour des pollutions étendues, durables et délibérées, les peines pourraient atteindre dix ans d'emprisonnement et 4,5 millions d’euros d'amende. « C'est un délit que l'on peut appeler écocide, puisqu'il s'agit de réprimer les atteintes volontaires et graves », explique le ministère de la Justice lors d'une conférence de presse le 23 novembre.

Un progrès pour le droit de l'environnement

« Aujourd'hui dans le droit pénal, les dommages au milieu aquatique représentent la seule faute qui peut être caractérisée en l'absence d'intention, analyse Sébastien Mabile, avocat spécialiste du droit environnemental au sein du cabinet Seattle. Ce nouveau texte est un progrès puisqu'on élargit les dommages d'imprudence pure non seulement à l'eau, mais aussi aux autres milieux ». À l'Assemblée, le garde des Sceaux a par ailleurs indiqué son intention de « sanctionner les comportements irresponsables même s'il n'y a pas eu de dommage ». Ce souhait se traduirait par la création, en plus des délits généraux de pollution, d'un autre délit pour mise en danger de l'environnement. La mesure, rappelle Sébastien Mabile, était portée par l'UICN, une institution qu'il accompagne sur le plan juridique.

Les conséquences concrètes en agriculture

Ces dispositions auront-elles des conséquences dans le secteur agricole ? Au moins dans le cas d'épandages de produits phytosanitaires interdits, explique Sébastien Mabile. « S'il y a une atteinte visible et constatée à l'environnement, les dommages tomberont sous le coup du délit générique. À l'inverse, s'il n'y a pas de preuve de l'étendue ou du volume épandu, mais que les produits sont extrêmement nocifs, le cas relèverait de la mise en danger. »

Le plus haut degré, le délit d'écocide, sera par ailleurs réservé à des cas aussi rares que graves, prévient l'avocat. Les avocats devront, dans ce cas, montrer que les dommages à l'environnement s'étendent sur au moins dix ans. Or, illustre Sébastien Mabile, « pour l'Erika, les experts s'accordaient pour dire que les effets dureraient tout au plus cinq ans ».

Deux étapes pour la justice environnementale

Les nouveaux délits ont été annoncés en avant-première dans le Journal du dimanche le 22 novembre, en réponse aux questions des journalistes sur les suites données à la Convention citoyenne. Au degré le plus élevé, les nouveaux délits seraient donc, expliquent les ministres, un aménagement de la proposition de la convention de créer un crime d'écocide basé sur les limites planétaires. Pour preuve, comme l'a expliqué Éric Dupond-Moretti aux députés, les délits généraux de pollution seront introduits dans la loi dédiée aux propositions des citoyens, qui devrait être examinée au palais Bourbon avant l'été prochain. Sur l'écocide, a prévenu Éric Dupont Moretti devant les députés, l'action du gouvernement se poursuivra également « au niveau européen sur ce sujet dont je veux faire une des priorités de la présidence française en matière de justice pénale ».

Avant que Paris ne prenne la tête du Conseil ou que la loi sur la Convention ne soit examinée, les ministères de la Justice et de la Transition écologique rappellent qu'un autre rendez-vous pour le droit environnemental se jouera d'ici la fin de l'année à l'Assemblée, avec la loi sur le Parquet européen. Présenté début 2020 par Nicole Belloubet, l'ancienne garde des Sceaux, ce texte introduira des juridictions spécialisées en environnement dans chaque cour d'appel, et créera de nouvelles Conventions judiciaires d'intérêt public, permettant aux entreprises de négocier les amendes avant le procès.

I.L.