Intercultures fourragères
Nantoin : mélanges de semences au banc d'essai

Marianne Boilève
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La chambre d'agriculture de l'Isère, en partenariat avec les programmes Pepit et Terre&Eau, conduit des essais pour sécuriser les approvisionnements en fourrage des exploitations. A Nantoin, sept mélanges ont été testés en intercultures durant l'été. 

Nantoin : mélanges de semences au banc d'essai

Du chaud, du sec et des semaines à attendre la pluie… Depuis quelques années, la météo et le changement climatique jouent avec les nerfs des éleveurs. D’où le développement de stratégies pour sécuriser les approvisionnements en fourrage des exploitations. La chambre d’agriculture de l’Isère, en partenariat avec les programmes Terre&Eau et Pepit (1), a conduit quatre expérimentations sur les intercultures fourragères à l’échelle du département. Objectif : engranger un maximum de références sur les mélanges de semences, en condition irriguée ou non, de façon à répondre à un large spectre de situations locales.
L’une de ces plateformes d’essai, située à Nantoin, a accueilli une journée Innov’Action le 22 septembre dernier. Une quinzaine d’agriculteurs, de techniciens et de partenaires, notamment semenciers, ont participé à la rencontre. Amandine Roux, la technicienne de la chambre d’agriculture qui conduit les essais avec son collègue Jean-Pierre Manteaux, a expliqué qu’en raison du déficit hydrique, tout n’a pas levé comme attendu. La parcelle a pourtant belle allure : « Sur les quatre plateformes que nous avons suivies, c’est la plus belle », observe-t-elle.

Pas de fertilisation
Le sorgho (seul ou en association) et les différents types de mélanges sont été implantés sur un précédent d’orge, récolté le 26 juin, et après le passage d’un déchaumeur à dent réalisé le 2 juillet (15 cm de profondeur). « Quand on a déchaumé, il y avait un peu de fraîcheur, mais ça fumait quand même un peu, indique Cédric Goy, du Gaec laitier des Trois sapins. Nous avons semé le 3 juillet, pas trop profond, et ensuite nous avons roulé. Heureusement, il a un peu plu avant le semis, mais ça a tout de même mis du temps à lever. » Fin juillet en effet, le sorgho, le tournesol, le lin, le moha et l’avoine avaient levé, mais les légumineuses peinaient encore à sortir. Un mois plus tard, les vesces, certains trèfles et le radis asiatique n’étaient toujours pas sortis. « Il est à peine tombé 30 mm durant l’été, avant les pluies de fin août, précise Cédric Goy. Nous avions prévu de fertiliser, mais sans eau, nous avons renoncé. »
Même s’ils ont profité d’un reliquat azoté, les semis ont donc été soumis à rude épreuve. D’autant qu’à Nantoin, la terre est très séchante. « Le test a été réalisé dans des conditions risquées, mais c’est tout l’intérêt de l’expérimentation : il s’agit de savoir comment conduire les cultures en fonction des conditions », rappelle Jean-Pierre Manteaux. Et le conseiller fourrage de la chambre d’agriculture d’ajouter : « Il faut savoir qu’en 2020, pour la première fois, la zone de piémont est passée en climat méditerranéen. Il y a vingt ans, nous n’avions pas ces valeurs-là. Le climat méditerranéen est remonté le long de la vallée du Rhône et il s’étend. Sur le long terme, il va falloir avoir une vraie réflexion sur le chargement, l’assolement et l’irrigation… »
 
Marianne Boilève
 
(1) Pôles d’expérimentations partenariales pour l’innovation et le transfert  vers les agriculteurs d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Essai 1 : sorgho multicoupe seul

Essai 1 : sorgho multicoupe seul

Pensé à l'origine pour de la pâture, ce sorgho multicoupe type Sudan (semé à 30kg/ha) se prête bien au pâturage d'été et d'arrière-saison. C'est un peu la « roue de secours » de l'éleveur, explique-t-on chez le semencier Barenbrug. Très couvrant, le sorgho a étouffé les adventices : la parcelle est propre. Mais, étant donné son faible développement durant l'été, il sera fauché tardivement. Au 22 septembre, les feuilles commençaient à se dessécher et l'épiaison était en cours. « A cause de la météo, nous avons perdu du rendement et une coupe, a expliqué Jean-Pierre Manteaux, conseiller fourrage à la chambre d'agriculture le 22 septembre. Nous aurions dû le faucher il y a trois semaines. »

Essai mélange moha/vesce velue précoce

Essai 2 : association moha et vesce velue précoce

Composé pour moitié de moha et pour moitié de vesce, ce nouveau mélange (semé à 30 kg/ha) n'a pas donné les résultats escomptés sur la parcelle. La graminée a bien pris, surtout depuis les pluies de fin août, mais la légumineuse n'est pas sortie, alors qu'elle a levé dans d'autres sites d'expérimentation. Les techniciens présument une incidence négative du positionnement du désherbage par rapport au semis (rémanence de certains produits phytos). L'absence de fertilisation et la sécheresse ont sans doute également joué un rôle. « Deux mois sans eau, c'est compliqué pour les légumineuses, rappelle Jean-Pierre Manteaux. Il aurait fallu aussi une nutrition azotée, mais quand la mettre ? » Question d'autant plus délicate que la parcelle se situe dans une zone de captage, avec une double problématique nitrate et pesticide.

