Nuciculture
Maîtriser l’enherbement de ses noyeraies

Morgane Poulet
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Le 21 mars, la Chambre d’agriculture de l’Isère et la Senura ont organisé une matinée dédiée à l’enherbement des noyeraies.

Maîtriser l’enherbement de ses noyeraies
La Senura et la Chambre d'agriculture de l'Isère ont présenté des méthodes pour prendre soin de ses noyers.

Le 21 mars, la Chambre d’agriculture de l’Isère et la Senura (Station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes) ont organisé des retours d’expérience de nuciculteurs utilisant des méthodes intéressantes pour désherber et pour protéger le sol des noyeraies.
 
Couverts végétaux
 
Olivier Gamet, nuciculteur à Chatte, explique avoir commencé des essais de couverts végétaux pour ses noyers en 2012. « J’ai ensuite généralisé les couverts à l’ensemble de ma ferme en 2013 », précise-t-il. Pour lui, il était important de travailler le sol et d’essayer de gagner en matières organiques, de « récupérer des oligoéléments et des unités NPK* du sol grâce au système racinaire », mais également de « favoriser la vie du sol et de la parcelle en général ». Son choix s’est porté sur la culture de couverts hivernaux, car « il ne reste que le bois des noyers sur les parcelles et les rayons du soleil peuvent atteindre le sol pour faire pousser le couvert », ajoute le nuciculteur.
Pour composer ses couverts, il privilégie les légumineuses, présentes à 70 %. Les arbres produisant beaucoup de carbone, « ce qui manque dans les sols, c’est l’azote », d’où le choix des légumineuses, qui permettent de fixer l’azote de l’air et ainsi d’équilibrer le rapport C/N (carbone sur azote).
Depuis dix ans, ce travail a débouché sur l’achat d’un semoir grâce à une subvention européenne. Ce semoir est porté par la Cuma du Piémont. Et en termes de semences, Olivier Gamet explique « jongler entre des semences fermières et des semences certifiées » qu’il achète en coopérative.
Pour fonctionner, un couvert végétal doit être riche en espèces différentes (entre quatre et six espèces différentes), car les systèmes racinaires travaillent le sol différemment en fonction de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Qui plus est, chaque plante a des spécificités en ce qui concerne sa récolte d’oligoéléments dans le sol. Le nuciculteur utilise généralement un mélange de vesse et d’avoine couplé à de la féverole et enrichi en pois, en seigle ou en triticale, qu’il sème à 3 cm environ.
Olivier Gamet ajoute privilégier le semis au broyage des feuilles, car cela laisse le temps aux feuilles de se décomposer, d’apporter une meilleure vie au sol et de diminuer l’anthracnose**.
Au printemps, un problème de concurrence d’eau peut se poser avec le noyer. Mais lorsque le couvert est couché assez tard, cela permet d’éviter l’évapotranspiration et de garder la fraîcheur du sol.
En revanche, un problème risque de se poser avec le nouvel arrêté pollinisateur, qui impose de rendre le couvert non-attractif pour les abeilles avant de réaliser un traitement.
 
Gestion mécanique
 
Sébastien Renevier, nuciculteur à Tullins, s’est converti au bio en 2018 et, depuis, désherbe mécaniquement ses parcelles de fernor. « J’ai acheté un monodisque et je fais un double passage avec le monodisque à l’avant et une tondeuse perfect à l’arrière pour faire l’inter-rang en deux passages », explique-t-il.
Il ajoute avoir réalisé des essais à différentes périodes de l’année entre 2019 et 2021. En est ressorti le fait que sur des terrains où l’enherbement pousse très vite, les modalités tardives sont difficiles à mettre en place en raison de la présence de taupinières et de fourmilières : le rang n’ayant pas été entretenu, la faune reprend ses droits.
« Nous n’avons pu tester cette méthode que pendant deux ans à cause des aléas climatiques, donc nous allons reprendre les essais pendant trois ans pour voir à plus long terme s’il y a vraiment une concurrence au niveau des arbres, avec un enherbement qui reste en place, ou pas », précise Sébastien Renevier. Le constat pour l’instant est que réduire le nombre de passages avec un tracteur réduit inévitablement le tassement du sol.
 
Pâturage
 
Ludovic Belle, nuciculteur à Saint-Hilaire-du-Rosier, a commencé à faire pâturer environ 300 brebis sur une parcelle de 7 hectares en 2018. Il explique qu’à partir de 2021, il a renouvelé l’expérience avec un autre berger, cette fois sur la totalité de son exploitation, donc sur environ 30 hectares, de début mai à mi-juillet.
« Les brebis mangent nos couverts, mais, généralement, elles n’apprécient pas la féverole qui a commencé à sécher », précise l’agriculteur. C’est pourquoi de petits parcs sont formés pour obliger les animaux à consommer ce qu’ils ont piétiné. Et les brebis, de race mérinos, sont habituées à être dehors et à se déplacer.
En ce qui concerne les traitements sur noyers, Ludovic Belle explique ne pas réaliser de traitement de fongicides. Et les brebis changent de parc lorsque les arbres doivent subir un traitement.
Pour l’instant, aucun effet important n’a été remarqué sur le tassement des sols car « les brebis sont réparties sur quatre pattes et n’ont pas un poids très important », précise Catherine Venineaux, conseillère ovins à la Chambre d’agriculture de l’Isère.

Morgane Poulet

* Abréviation d’éléments chimiques composant une formule classique de fertilisants : azote (N), phosphore (P), potassium (K).
** Série de maladies causées par des champignons et créant des taches brunes à noires sur les feuilles et les fruits.