Installation
Dans la jungle du financement agricole

Isabelle Doucet
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Pas facile de s’y retrouver dans le labyrinthe des aides à l’installation. Pour y voir plus clair, la Chambre d’agriculture de l’Isère et le service agriculture du Pays voironnais sont allés au-devant des porteurs de projets.

Dans la jungle du financement agricole
L'atelier sur le financement de l’installation agricole était animé par Véronique Rochedy, de la chambre d'agriculture.

Ils envisagent de s’installer en maraîchage, d’autres penchent pour les PPAM, ou encore la viticulture. Plus original, un porteur de projet souhaite se lancer dans la culture de soja pour le transformer en lait et yaourts végétaux. Tous sont à la recherche de financements pour réussir le démarrage de leur installation.
Aussi, la Chambre d’agriculture de l’Isère leur a proposé, le 14 décembre dernier à Moirans, un atelier sur le financement d’un projet agricole, dans le cadre du programme Aita (1).
Le paysage est une véritable jungle. Contacts, subventions, appels à projets, financements locaux, départementaux, régionaux, PAC, fondation, plafonds, cumuls : Véronique Rochedy, conseillère à la chambre d’agriculture de l’Isère et Béatrice Chenet, conseillère au service agriculture du Pays voironnais, ont décortiqué l’ensemble des possibilités afin que l’horizon s’éclaircisse pour les futurs installés. 

Demander conseil

« J’ai cherché toutes les sources de financement », confie Romain Poureau, éleveurs ovins qui a repris une ferme à Gillonnay en 2020.
Accompagné par la chambre d’agriculture, il a élaboré un Plan de professionnalisation personnalisé ou PPP, ainsi qu’un Plan de développement de l’exploitation (PDE) et demandé la Dotation jeune agriculteur (DJA).
« C’est une installation hors cadre familial et je n’avais pas d’apport personnel. J’ai eu recours au financement participatif via la plateforme Miimosa pour financer les moyens de production, ainsi qu’à l’emprunt bancaire avec une caution de France active. J’ai répondu à des appels à projets du PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations) (2) pour le laboratoire de transformation et le matériel. Enfin, l’association Terre de liens est intervenue pour le rachat du bâti et d’une partie de la SAU. »
Complet, le parcours de Romain Poureau résume une bonne partie des aides mobilisables par le futur installé. « N’hésitez pas à demander conseil aux jeunes agriculteurs autour de vous et aux anciens, ainsi qu’à toutes les instances, recommande-t-il. Il ne faut pas rester fermé sur soi en étant persuadé que cela va marcher. »

La DJA d’abord

L’aide phare en installation est la DJA pour les moins de 40 ans détenteurs d’un diplôme agricole. Elle est versée à 80% la première année d’installation et le solde la 5e année si le PDE est honoré. La DJA est bonifiée selon certains critères : installation hors cadre, zone défavorisée, création de valeur ajoutée, label agriculture biologique etc. Elle va de 38 000 à 65 000 euros.
Trois organismes sont agréés pour accompagner les futurs installés dans cette première étape : la Chambre d’agriculture de l’Isère, le Cerfrance Isère et l’Afocg des Alpes (3)
Pour subventionner les investissements, il est recommandé de s’intéresser au PCAE. Le portail des programmes européens en Auvergne-Rhône-Alpes présente tout un panel d’appels à projets.
Les identifier requiert quelques minutes de navigation sur le site dédié, mais cela en vaut la peine. Il y a des aides pour presque tous les types de projets. Les plus courantes concernent la transformation et la commercialisation ; le soutien à la certification ; à l’irrigation ; à la réduction des intrants. On y retrouve des aides pour la protection des cultures fruitières, maraîchères ; pour le développement des circuits courts ou encore pour l’agriculture biologique  etc.

