Politique agricole
Agir pour l’avenir de l’élevage

Isabelle Doucet
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La Chambre d’agriculture de l’Isère a présenté son programme d’action en faveur de l’élevage lors de sa dernière session.

Agir pour l’avenir de l’élevage
Professionnels et techniciens responsables de la filière élevage à la Chambre d'agriculture de l'Isère ont présenté leurs ambitions pour l'avenir de la filière.

Un plan de prévention élevage, un diagnostic de la filière lait : la question de l’avenir de l’élevage en Isère était le cœur du sujet de la session de la Chambre d’agriculture de l’Isère, qui s’est déroulée le 25 juin.
Aurélien Clavel, élu responsable de la filière lait, a présenté les grandes lignes du diagnostic de la filière établi en 2023 ainsi que les pistes préconisées par la chambre d’agriculture pour « accompagner les trajectoires de production ». L’enjeu est le renouvellement des élevages.

Des appellations

La filière lait iséroise concerne moins de 400 exploitations, soit quatre fois moins qu’il y a 20 ans.
Les fermes sont cependant plus importantes et produisent un litrage de 150 millions de litres annuel, en déclin surtout depuis six ans.
Avec une moyenne de 62 vaches par exploitation, la ferme laitière iséroise est un peu plus petite qu’au niveau national, mais aussi plus extensive.
Le modèle sociétaire domine et c’est d’ailleurs celui choisi par les jeunes installés. Car l’Isère enregistre tout de même 95 installations en lait depuis 5 ans « avec une proportion importante de personnes hors cadre et souvent des jeunes en agriculture biologique ou en vente directe », précise Thomas Huver, technicien référent lait.
Il souligne que les appellations bleu du Vercors-Sassenage, saint-marcellin ou rouge raclette captent 35 % des litrages, ainsi que la présence d’un tissu dense de laiteries et de fromageries.
La part de la collecte des poids lourds, Sodiaal, Lactalis et Danone, a d’ailleurs tendance à baisser (60 %) au profit de plus petits opérateurs.
Il est transformé en Isère quatre fois plus de lait qu’il n’en est produit !

Attentes sociétales

Si les fermes ont bénéficié d’investissements, qui rendent leur outil performant, en revanche l’intensité capitalistique rend leur transmission difficile.
Or, les exploitants sont nombreux à approcher l’âge de la retraite.
Des fermes qui cessent leur activité, un cheptel qui diminue, des volumes en retrait pèsent sur la dynamique de la filière. Pourtant, le lait isérois bénéficie d’un bassin de consommation de 1,2 million d’habitants et son mode de production répond aux attentes sociétales, il est situé entre plusieurs départements à la recherche de lait et est soutenu par les collectivités.
Mais c’est aussi un lait qui coûte cher à produire, dans des conditions rendues plus difficiles avec le changement climatique, chronophage pour les éleveurs, lesquels souffrent d’une image parfois altérée.

Soutenir les OP

« Nous avons identifié six pistes de travail pour garder la production laitière dans notre territoire », indique Aurélien Clavel.
Un des enjeux est l’accompagnement des organisations de producteurs (OP) pour mieux les armer à négocier avec les laiteries. « C’est un travail pour reprendre en main notre production », insiste Aurélien Clavel.
La filière lait doit aussi répondre à des problématiques d’emploi, de main-d’œuvre et de surcharge de travail. « Nous avons créé la plateforme pour l’emploi, mais nous devons demain être plus performants », indique le responsable.
Il cite également l’installation et la communication positive car la filière ne peut être attractive si elle a mauvaise presse. De plus, la chambre d’agriculture porte une réflexion sur le calibrage des exploitations au regard du réchauffement climatique.

« Tout n’est pas foutu »

Jérôme Crozat, le président de la FDSEA de l’Isère et vice-président de la chambre, a fait valoir l’opportunité de disposer d’alpages en Isère pour nourrir les génisses.
Il assure que les laiteries comme Danone cherchent du lait et rappelle que Lactalis ne peut collecter du lait IGP ailleurs que dans la zone saint-marcellin.
Et si les coûts de production pèsent, « tout n’est pas foutu », déclare-t-il.
« Les professionnels sont persuadés de l’avenir de la filière lait en Isère. Il y a des opérateurs, des marchés, des exploitations. Mais si un certain seuil est franchi, si l’élevage disparaît d’un territoire, on sait qu’il n’y reviendra jamais », conclut Aurélien Clavel.

