Elevage
Les futurs éleveurs face au climat

Isabelle Doucet
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La Journée des jeunes éleveurs du lycée de La Côte-Saint-André était consacrée cette année au thème de la réduction des gaz à effet de serre en élevage.

Les futurs éleveurs face au climat
Laurence Laval (à d.), éleveuse à Luzinay et Sarah Dupire, conseillère à la Chambre d'agriculture de l'Isère, interrogées par les étudiants de BTS PA.

La question climatique interpelle directement la conduite des élevages.
Rejet de gaz à effet de serre, solutions d’adaptation, recherche d’autonomie : les étudiants de 2e année de BTS production animale du lycée agricole de La Côte-Saint-André ont posé le débat dans le cadre de leur traditionnelle Journée des jeunes éleveurs.
En introduction, ils ont rappelé que si l’élevage fait partie du problème, il détient aussi une partie de la solution.
Les échanges ont permis d’explorer les réalisations concrètes dans les exploitations pour répondre à la question climatique.

Autonomie alimentaire

Laurence Laval, éleveuse en bovins lait au Gaec Le Mas d’Illins à Luzinay, a présenté sa conduite d’exploitation basée sur la recherche d’autonomie alimentaire.
En tant que ferme pédagogique, elle tient à faire découvrir le monde de l’élevage aux jeunes générations.
Sarah Dupire est conseillère en bovins viande à la Chambre d’agriculture de l’Isère, en charge des problématiques de gaz à effet de serre.
Toutes deux ont répondu aux questions des 200 étudiants réunis dans l’amphithéâtre du lycée.
Les deux intervenantes voient dans le changement climatique un passage en marche forcée d’un modèle à l’autre.



Au Gaec du Mas d’Illins, les vaches sont à l’herbe depuis 30 ans. « C’est ce qu’il y a de mieux pour la vache et pour l’environnement », assure l’éleveuse.
Sauf que le changement climatique impose de rapides adaptations. « Les vaches étaient à l’intérieur au mois de juin et mangeaient du foin. C’est du jamais vu. Nous les avons ressorties au mois de novembre. Cela non plus ça ne s’était jamais vu, raconte l’éleveuse. Il ne faut pas attendre d’aide, mais se mettre autour d’une table et se poser les bonnes questions. »
Pour cette ferme en agriculture biologique située aux portes de Lyon, où la pression foncière est importante, l’objectif est d’apporter suffisamment de céréales dans la ration des animaux. Elle achète du maïs en complément.
L’été, les vaches pâturent de la betterave et du sorgho fourrager. « Elles adorent ça et ça pousse même quand il fait chaud », explique Laurence Laval.

Anticiper, réfléchir

Sarah Dupire a apporté son regard d’experte, rappelant que la Chambre d’agriculture de l’Isère conduit de longue date des expérimentations pour permettre aux élevages d’adapter la ration des animaux en tenant compte du changement climatique et des exigences environnementales.
Sorgho, prairies multi-espèces, méteils sont des alternatives au tourteau.
« À la base, c’est une question de technique », explique la conseillère. Et la chambre est là pour accompagner les éleveurs, de façon individuelle ou collective et en fonction de leur demande.
« Rien n’est jamais figé en agriculture. C’est un système vivant. Il faut anticiper, réfléchir », encourage-t-elle.

La force du collectif

Laurence Laval fait part des nombreux échanges qu’elle a avec d’autres agriculteurs.
Elle souligne aussi l’intérêt de travailler en Cuma, « une source d’enrichissement inépuisable. Le collectif est une vraie force. »
Ce que confirme Sarah Dupire qui constate l’émergence de collectifs et de nouveaux systèmes d’entraide.
Pour autant, les deux intervenantes indiquent que le consommateur a sa partition à jouer dans le tournant que doit prendre l’agriculture.
La hausse de la fréquentation des points de vente directe, observée durant le covid, est retombée. « Le porte-monnaie entre en compte », note Sarah Dupire. Elle met en avant le soutien conséquent en Isère du Département et même de la Région en faveur de la production locale.

Consom'acteur

De son côté, Laurence Laval observe que le consommateur « cherche le contact avec les fermes ». Mais, « il est devenu urbain, a perdu des notions fondamentales ».
C’est d’ailleurs ce qui l’a convaincue de devenir ferme pédagogique « car j’en avais assez d’entendre que le lait sort d’une boîte. Je voulais donner la possibilité de montrer ce qu’est une vache, que le lait sort de sa mamelle, ou qu’une chèvre n’est pas une biche ».
Ces rendez-vous avec le grand public, ces temps privilégiés d’informations sont des incontournables pour resserrer les liens avec les « consom’acteurs », que ce soit au niveau des exploitations ou à plus grande échelle comme la Foire de Beaucroissant.

Isabelle Doucet


Lors de la remise des prix du quiz sur les émissions de gaz à effet de serre

Diminuer les rejets
Les étudiants de BTS PA et leur public des autres sections du lycée agricole de La Côte-Saint-André.

Diminuer les rejets

La conduite de l’élevage offre de nombreux leviers pour limiter les émissions de GES.

« L’agriculture a émis 19 % des gaz à effet de serre de la France en 2020 (1) », ont indiqué en introduction les élèves de la 30e promotion de BTS production animale.
Leurs travaux de recherche portaient cette année sur les voies de réduction des GES dans l’élevage.

Les étudiants de BTS PA

Ce dernier est notamment un gros émetteur de méthane CH4, alors que la production de cultures émet plutôt du protoxyde d’azote N20. Enfin, les engins agricoles rejettent du dioxyde de carbone CO2.
Les étudiants ont mis en avant les leviers qu’il est possible d’actionner, en particulier en production laitière dont les émissions de GES (34 % du total des élevages) sont le produit de la fermentation gastrique.
D’un système à l’autre, en fonction de son optimisation, la différence peut varier de 30 %.
Il est possible par exemple d’agir sur la productivité des animaux, sur la fourniture d’aliments de haute digestibilité, d’observer une meilleure génétique, mais aussi de fournir un abri pour l’hiver ou d’avancer l’âge du premier vêlage.

Les vertus du pâturage

Les étudiants se sont aussi penchés sur la recherche de l’autonomie alimentaire pour répondre aux questions de coût et de pollution générée par les transports.
Pour s’affranchir de l’importation de tourteau de soja, une solution est de tester celui de colza. Il s’agit de toute façon de réduire la quantité de concentrés utilisés. Les étudiants ont surtout mis en avant le pâturage, où « l’animal prélève lui-même ce dont il a besoin ».
Non seulement les animaux qui pâturent sont censés émettre moins de GES (mais deux méthodes se contredisent), mais en plus, les prairies sont des puits de carbone. Le pâturage tournant dynamique est présenté comme un système des plus performants.
Parmi les nombreux points abordés, les étudiants se sont aussi intéressés au stockage du carbone par l’implantation de haies végétales, aux multiples vertus : bénéfiques pour les animaux, le sol et les humains. Leur plantation est largement favorisée par le plan France relance.

ID

(1) Source : Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa)