Législation
« Le PLOA ne va pas assez loin »

Morgane Poulet
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En amont de l’examen du projet de loi d’orientation agricole par l’Assemblée nationale, la FDSEA de l’Isère et JA38 ont expliqué aux députés isérois les points qui ne leur conviennent toujours pas, le 3 mai à Moirans.

« Le PLOA ne va pas assez loin »
La FDSEA de l'Isère et JA38 ont rencontré des députés isérois pour discuter du PLOA, le 3 mai à Moirans.

Le 3 mai, la FDSEA de l’Isère a réuni quatre députés isérois à la Maison des agriculteurs, à Moirans. Accompagné des Jeunes agriculteurs de l’Isère (JA38), le syndicat est ainsi revenu sur les principaux points de discorde concernant le projet de loi d’orientation agricole (PLOA) avant qu’il ne soit voté à l’Assemblée nationale.
 
Installation-transmission
 
« Dans dix ans, 50 % des agriculteurs seront partis à la retraite, explique Aurélien Clavel, secrétaire général de la FDSEA de l’Isère. Or, nous avons besoin de personnes formées qui connaissent leur métier, mais aussi d’un métier attractif ». C’est pourquoi le syndicat aimerait que le stage 21 heures, proposé aux porteurs de projet, soit bien conservé dans le cadre du PLOA. « Ce stage permet notamment aux jeunes qui ont un faible niveau dans un domaine de se perfectionner, comme en comptabilité », précise Alexandre Escoffier, élu à la FDSEA.
Pour Claude Faivre, céréalier, « le guichet unique qui est prévu est une bonne chose, car il permettra de simplifier les démarches ». Mais cela pourrait aller plus loin : « Peut-être faudrait-il recenser les cédants pour avoir une idée de la date à laquelle ils pourraient céder leur exploitation, afin que les repreneurs puissent se projeter ».
Pour Jean-Paul Prudhomme, ancien exploitant agricole, il faut aussi rappeler qu’utiliser un registre des cédants serait difficile, dans la mesure où « aujourd’hui, on parle des cédants agricoles, mais ils ne sont pas forcément propriétaires et lorsqu’un agriculteur cesse son activité, il peut avoir derrière lui une multitude de propriétaires ».
 
Aides à la conversion bio
 
Producteur de céréales et de farine à Chozeau, Didier Boichon explique aux députés que la conversion en agriculture biologique s’avère parfois bien difficile pour les agriculteurs, alors qu’il s’agit pour lui « d’un réel engagement sur bien des plans ». Installé en 2001 en conventionnel, il est passé en bio en 2020. « On m’a promis des aides durant cinq ans, j’ai donc investi beaucoup dans ce projet, mais j’attends aujourd’hui toujours les aides qui auraient dû m’être versées en mars. Je dois piocher dans mon épargne personnelle. J’attends tout de même 30 000 euros d’aide, et en comparaison, cela représente notre revenu annuel, avec ma compagne. »
Cette situation s’explique par le fait que lorsqu’une nouvelle demande d’aide à la conversion bio est réalisée auprès de la DDT pour une même exploitation, tout le dossier est bloqué, la DDT ne possédant pas les outils adéquats pour traiter ces nouvelles demandes. Une aberration pour l’agriculteur, qui ne comprend pas « que des réformes soient lancées alors que nous n’avons pas de solution ». La seule possibilité : renoncer aux aides de 2023 afin que le dossier ne reste pas bloqué. « Personnellement, je peux me le permettre, car il ne s’agissait que de 2,5 ha, mais les agriculteurs qui ont fait une demande pour presque toute leur exploitation ne peuvent pas y renoncer », ajoute-t-il.
 
Manque de clarté administrative
 
Pour Aurélien Clavel, de nombreux articles dans le PLOA ne sont ni suffisamment clairs, ni logiques. « En ce qui concerne l’article 14, qui traite des haies, nous ne savons finalement pas ce que nous avons le droit de faire ou pas, notamment quand les tailler, ce qui ne nous incite pas à en planter. »
Les attentes sont fortes pour les exploitants, notamment pour les éleveurs de bovins à qui il a été promis la défiscalisation temporaire de 15 000 euros par exercice comptable, lors du Sommet de l’élevage de Cournon-d’Auvergne. En ce qui concerne le gazole non-routier, « nous aimerions le voir inscrit dans la loi pour le pérenniser, car nous en sommes dépendants et n’avons pas d’autre alternative », ajoute-t-il. En revanche, le syndicat estime que les mesures prises en faveur de l’exonération de charges patronales pour les employeurs de saisonniers agricoles (Tode) « vont dans le bon sens, car la France a un coût du travail plus fort que ses voisins européens ».
 
Traitement des cultures
 
Les agriculteurs font également remarquer qu’un problème subsiste pour les cultures : le manque de solutions en réponse aux diverses interdictions de produits phytosanitaires. « En nuciculture, tous les produits contre les ravageurs sont sous dérogation, donc chaque année, nous ne savons pas si nous pourrons traiter ou pas », constate Axel Masset, co-président des JA38. En 2023, un produit a ainsi été homologué fin juin alors que le traitement des noyers aurait dû commencer mi-juin.
Il prend ainsi l’exemple du Success 4, « sous dérogation depuis dix ans, ce qui oblige les nuciculteurs à faire des demandes d’utilisation chaque année ». « Nous n’avons qu’une seule molécule pour lutter contre la mouche du brou et deux fongicides homologués. A terme, cela créera une résistance… »
 
Souveraineté alimentaire
 
Pour Jean-François Charpentier, président des irrigants de l’Isère, « le PLOA ne va pas assez loin, il n’y a pas d’ambition pour l’eau dans ce projet alors qu’il s’agit pourtant d’un enjeu essentiel pour la souveraineté alimentaire, d’autant plus qu’il faut irriguer de plus en plus de cultures ». Il ajoute que 2 000 agriculteurs irriguent aujourd’hui en Isère, mais qu’à l’avenir, ce nombre pourrait augmenter. Et que tout le territoire pourrait bénéficier de l’irrigation, pas seulement l’agriculture.
« Nous sommes en récession de certaines productions en Isère car nous manquons d’eau, mais nous importons ces mêmes produits car nous n’en faisons pas assez, remarque-t-il, et il faut aussi savoir que le bio a plus besoin d’eau que le conventionnel ».
Pour Jérôme Crozat, président de la FDSEA de l’Isère, il faudra à l’avenir qu’un lien plus étroit soit créé avec les chambres d’agriculture pour que les résultats obtenus par les centres de recherche, comme l’Inrae, soient plus visibles et utilisables.

Morgane Poulet