Agriculture biologique
La crise du bio

Morgane Poulet
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Le 2 mars, la Chambre d’agriculture de l’Isère, en partenariat avec l’Adabio, a organisé une journée dédiée à l’évolution de la place du bio en Isère.

La crise du bio
La Chambre d'agriculture de l'Isère a organisé une journée dédiée à la place de l'agriculture biologique en Isère.

« La commercialisation des produits bio n’est pas simple, les ventes en grandes surfaces ralentissent, de même que dans les magasins spécialisés et en vente directe », constate Sandrine Gilloz, agricultrice à Saint-Siméon-de-Bressieux et élue à la Chambre d’agriculture de l’Isère.
Alors que le début de la crise sanitaire avait vu l’essor des achats de produits alimentaires en vente directe, locaux et bio, la tendance s’est depuis un peu essoufflée. « Les filières ont du mal à progresser, certaines sont difficiles à commercialiser et d’autres ne trouvent pas leur place dans le marché du bio », ajoute-t-elle.
Afin de dresser un constat de l’activité du bio en Isère, la Chambre d’agriculture a organisé une journée d’échanges sur ce thème, en partenariat avec l’Adabio, à la MFR de Coublevie, le 2 mars.
 
L’agriculture bio en Isère
 
En France, environ 10,5 % de la SAU totale sont occupés par l’agriculture biologique. 13,5 % des fermes sont bio, ce qui représente presque 3 millions d’hectares pour 58 000 producteurs engagés. En Isère, on dénombre en revanche 14,5 % des surfaces en bio, soit 31 700 hectares en bio et 18 % des fermes (901 fermes certifiées bio ou en reconversion biologique en 2022).
Parmi les élevages d’animaux, les bovins représentent la filière animale « la plus bio », avec 41 % des producteurs en bio. Viennent ensuite les apiculteurs, avec 19 % d’entre eux en bio, les éleveurs d’ovins à 12 %, les élevages de caprins à 11 % et les volailles de chair à 9 %. Les éleveurs de porcs sont quant à eux 4 % à être en bio.
En ce qui concerne la production végétale iséroise, elle est surtout bio en arboriculture (28 %) et en maraîchage (27 %), ces deux filières représentant 50% de la production végétale en Isère. Les grandes cultures sont quant à elles bio à 22 %, les plantes aromatiques et médicinales à 8 % et la viticulture à 3 %.
En 2022, « 68 nouvelles fermes se sont engagées en agriculture biologique en Isère », explique Clothilde Caron, animatrice territoriale à Adabio, et 116 Dotations jeune agriculteur (DJA) ont été accordées en bio. En 2021, il fallait compter sur 56 % des fermes bio parmi les nouvelles installations, mais ces dernières n’étaient que 63.
 
Une décote du bio
 
Il est néanmoins souvent question de décertification bio. En effet, seize fermes ont été décertifiées en Isère en 2022, préférant passer à une agriculture conventionnelle. En 2021, dix fermes étaient dans cette situation. « Cette décote du bio a surtout lieu dans les élevages bovins », explique Sarah Dupire, conseillère technique à la Chambre d’agriculture de l’Isère, mais « ce n’est pas si alarmant que cela car le taux de décertification atteint 1,77 % en 2022 contre 1,4 % en 2021 en Isère ». Pour autant, les installations en bio pour les bovins se maintiennent. En revanche, presque 100 % des nouvelles fermes viticoles s’engagent en agriculture biologique.
Certains éléments pourraient expliquer le retour au conventionnel de certaines fermes. En effet, « il arrive parfois que l’équilibre économique ne soit pas stabilisé à l’échelle de la ferme, surtout pour celles qui sont les moins autonomes », explique Anne Haegelin, chargée de mission à la Frab Aura.
Selon elle, il existe également des effets d’opportunité : une fois la période de conversion passée, certains agriculteurs n’ont pas réussi à trouver un système qui s’équilibre, surtout lorsqu’ils n’ont plus accès aux aides. Néanmoins, ces cas semblent être très minoritaires.
Jusqu’à présent, dans la région, un soutien particulier était donné à la certification, par le biais d’aides financières. Cela a tendance à disparaître. Une certification en agriculture biologique coûte aujourd’hui trop cher par rapport au gain de production, ce qui pourrait décourager certains de se lancer dans de telles procédures. Pour autant, leurs pratiques peuvent tout à fait respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique.
 