Jusqu'à 70%

Le montant peut aller de 40% de subvention pour un atelier fermier à 70% pour une serre maraîchère. Il existe même une aide de soutien à la trésorerie d’un montant de 1 000 euros pour une installation dans un cadre familial et 5 000 euros, hors cadre familial. Il est conseillé de surveiller l’évolution des appels à projets et leur renouvellement.
Pour demander une subvention, il suffit de télécharger le formulaire et de déposer la demande auprès de la DDT. Il convient de fournir un devis pour les demandes jusqu’à 3 000 euros et deux jusqu’à 90 000 euros. La DDT délivre un accusé de réception. Le demandeur peut alors engager les dépenses.
Il est en effet très rare que l’instruction du dossier émette un avis défavorable. Le seul risque est de ne pas avoir de subvention. 

Les aides des collectivités

Le département de l’Isère octroie aussi des aides à l’agriculture dans divers domaines listés sur son site : lutte contre la malveillance dans les exploitations, viticulture, filets paragrêle, remplacement pour les nouveaux exploitants, pastoralisme, plantation d’arbres truffiers,  échanges de parcelles etc.  
« Mais attention, il n’est pas possible de cumuler deux subventions pour un même investissement, avertit Véronique Rochedy. Il faut voir celle qui est la plus intéressante. »

Enfin, des collectivités territoriales, comme le Pays Voironnais, la Métro ou le Grésivaudan, proposent leurs propres aides directes.
« Le Fonds intercommunal de développement agricole ou Fida, existe depuis 1998 »,
explique Béatrice Chenet. Un Fida dédié à l’installation permet aux moins de 45 ans de bénéficier d’une aide allant de 3 000 à 6 000 euros. Cette aide relève cependant de la règle de minimis agricoles (4). Une autre aide finance des projets à concurrence de 40% des investissements. 

Prêts sans frais ni garantie

Par ailleurs, le Réseau Initiative France, qui accompagne le financement de la création et de la reprise des entreprises, vient de lancer un dispositif régional agricole.
Deux offres sont proposées aux porteurs de projets : un prêt d’honneur agricole et/ou une garantie d’emprunt bancaire. 
Initialement destiné à ceux qui ne pouvaient prétendre à la DJA, le périmètre du prêt d’honneur agricole a été élargi à tous les porteurs de projets « dans une agriculture de proximité respectueuse de l’environnement ».
Ces prêts personnels à taux 0, sans frais de dossier ni garantie, sont obligatoirement couplés à un autre prêt bancaire. Leur montant est de 5 000 à 25 000 euros pour une durée allant jusqu’à 72 mois.
Caroline Sauvage, responsable d’Initiative Pays voironnais, souligne « l’effet de levier sur la trésorerie », que peut représenter cet argent. « Cela ne coûte pas cher d’emprunter », ajoute-t-elle, bien moins cher que de payer des agios. 
Le réseau propose aussi une garantie d’emprunt bancaire.  Elle permet de limiter le recours à la caution personnelle et sécurise le dossier de demande de prêt déposé à la banque. « Son coût est de 2,5% du montant garanti »,  indique Julie Rey, chargée de mission financement à Grenoble Alpes initiative active, la structure qui regroupe Initiative France à Grenoble et France active pour l’ensemble du département. Une garantie spécifique existe pour les entrepreneuses. Les dossiers sont examinés par un comité d’experts qui peuvent apporter un regard extérieur sur le projet. 

Le recours au financement participatif

Enfin, le recours au financement participatif sert à récolter des fonds pour accompagner des projets tout au long de la vie de l’entreprise. Il offre une belle rampe de financement. Certains sites, comme Miimosa, sont dédiés aux projets agricoles, d’autres appropriés à des domaines spécifiques. Béatrice Chenet recommande la vigilance quant à la fiabilité des plateformes, aux taux requis dans le cas de prêts et aux commissions sur les dons. 
« Miimosa  propose deux outils financiers », décrit Alix Auzet, responsable de la plateforme pour Auvergne-Rhône-Alpes.
Le premier est le prêt rémunéré. « Le citoyen ou l’entreprise prête de l’argent et perçoit une rémunération en échange, c’est le taux d’intérêt. C’est un prêt sans caution ni garantie ». Il peut intervenir dans un cofinancement bancaire, en besoin de fonds de roulement, achat de matériel d’occasion ou neuf.

