Qualité sanitaire du lait
Haro sur les spores butyriques !

Ils sont la bête noire des transformateurs fromagers : les spores de Clostridium, désignés sous l’abréviation de ‘’butyriques’’ dans les analyses de lait, sont originaires du sol. Minimiser leur présence dans le lait passe par la qualité des fourrages récoltés, les conditions de logement et l’hygiène de traite.

Haro sur les spores butyriques !

Quelques dizaines de ‘’butyriques’’ par litre de lait peuvent mal orienter les fermentations fromagères et causer de graves problèmes technologiques : trous, gonflements, mauvais goûts… Ce qui explique l’importance de ce critère du paiement du lait à la qualité, en particulier dans les filières fromagères. Bien connaître la biologie de ces micro-organismes permet de mieux cibler les points de vigilance dans la conduite du troupeau pour éviter d’avoir des niveaux de contamination pénalisants.

La particularité des bactéries du genre Clostridium est de ‘’sporuler’’ lorsque les conditions leurs sont défavorables : les spores sont des formes de survie, très résistantes aux traitements thermiques, au sec… (lire l’encadré). Dès que les conditions du milieu redeviennent favorables (absence d’oxygène, chaleur, pH > 4.5), les butyriques redeviennent actifs et se multiplient. Par exemple, un ensilage non stabilisé (pH supérieur à 4.4, teneur en matière sèche inférieure à 30%) constitue un milieu propice au développement des germes butyriques.

Naturellement présentes dans le sol

Ces bactéries et leurs spores sont naturellement présentes dans la terre – on dit que ce sont des germes telluriques – et elles peuvent donc se retrouver sur les fourrages en plus ou moins grande quantité selon les conditions de culture (inondations, pluies battante) et de récolte (hauteur de coupe, météorologie pluvieuse…). Le premier axe de prévention consiste donc à soigner les chantiers de récolte pour éviter au maximum d’emmener de la terre ou de la boue avec les fourrages. Cela passe par le réglage d’une hauteur de fauche suffisante (7-8 cm pour de l’ensilage d’herbe, 20 cm pour du maïs ensilage) et l’entretien et le nettoyage des matériels de fauche et de récolte (sans oublier les tracteurs-tasseurs). Nettoyer le silo et ses abords est aussi un facteur de sécurité. Au niveau des réglages, la finesse du hachage favorise une acidification rapide, propice à la bonne conservation de l’ensilage. Les conservateurs (ou additifs d’ensilage) peuvent améliorer la conservation des fourrages à acidification lente. Leur utilisation doit être raisonnée en fonction de la composition des fourrages (teneur en sucre, en azote, …), de leur teneur en matière sèche ou encore des conditions de chantier (pluie, apport de terre dans le silo, …)

Le rumen, un milieu de prolifération

En consommant des fourrages contaminés, les vaches ingèrent ces spores. Le rumen présente les conditions quasi-optimales pour leur prolifération et un peu plus loin, on les retrouve dans les bouses. Les bouses sont en moyenne 100 fois plus contaminées que le fourrage consommé. Au moment de la traite, des particules de bouses se trouvant sur les trayons peuvent passer dans le lait et le contaminer. Incapables de se multiplier dans le lait, les butyriques qui s’y trouvent proviennent forcément d’une contamination à la traite. C’est pourquoi l’hygiène de traite – et en amont la qualité du couchage des animaux pour conserver des mamelles propres (lire ci-dessous ) – sont déterminants.

Quelle que soit la technique mise en œuvre (lavette individuelle, pré-trempage, paille de bois…) l’objectif est que les trayons soient propres et secs au moment du branchement. Dans le cas contraire, il y a risque de contamination par écoulement des eaux sales. Les lavettes doivent être utilisées de manière individuelle. En effet des lavettes sales ne permettent pas de nettoyer, mais au mieux d'étaler les salissures. Si vous utilisez des douchettes, ne pas asperger toute la mamelle et vérifier la pression du jet. Eliminer les premiers jets, souvent chargés en butyriques, est aussi une mesure simple à mettre en place. Eviter les ambiances poussiéreuses pendant la traite (ne pas distribuer de fourrage pendant la traite, vérifier la ventilation de la salle de traite…)

Limiter les occasions de contamination

Veiller à un éclairage suffisant du bloc de traite pour l’évaluation visuelle de la propreté des trayons. Les chutes ou glissements de manchons en cours de traite sont une source importante de contamination. Votre machine à traire est-elle bien réglée (contrôle Optitraite) ? Favoriser une traite calme (lutte contre les mouches, gestion des génisses…). Garder le lieu de traite propre, en cas de bouses pendant la traite, les éliminer rapidement et nettoyer les griffes.

