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Se faire une place dans son territoire

Morgane Poulet
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Les Jardins de Pompoko, à Creys-Mépieu, ont une conduite d’exploitation diversifiée. C’est en cela qu’ils se sont distingués auprès de Groupama Rhône-Alpes Auvergne dans le cadre du Prix de l’excellence agricole et rurale.

Se faire une place dans son territoire
Jean-Marie Kirissis et Mélanie François sont maraîchers aux Jardins de Pompoko, à Creys-Mépieu.

« Nous avons un métier qui évolue très vite, car il faut à la fois s’adapter à l’environnement, aux pratiques et aux attentes sociétales », remarque Jean-Marie Kirissis, maraîcher aux Jardins de Pompoko, à Creys-Mépieu. L’exploitant cultive des légumes divers - une quarantaine de variétés différentes ainsi que « quelques légumes qui sortent de l’ordinaire », explique Mélanie François, sa compagne et associée.
Diversifiant leur activité et leurs pratiques culturales, ils ont remporté le trophée de la diversité, décerné par Groupama Rhône-Alpes Auvergne dans le cadre du Prix de l’excellence agricole et rurale de Terre Dauphinoise.
 
S’adapter à son milieu…
 
Créés en 2017, les Jardins de Pompoko sont implantés sur une ancienne parcelle de céréales cultivées en agriculture conventionnelle. Jean-Marie Kirissis, maraîcher, explique s’être installé « tout de suite en bio, et étant donné que la parcelle ne l’était pas, il a fallu trois ans de conversion pour que nous ayons la certification ».
Cette installation a aussi été progressive « car l’objectif était de faire du maraîchage sur une petite surface pour de la vente directe sans pour autant travailler le sol, donc sans recourir à la mécanisation », précise-t-il. Et pour travailler sur sol vivant, il était nécessaire de « remettre de la fertilité dans le sol ». En effet, le taux de matière organique a fortement diminué en raison du labour. « Nous avons donc souhaité le faire augmenter afin que la présence de vie dans le sol, mais aussi de nutriments, remonte », ajoute Jean-Marie Kirissis. Désormais, leurs sols sont, selon les maraîchers, « en pleine santé », ce qui leur permet de réduire leur apport en matière organique(1). Ils se penchent alors sur les couverts végétaux, notamment pour développer cette méthode dans leurs cultures.
 
… Et à ses clients
 
La vente directe représente 95 % de la commercialisation des produits des Jardins de Pompoko. Fournissant également une épicerie, une Amap et trois restaurants, les maraîchers expliquent avoir fait le choix de diminuer la quantité de légumes asiatiques « car ils n’intéressaient pas assez la clientèle, alors que nous en cultivions pour proposer des produits différents », constate Jean-Marie Kirissis.
« Nous essayons tout de même de nous adapter et en général, il faut faire goûter, mais aussi créer des fiches recette pour que les clients sachent comment cuisiner tel ou tel produit pas forcément très connu », ajoute Mélanie François. Elle l’exemple du shiso et du potimarron japonais qui, en revanche, « marchent plutôt bien ».
Mais la volonté des Jardins de Pompoko est aussi de permettre à la clientèle de s’approvisionner en produits locaux « sans avoir à faire le tour des fermes ». C’est pourquoi l’exploitation accueille un marché hebdomadaire regroupant des producteurs des environs. « Œufs, miel, fromage de chèvre, poulet, bière, pain ou encore pommes, l’idée est vraiment de proposer une diversité de produits en un même endroit pour, d’un côté, permettre à des agriculteurs de vendre leur production, et de l’autre, faire en sorte de proposer une gamme variée aux consommateurs », précise le maraîcher. Ce marché fonctionne par pré-commandes, ce qui limite considérablement les pertes au regard d’un marché classique. Les exploitants utilisent par ailleurs la plateforme en ligne Granvillage, proposée par Groupama, qui fait le lien entre les commandes passées par les clients et les producteurs, qui composent ainsi les paniers à vendre sur le marché.
 
Acteurs du territoire
 
« Lorsque nous nous sommes installés, nous avons pu compter sur l’aide de la Cuma voisine, qui nous a notamment conseillés en matière de systèmes de commercialisation, mais qui nous a aussi aidés à réaliser des tranchées, par exemple », se réjouit le maraîcher. Cet environnement de travail, ouvert aux nouvelles installations, leur a ainsi permis de développer leur activité au mieux. Comme pour perpétuer cela, l’exploitation en a aidé une autre.
« Nous possédons 4,5 hectares et nous en avons cédé un à un couple désireux de s’installer et de faire des plants et des semences, explique Jean-Marie Kirissis. Nous avons ainsi acheté en commun une motteuse pour faire nos plants ensemble, ce qui nous permet de faire pratiquement tout et donc d’avoir le choix dans les variétés de légumes ». Le couple n’a alors plus qu’à acheter ses semences bio de poireau, d’oignon, d’ail et de pomme de terre en France et réalise le reste lui-même.
Le secteur n’est pas épargné par la sécheresse. Les terres, qui sont sableuses, doivent absolument être arrosées afin que les cultures poussent. Un projet est donc en cours de montage avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Il s’agit d’installer des voiles d’ombrage au-dessus des cultures pour éviter qu’elles ne grillent en été. L’idée est ainsi de constater si cette technique permet de pallier les forts épisodes de sécheresse et de canicule. Un premier essai aura ainsi lieu cette année. « De notre côté, nous essayons déjà de faire de l’ombre, notamment en mettant en place des serres ombragées par de la vigne, qui grâce à ses feuilles, cache naturellement les cultures du soleil », ajoute Jean-Marie Kirissis.
L’exploitation fait également partie d’un autre groupe en cours de création : un Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) en compagnie d’autres fermes maraîchères. Ce GIEE aura pour but de mener des travaux pour améliorer le travail sur sol vivant, notamment au regard de l’organisation du temps de travail. Un suivi dynamique du sol sera aussi donné après quelques années d’apport massif en matière organique. « Cette année, nous comptons nous intéresser à l’azote présent dans la terre », confie Jean-Marie Kirissis. Le travail s’assortira de tests tensiométriques pour, à terme, voir comment gérer la consommation en eau au mieux.

Morgane Poulet

(1) Cette dernière provient de la plateforme de compostage de Passins.