NECROLOGIE
Disparition de Valéry Giscard d’Estaing : « Il voulait faire de l’agriculture le pétrole vert de la France » v2

Qu’ils l’aient côtoyé à Clermont-Ferrand ou à Paris, le monde agricole reconnaît en Giscard un homme visionnaire dont le projet avorté de Constitution européenne, fixant un cadre pourtant plus clair, résonne encore aujourd’hui. 

Disparition de Valéry Giscard d’Estaing : « Il voulait faire de l’agriculture le pétrole vert de la France » v2
Valéry Giscard d’Estaing ici aux côtés de Luc Guyau, alors président de la FNSEA et Gilbert Bros, président de la FRSEA Massif central. (Crédit : Auvergne Agricole)

Depuis son décès mercredi 2 décembre, à l’âge de 94 ans, les hommages à l’égard de Valéry Giscard d’Estaing sont nombreux. Qu’ils soient élus, acteurs du monde économique et social, observateurs… tous reconnaissent en celui qui en 1974 avait pris la route de l’Elysée pour un périple de sept ans, un homme moderne qui a fait basculer la France dans une ère nouvelle.

Sous la présidence giscardienne, les mœurs de la société française ont en effet profondément évolué à la faveur de mesures emblématiques telles que : l’abaissement de la majorité civile et électorale de 21 à 18 ans, la création d’un secrétariat d’Etat à la condition féminine, la dépénalisation de l’avortement, l’autorisation du divorce par consentement mutuel. Ce vent de modernité, on le retrouve aussi dans l’empreinte agricole laissée par Giscard, le chef d’Etat mais aussi par Giscard le député, le conseiller départemental du Puy-de-Dôme, et le président de la région Auvergne.

Secrétariat d’Etat à l’agroalimentaire

« Dans l’un de ses discours de 1978, il avait annoncé son ambition de faire de l’agriculture le pétrole vert de la France en augmentant massivement la production pour renforcer la place de la France à l’export », se souvient Gilbert Bros, agriculteur retraité en Haute-Loire qui a présidé la FRSEA Massif central et la chambre d’agriculture de Haute-Loire dans les années quatre-vingt-dix. Fort de cette volonté, VGE dote en 1979 son Premier ministre, Raymond Barre d’un secrétariat d’Etat chargé des industries agro-alimentaires, une première ! Un poste qui sera occupé jusqu’en 1981 par un autre Auvergnat, un certain Michel Debatisse, avec lequel Giscard fera également un bout de chemin au conseil régional d’Auvergne.

« Giscard était quelqu’un de très intelligent, qui avait une faculté à comprendre rapidement les choses », raconte Gilbert Bros. Cette perspicacité, a servi l’agriculture auvergnate, il en est convaincu : « Lorsqu’il a pris la présidence de la région Auvergne, une conférence régionale agricole était organisée chaque année durant laquelle nous plaidions pour une augmentation forte des crédits en faveur du secteur agricole. Giscard a mesuré les enjeux, en particulier de modernisation, puisque nous sommes passés d’un budget agricole de 5 à 6 millions de francs à 21 millions ». 

Le rêve européen de Giscard

Député puis conseiller départemental du canton de Rochefort-Montagne dans le Puy-de-Dôme, Valéry Giscard d’Estaing va contribuer à changer le visage du territoire : « Invitant à mettre en œuvre les opérations de remembrement, sous son impulsion le développement agricole va s’accélérer sur notre secteur », estime Alain Mercier, agriculteur, actuel maire de Nebouzat et président de la Communauté de communes de Rochefort-Montagne et Sancy-Artense. Emu par la disparition du président Giscard, Alain Mercier est fier d’avoir servi à ses côtés à la Région Auvergne, d’abord à la présidence de la commission agricole, puis à la vice-présidence à l’agriculture jusqu’en 2004, date où le conseil régional sera ravi par la gauche. « Il avait toujours une génération d’avance sur tout le monde et était convaincu que si l’Europe ne fonctionnait pas, la France ne fonctionnerait plus », suggère l’élu, qui regrette que le projet de Constitution européenne porté par VGE n’ait pas pu aller à son terme. « Il avait mis une énergie folle sur ce texte, et a été très déçu par son rejet par les français à l’occasion du référendum de 2005. Force est de constater que l’histoire lui a donné raison, puisque l’Europe manque toujours de règles qui garantissent un bon fonctionnement avec autant de pays ». 

Sophie Chatenet