Essai de mélange sorgho multicoupe et trèfle de Perse

Essai 3 : association sorgho multicoupe et trèfle de Perse

Semé à 25 kg/ha, ce mélange a donné des résultats mitigés : la bande d'essai est hétérogène. Présent, le trèfle de Perse n'est cependant pas monté bien haut. « C’est une plante intéressante si on est en pâturage », souligne Jean-Pierre Manteaux.

Association sorgho, pois fourrager et trèfle d'Alexandrie

Essai 4 : association sorgho multicoupe, pois fourrager et trèfle d'Alexandrie

Conçu pour la pâture, ce mélange (semé à 25 kg/ha) était censé jouer la diversification entre légumineuses et graminées. Le sorgho est bien sorti, le  trèfle d'Alexandrie est présent (quelques pieds), mais les pois fourragers ont souffert du sec et n'ont pas vraiment profité du sorgho (comme tuteur). Peut-être ont-ils été pénalisés par le désherbage chimique, comme le mélange moha/vesce...

Essai 5 : mélange sorgho multicoupe, moha, vesce pourpre, vesce velue, trèfle d’Alexandrie, avoine, phacélie et radis asiatique

Essai 5 : mélange sorgho multicoupe, moha, vesce pourpre, vesce velue, trèfle d’Alexandrie, avoine, phacélie et radis asiatique

Elaboré à partir de deux couverts d’été, ce mélange (semé à 35kg/ha) donne un résultat en demi-teinte. Le sorgho a bien fonctionné, l’avoine et le moha aussi. En revanche on ne voit pratiquement aucun radis. Les vesces et les trèfles, comme pour les autres bandes, n’ont sans doute pas non plus supporté le désherbage chimique. La phacélie a quant à elle bien répondu, même s’il y en a très peu. Bien que ne présentant pas d’intérêt particulier pour les animaux, les techniciens signalent que c’est une plante mellifère qui permet une rupture parasitaire. Conclusion : le mélange avoine, moha et phacélie constitue une bonne association à retenir.

Essai 6 : mélange sorgho monocoupe, sorgho monograin, tournesol, lin, vesce pourpre, pois fourrager et moutarde d'Abyssinie

Essai 6 : mélange sorgho monocoupe, sorgho monograin, tournesol, lin, vesce pourpre, pois fourrager et moutarde d'Abyssinie

Conçu dans une double optique effet agronomique et pâturage, ce mélange de sept semences (semé à 40kg/ha) crée une synergie entre les types d’espèces et permet d’occuper toutes les strates du fourrage. Dans les conditions de l’expérimentation, le sorgho et le tournesol ont laissé de la place aux autres espèces. Le pois a même fait son cycle. La moutarde d’Abyssinie (dans la main du technicien de RAGT) a limité le développement des adventices et le lin, assez dense, évité le salissement. Riche en oméga 3, le lin est intéressant à faire pâturer, signale Jean-Pierre Manteaux, qui précise que ce mélange mériterait d’être implanté après un méteil pour profiter de la fraîcheur du sol. 

Essai 7 : mélange sorgho, avoine de printemps, tournesol, pois fourrager, vesce commune et radis fourrager

Essai 7 : mélange sorgho, avoine de printemps, tournesol, pois fourrager, vesce commune et radis fourrager

Comme pour le mélange précédent, cette association de six semences (semée à 68,5 kg/ha) vise un double effet agronomique et pâturage. C'est un mélange élaboré avec les agriculteurs du Rhône travaillant en TCS, qui l'ont semé sur 500 hectares dans leur département. Il donne de bons résultats au niveau du sorgho, qui sert de tuteur au pois. Il faut en revanche un peu chercher l'avoine et la vesce commune. Présence de quelques radis.

Un mélange pour nourrir les brebis à la descente de l'alpage

Un mélange pour nourrir les brebis à la descente de l'alpage

En septembre dernier, à leur retour d'estive, les brebis de la ferme expérimentale du lycée agricole de La Côte-Saint-André ont pâturé le cocktail maison que leur a préparé le directeur de l'exploitation durant l'été. Composé de sorgho, d'avoine, de moha, de vesce et de trèfle, ce mélange ne désarçonne pas du tout les animaux, en dépit de la hauteur des sorghos. « Les brebis les couchent pour les manger », précise Adrien Raballand. Et Jean-Pierre Manteaux d'ajouter : « Le sorgho, ce n'est pas la plante miracle, mais elle a sa place, en pâturage ou en affouragement en vert. » A condition de le faire pâturer à plus de 80 cm pour éviter tout risque d’intoxication en raison de la concentration en acide cyanhydrique.