De la prévention

La Cellule de prévention en élevage a aussi fait l’objet d’une présentation par son président David Rivière.
Ce dispositif multipartenarial a été mis en place en 2019 et permet à chaque organisme d’intervenir dans son domaine de compétence.
Les cas de décrochage sont soumis par la DDPP. « L’objectif est de faire de la prévention avant la répression, déclare David Rivière. Nous voulons éviter d’arriver à l’enlèvement des bêtes. »
Mais il précise que toute action est dépendante du bon vouloir de l’éleveur. « C’est un accompagnement long », reprend Fanny Corbières, chef du service élevage à la chambre d’agriculture.
La cellule a suivi 18 situations depuis 2019, dont la majorité sont des exploitations individuelles, signe que la conduite d’un élevage à plusieurs est le premier élément de prévention des risques.
« Les motifs d’entrée dans le dispositif sont multiples, mais le défaut d’identification est récurrent », souligne la conseillère. Suivent la divagation, un état corporel dégradé, la négligence « ou des plaintes qui peuvent être abusives ». Sur les 18 situations étudiées, trois restent aujourd’hui problématiques et conduiront au retrait des animaux.

Défaut d'identification

David Rivière tient à sensibiliser les éleveurs sur les risques d’un défaut d’identification d’un animal à la naissance, qui oblige par la suite à faire des recherches génétiques. Mais en l’absence d’une mère – si celle-ci est partie à l’abattoir entre-temps – l’animal n’existe pas et est destiné à l’équarrissage. Une moins-value économique par négligence.
C’est pourquoi le projet de plan élevage met l’accent sur la réglementation.


« Il s’agit de revenir aux fondamentaux auprès des jeunes et des futurs installés », explique Fanny Corbières.
Le plan prévoit aussi des actions de prévention en ciblant une trentaine d’éleveurs et un renforcement de l’accompagnement technico-économique des élevages.
Pour sa mise en œuvre, David Rivière est encore à la recherche de 25 000 €. « Nous voulons éteindre les incendies et remettre la prévention en amont. Il est important d’avoir des éleveurs qui vivent de leur métier et ne pas être soumis à la calomnie à cause de deux ou trois personnes en difficulté », a assuré David Rivière.

Isabelle Doucet

Ils ont dit
Les élus de la Chambre d'agriculture de l'Isère et le vice-président du Département lors de la dernière session consulaire.

Ils ont dit

Jean-Claude Darlet, président de la Chambre d’agriculture de l’Isère
« Garder le cap »`
Le président a listé l’ensemble des dysfonctionnements qui entachent l’activité agricole. En particulier « La loi d’orientation agricole en suspens ; les problèmes de trésorerie dus aux retards de paiement des aides PAC ; un sentiment de surenchère des garanties bancaires demandées […] ; derrière cela, la vitalité de l’agriculture en dépend ».
Parmi les chantiers engagés par l’institution, il a annoncé un travail sur la segmentation des débouchés de la noix pour le compte de l’Association des producteurs du Sud-est. Par ailleurs, une cartographie du foncier productif est en cours d’élaboration et servira de document cadre vis-à-vis du foncier voltaïque.
La chambre travaille aussi sur des solutions d’autonomie de production d’énergie.
Le président a également émis le souhait de passer « à la vitesse supérieure » avec le Pôle agroalimentaire. Il a déclaré qu’il y avait « beaucoup de blablas » autour des PAT/PAIT des EPCI et qu’il importait, avec les outils de transformation et de production du département, « de mettre en phase des choses concrètes ».
Enfin, une stagiaire travaille actuellement sur le réseau Bienvenue à la ferme.

Jérôme Crozat, président de la FDSEA de l’Isère
« Un trou dans la raquette »
Le président a de nouveau dénoncé les retards de paiement des aides PAC et déclaré que dans l’attente, « nous boycotteront toutes les réunions organisées par l’État ».
Il dit qu’il est anormal « que le 2e pilier ne soit pas honoré : MAEC, assurance récolte et bio ».
Il déclare néanmoins avoir « apprécié la rencontre de décrispation avec l’OFB et espère que les contrôles se dérouleront mieux » et « remercie la concertation effectuée avec le Sdis et l’arrêté récolte de cet été » qui en découle.
À ce sujet, la DDT a fait connaître le calendrier des paiements du 2e pilier :
- 129 demandes de MAEC ont été déposées, 113 dossiers ont été instruits. Les sommes, soit 97 % des montants, devaient arriver sur les comptes fin juin…
- Le taux d’instruction des aides à la conversion bio est de 66 %. Ces dossiers sont mis en paiement le 28 juin. Un certain nombre de dossiers étaient inéligibles.

Cyrille Madinier, vice-président du Département à l’agriculture et à la ruralité
Un interlocuteur privilégié
Le vice-président a souligné la relation importante entre le Département et la Chambre d’agriculture. Il a rappelé la reconduction du dispositif berger d’appui avec la FAI mais aussi que le Département consacrait 240 000 euros pour les alpages.
L’aide financière à la Chambre d’agriculture de l’Isère s’élève quant à elle à 700 000 euros.