Perte de visibilité
 
Les magasins jouent quant à eux moins le jeu vis-à-vis du bio. Depuis quelques temps, la visibilité du bio dans divers commerces diminue. Entre 2021 et 2022, la consommation du bio a chuté dans les grandes et moyennes surfaces. En effet, elle a diminué de 8,5 % sur l’année et est même descendue de 9 % en fin d’année. A partir du mois de mai, la baisse de l’offre a été supérieure à celle de la demande. Ainsi, en 2022, il y a eu moins d’offre en produits bio dans les grandes surfaces sans que cela n’ait d’impact sur le chiffre d’affaires de ces magasins.
En ce qui concerne la somme dépensée pour les produits bio par les acheteurs, elle est de 162,7 euros en 2022 sur l’année, ce qui correspond à une diminution de 4 euros par rapport à 2021, année qui marquait déjà un déclin des achats de bio par rapport à 2020.
Pour autant, les grandes surfaces ont augmenté leurs prix de 10,4 % sur les produits bio. Dans les magasins spécialisés, cette hausse a atteint les 3,8 %. Et ce sont surtout la viande et l’épicerie qui sont concernés.
Ainsi, 224 magasins spécialisés ont fermé leurs portes en 2022 contre « seulement 85 en 2021 », explique Clothilde Caron. Il y a eu 111 ouvertures de magasins spécialisés en 2022 contre 207 en 2021, « créant ainsi un solde négatif pour la première fois depuis 2014 ». Pour autant, les grandes enseignes ont fait le choix de prendre des parts de marché dans le bio. D’autres enseignes ont été rachetées par de plus grandes, comme Naturalia qui appartient désormais à Monoprix et Les Comptoirs de la bio à Intermarché.
Pour autant, pas de quoi s’inquiéter outre mesure pour Xavier Taloud, co-président d’Adabio. « Ce n’est pas la première crise du bio, il y a toujours eu de grands mouvements de conversion. A l’avenir, il faudra voir s’il s’agit vraiment d’une baisse de consommation du bio ou une baisse de l’offre, car en deux ans, l’offre du bio a beaucoup diminué dans les grandes surfaces, mais il y a eu de nombreuses ouvertures de magasins spécialisés. »

Morgane Poulet
Des aides pour l’agriculture biologique

Des aides pour l’agriculture biologique

Afin de maintenir une agriculture biologique dans l’ensemble du territoire français, la PAC prévoit diverses aides.

Pour tenter de pallier la déprise du bio, de nombreuses aides ont été mises en place. Dans la PAC, notamment, des aides sont spécifiques à la filière. Elles concernent l’éco-régime bio, les veaux bio et les veaux sous la mère. Il existe également une aide à la conversion bio de même que des aides régionales aux investissements.
Existent également un crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique (Ci-bio), une exonération de la taxe sur le foncier non-bâti et un crédit d’impôt « zéro glyphosate » non-cumulable avec le Ci-bio.
Enfin, les aides directes, qui ne sont pas spécifiques au bio, mais qui restent tout de même intéressantes, sont l’aide couplée pour le maraîchage, l’aide couplée pour les légumineuses fourragères et les mesures agro-environnementales et climatiques.
« Il y a globalement une hausse de toutes les aides, et même s’il y a une baisse à l’UGB, elle est compensée par une aide à la DPB, constate Sarah Dupire. Et les aides couplées aux légumineuses sont avantageuses car désormais, les éleveurs peuvent aussi en bénéficier. »
Et pour rappel, l’éco-régime est une aide découplée prenant pour partie le relais du « paiement vert » faisant partie de la PAC 2015-2022, avec une modalité et un niveau de paiement spécifiques à l’agriculture biologique. Pour bénéficier de l’éco-régime bio, il faut que 100% de la SAU soit en bio ou en conversion bio, mais il n’y a pas d’aides à la conversion bio sur la totalité de la SAU. Le cumul entre le crédit d’impôt « bio » et l’aide couplée avec une spécificité bio est possible, de même qu’un cumul avec le « bonus haie » à hauteur de 7 euros par hectare.

MP

Mesures prioritaires à engager

Afin de protéger l’avenir de l’agriculture biologique, la Chambre d’agriculture de l’Isère promeut le maintien de l’enveloppe à la conversion en agriculture bio, les aides d’urgence directes aux agriculteurs bio, la réorientation du fonds « avenir bio » vers la consommation de l’existant plutôt que vers le développement ainsi que la mobilisation des outils européens de régulation de marchés.
Elle rappelle son soutien aux actions de promotion et de communication autour du bio ainsi que les démarches allant vers les 20 % minimum de nourriture bio dans les restaurations collective et commerciale.

MP