Economie
« Nous allons entrer dans un monde plein de raretés »

Isabelle Doucet
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Le Medef Isère a fait de la transition écologique et économique le thème principal de son assemblée générale.

« Nous allons entrer dans un monde plein de raretés »
Patrick Artus est économiste à Natexis.

Le monde de l’entreprise s’interroge aussi sur sa transition écologique et économique.
Le syndicat patronal Medef Isère en a fait le thème de son assemblée générale, le 23 juin dernier à Grenoble, en présence de son président national Geoffroy Roux de Bézieux.
L’événement avait aussi mobilisé quelques manifestants anticapitalistes, interpellant les patrons sur le greenwashing.

Investir pour décarboner

Le grand invité de ce temps fort était l’économiste de Natixis Patrick Artus, défenseur d’une certaine régulation obtenue dans le consensus « pour ajuster le PIB à l’émission de CO2 ».
Pour lui, il convient « d’investir intelligemment et régler les problèmes ».
Il ajoute : « décarboner l’industrie, les transports, la production d’énergie et leur stockage, la rénovation thermique, c’est 4 points de croissance du PIB, soit 100 milliards d’euros par an pendant 30 ans au niveau mondial. Aujourd’hui, nous en sommes à deux points. »
Pour être incitatif sur cette trajectoire, l’économiste estime que le seuil de rentabilité de la tonne de CO2 devrait s’établir aux alentours de 300 euros, alors qu’elle a baissé à 80 euros depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Patrick Artus propose trois pistes pour la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. Et pense « qu’il faudra un peu des trois ». La première – « peu crédible » - est de faire payer au consommateur le coût du capital nécessaire à investir pour décarboner. La deuxième passe par l’intervention de l’État, « mais l’argent n’est pas gratuit et les Etats n’ont pas des moyens illimités ». La troisième est d’accepter une rentabilité plus faible du capital. « Les retours sur investissement vont baisser », prévient l’économiste.

Inégalités

Il s’attarde également sur le prix de l’énergie. « Il y a un consensus autour d’une énergie verte plus chère que l’énergie brune, même s’il y a beaucoup de progrès techniques. »
Car ces systèmes dédiés à la transition énergétique sont aussi consommateurs de métaux. « Nous allons entrer dans un monde plein de raretés, assure l’économiste. Et ces raretés auront un effet sur les inégalités. »
Il cite l’exemple du lithium : « une mine pas très sympa pour les voitures électriques ». Beaucoup de pays s’opposent en effet à l’extraction de ce métal.
Aux questions environnementales s’ajoutent des problèmes de prix de ces véhicules et donc de mobilité des plus fragiles, qui n’ont pas accès ni à ces voitures, ni aux villes qui ont banni les anciennes générations.
Le constat est sans appel : « Nous n’arrivons pas à sortir des énergies fossiles ».
Et alors que la capacité mondiale de production baisse, la demande continue d’augmenter, assortie d’une envolée des cours. Le baril de pétrole à 200 $ est attendu pour 2023.
« On a créé une rareté et il est plus facile de décourager l’investissement que le consommateur »
, conclut Patrick Artus.

Isabelle Doucet

La « souveraineté n’est pas taboue »
Geoffroy Roux de Bézieux, président du Médef, et Sophie Sidos, présidente du Médef Isère.

La « souveraineté n’est pas taboue »

Invité de Sophie Sidos, la présidente du Medef Isère, le président national Geoffroy Roux de Bézieux a livré son point de vue quant à la situation politique de la France. « C’est une très bonne nouvelle, avec ce parlement, très peu de lois seront votées pendant 5 ans », a-t-il déclaré.
Il dépeint une situation économique « pas si mauvaise », en dépit de l’inflation et des tensions sur l’emploi. « La seule priorité est la grande réforme du marché du travail et de toutes les contraintes liées à l’emploi », a plaidé le patron des patrons.
Sa feuille de route est « de continuer la politique de l’offre en accélérant la transition écologique ». En outre, il estime que la question de la « souveraineté n’est pas taboue, car on ne peut pas dépendre de pays dont on ne connaît pas le devenir ».

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