Effet boule de neige

La responsable présente plusieurs avantages dont la rapidité de sa mise en place et la possibilité, pour le souscripteur, de récupérer les coordonnées des contributeurs pour constituer une base de donnée clients. Les taux d’intérêt varient entre 1,5% et 7% suivant la prise de risque. 
Le don avec contrepartie ou la prévente sont la voie historique du financement participatif. « La collecte moyenne est de 6 500 euros et la durée d’environ 30 jours », explique Alix Auzet.
Le principe est celui de l’effet boule de neige. Le premier cercle, parents, amis, collègues, contactés en direct crédibilisent le projet par leurs dons et font circuler l’information.
Quelques pré-requis sont à respecter : pour que le projet soit intéressant, la contrepartie (excepté pour les préventes) ne doit pas dépasser 25% de la valeur du don. Dans certains cas, des fondations peuvent abonder à la collecte de Miimosa. La communication reste à la charge du porteur de projet.
« Nous y voyons plus clair, ont déclaré les participants à l’issue de la présentation. Ce qu’il faut retenir, c’est de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. »

Isabelle Doucet

(1) Accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture.
(2) Financement FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural), ministère de l’Agriculture et Région. 
(3) Association de formation collective à la gestion
(4) Les minimis ou « aides d’Etat »  ne doivent pas dépasser un montant maximum sur une durée de 3 ans de 20 000 euros pour une exploitation agricole ou un associé de Gaec. Fonds allègement des charges (FAC), aides à la trésorerie de FranceAgriMer, prise en charge des cotisations sociales de la MSA, aides des collectivités territoriales, remboursement TIC/TICGN,  crédit d’impôt AB etc. font partie de minimis.

Financement participatif / « Une belle expérience, qui réclame du temps »
Benjamin Ripaud, maraîcher, a eu recours au financement participatif pour ses serres.

Financement participatif / « Une belle expérience, qui réclame du temps »

Benjamin Ripaud a eu recours au Fida pour s’installer et à la plateforme  Miimosa pour investir dans une serre.

Benjamin Ripaud est maraîcher installé en vente directe depuis deux ans à Charavines. Pour démarrer son activité, le jeune homme est allé à la chasse aux subventions.
« C’est une recherche qui prend du temps. Heureusement, les interco ont des interlocuteurs. J’ai discuté avec Béatrice Chenet, du Pays voironnais, qui a répondu à mes nombreuses interrogations. J’ai déposé un dossier Fida. Un conseiller vient sur place, on discute. Il faut prouver le sérieux de notre projet. Le montant de 5 000 euros n’est pas négligeable. Cela permet de se lancer. Lorsque des gens d’expérience donnent leur approbation sur un projet, cela lui apporte de la crédibilité et fait du bien au moral. »
Le maraîcher reprend : «  En revanche, je n’ai pas demandé la DJA. Je pensais que je n’avais pas envie de perdre ma liberté. Maintenant, je regrette de ne pas l’avoir fait. » Il envisage de la demander avant les trois ans de son installation comme cela est possible sous certaines conditions. Il recommande aussi aux futurs installés de prendre contact avec leurs communes. « Elle sont souvent prêtes à aider ».

Sortir de sa zone de confort

Dernièrement, il a eu recours au financement participatif via la plateforme Miimosa pour investir dans une serre et sécuriser sa production. « Je n’avais ni capacité d’emprunt, ni trésorerie ». Il a demandé 7 000 euros, en a récolté 4 000. « L’avantage est qu’on récupère la somme même si l’objectif de la récolte n’est pas atteint. Les fonds sont débloqués à partir de 70% ». Seul bémol « sortir de sa zone de confort et communiquer ».
Benjamin Ripaud explique que ce n’est pas facile « de demander de l’argent. Il faut se faire violence ».
A final, ce financement participatif s’avère « une belle expérience, mais qui réclame du temps. Ce qui ne se mesure pas, c’est l’impact du réseau. Cela donne un coup de boost car on se sent soutenu par des gens ». 

ID

Atelier financement de l'Installation en agriculture à Moirans