Ces mesures d’hygiène à la traite sont primordiales mais pas forcément suffisantes. Il faut rechercher les points critiques en amont.

AC

Logement

Objectif : vaches propres

La propreté des animaux est le principal facteur de contamination du lait en spores butyrique. Ce critère, relativement simple à observer visuellement, est déterminé par les conditions de logement.

Pendant les mois d’été, il est indispensable d’éviter la surfréquentation de certains endroits : zones d’ombre, accès au parc, parc de nuit… Et d’être vigilant vis-à-vis des zones humides (accès aux abreuvoirs, cours d’eau…). L’entretien des bâtiments conditionne également beaucoup la propreté des animaux. Afin de garder les animaux plus facilement propres, tailler la queue et raser la mamelle peut être une option.

Pour les troupeaux conduits en bâtiment, garantir une bonne ventilation des locaux favorise une répartition homogène des vaches laitières et limite les problèmes de sur-densité. En matière de paillage, il est recommandé de pailler quotidiennement avec une paille de qualité. Tout en garantissant une surface utile adaptée : les bonnes pratiques préconisent un minimum de 6m²/VL en aire paillée. Le bon réglage des logettes au gabarit des vaches laitières encourage un couchage sain.

Côté couloirs de circulation, aires d’exercice et parc d’attente, il peut être utile d’augmenter la fréquence du raclage pour réduire les souillures.

Fourrages : vigilance de la récolte à la distribution

Sur les parcelles pâturés ou ensilées, favoriser les épandages en fin d’année, plutôt qu’au printemps. Respecter un délai de quatre semaines entre l’épandage d’engrais de ferme et la pâture car les bouses sont chargées en bacilles butyriques. Garder la table d’alimentation ou les crèches propres et en bon état : l’enlèvement quotidien des refus permet de baisser les risques de contamination butyriques. Si affouragement en vert, redoubler de vigilance. Eliminer les parties abîmées (moisies) lors de la distribution. Enfin, nettoyer régulièrement les points d’abreuvement des animaux et vérifier annuellement la qualité microbienne de l’eau si réseau privé.

Zoom sur...

Clostridium tyrobutyricum et butyricum

Les Clostridium tyrobutyricum et butyricum sont des espèces de Clostridium, bactéries G anaérobies (incapable de se développer en présence d’oxygène) et non pathogènes. Ces bactéries sont naturellement présentes dans le sol et l’eau. Elles bactéries résistent à des températures allant de 10 à 50°C avec un optimum de 37°C.

Lorsque leur environnement n’est pas favorable, elles ont la capacité de former des spores qui leur permettent de survivre durant le processus d’acidification de l’ensilage mais également dans le tube digestif des ruminants. Par la suite, lorsque l’environnement redevient favorable, les spores germent et les bactéries redeviennent actives. Ces spores butyriques peuvent également survivre à des pH allant de 4,6 à 7,5 avec un optimum de 5,8 et la germination peut intervenir en l’absence d’oxygène, à partir d’un pH à 4,5. Ces spores sont aussi capables de résister à la chaleur aux agents chimiques. Elles ont également une durée de vie quasiment illimitée dans le temps. Il est possible de retrouver de 500 à 87 000 spores par gramme de matière. Les spores résistent bien au chauffage réalisé lors de la fabrication des fromages à pâte cuite et se retrouvent ensuite dans des conditions favorables à leur germination (anaérobiose et température).  Une fois germées, ces bactéries fermentent les glucides comme le lactate, généralement dans les produits de l’agroalimentaire comme les fromages à pâte cuite… produisant du gaz et de l’acide butyrique, responsable de défauts d’aspect et de goût