MARCHÉ
Lait bio : le marché s’effondre

La décrue de la consommation des produits laitiers bio s’accélère sur les six premiers mois de l’année. Le prix payé aux producteurs est en légère baisse sur un an. Dans les rayons, pourtant, les prix augmentent.

Lait bio : le marché s’effondre
La consommation de lait bio connaît une baisse spectaculaire depuis le début de l’année 2022, selon l'Idele. ©Cniel

La conjoncture ne s’améliore pas sur le marché du lait bio, bien au contraire. En berne depuis un an et demi, la consommation connaît une « baisse spectaculaire » depuis le début de l’année 2022, observe l’Institut de l’élevage (Idele) dans sa publication Tendances du mois de juillet. Sur les deux premières périodes du second semestre, les ventes ont baissé de 18 % sur le beurre, 19 % pour la crème, 20 % pour les fromages, 12 % pour le lait liquide et 14 % pour l’ultra-frais en volume par rapport à 2021. Inquiets pour leur pouvoir d’achat, fragilisés par l’inflation, les consommateurs se détournent des produits haut de gamme. Un effondrement qui, conjugué avec la hausse de la collecte, entraîne une hausse des déclassements. « Heureusement, le coût du déclassement est limité grâce aux cours très élevé du conventionnel », soulignent les économistes.

Un prix dissuasif pour les producteurs

En avril et en mai, le prix du lait bio payé aux producteurs affichait un niveau inférieur à celui du lait conventionnel : pour la première fois depuis 2016, il a chuté sous la barre des 400 €/1 000 l, en raison du pic saisonnier de la collecte. Il est repassé au-dessus du prix conventionnel au mois de juin et devrait revenir à son niveau de 2021 en juillet. Sur le terrain, la collecte de lait bio progresse moins vite que les prévisions du Cniel (interprofession) : la tendance tendrait vers une hausse annuelle de 4 %, au lieu des 8 % attendus. Et pour cause, la baisse du prix payé et la forte hausse des charges n’incitent pas les éleveurs à produire. Sans compter que certains transformateurs, parmi les plus importants, ont stoppé les conversions et mis en place des dispositifs de régulation.

Des prix en hausse dans les rayons

Alors que le prix du lait bio payé aux producteurs « diminue légèrement » sur an (- 1 %), les prix des produits laitiers, eux, sont en hausse. Ils progressent même à un rythme comparable à celui de certains produits conventionnels « dont le coût de la matière première agricole s’est pourtant envolé ». C’est, par exemple, + 5 % sur les fromages bio, soit autant que le conventionnel. Même phénomène en lait conditionné : + 4 % en bio et + 5 % en conventionnel. D’après les économistes de l’Idele, les transformateurs de lait bio n’auraient pourtant pas demandé de hausse portant sur le prix de la matière première agricole lors des négociations commerciales, compte tenu de la situation sur les marchés. Et, « seule une petite partie » de ces hausses pourrait s’expliquer par la répercussion de l’inflation des matières premières industrielles après des renégociations de tarifs entre industriels et distributeurs. Une tentative des distributeurs pour sauver un peu de chiffre d’affaires sur ces rayons ?

J.G

SYNDICAT / La FNPL agite le spectre d’une grande action nationale

La FNPL (producteurs de lait, FNSEA) a rencontré, le 22 juillet, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau afin d’obtenir une garantie sur l’avancée des renégociations tarifaires entre industriels et distributeurs, sans quoi le syndicat ne s’interdit pas d’appeler à une manifestation de grande envergure, avec le soutien de la FNSEA et de Jeunes agriculteurs (JA). La date butoir est fixée le 1er septembre. La FNPL déplore que le prix des produits laitiers progresse moins vite que l’inflation générale sur les prix alimentaires. Par ailleurs, elle constate un décrochage des prix par rapport aux tendances européennes. Elle souligne que le prix de vente du lait UHT n’est que de 0,78 €/l en moyenne en France, contre 0,99 €/l en Allemagne et 1,05 €/l en Belgique. De même, le prix payé aux producteurs s’établissait en mai à 427 €/1 000 l selon l’Idele, tandis que les prix européens se situent entre 450 et 500 €/1 000 l. Selon le syndicat, une augmentation du prix de vente est la condition sine qua non d’une revalorisation du prix payé aux producteurs. « Constat partagé », a déclaré le président de la FNPL Thierry Roquefeuil après sa rencontre avec le ministre. La FNPL demande donc « un plein engagement des pouvoirs publics » pour peser sur les négociations entre transformateurs et distributeurs, et que le non-respect de la loi Egalim 2 soit sanctionné. L’objectif est de « sauver la filière » et éviter une pénurie de lait. Un prix du lait trop faible pourrait en effet pousser certains producteurs à vendre leur cheptel pour se tourner vers d’autres productions. La FNPL revendique un « syndicalisme de solution », mais n’écarte pas la possibilité d’évoluer vers un « syndicalisme de destruction », si ses revendications ne sont pas prises en compte.

Mathieu Fantino