Solidarité
Un apprenti à quatre pattes

Isabelle Doucet
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Depuis un an, Florence Thillard, enseignante du lycée agricole de La Côte-Saint-André a fait enter dans l’établissement un chien d’assistance aux personnes handicapées, lui aussi en formation.

Un apprenti à quatre pattes

Le lycée agricole de La Côte-Saint-André compte un genre d’apprenant un peu différent des autres bipèdes.
Il y a eu Shooter, et avant lui Ryme, et bientôt une nouvelle venue : ce sont des goldens retrievers en apprentissage pour devenir chiens d’assistance pour personne handicapée. Leur présence dans l’établissement remonte à janvier 2021. La première arrivée, Ryme, est rapidement devenue la mascotte du lycée.
C’est Florence Thillard, professeurs de mathématiques, qui a introduit ces chiens dans l’établissement. Elle est famille d’accueil pour l’association Handi’chiens, en charge de la primo éducation d’un chien d’assistance.
Elle reçoit l’animal à l’âge de deux mois et le remet à l’association à 18 mois. L’animal la suit dans tous ses gestes de la vie quotidienne. Sa fréquentation du lycée s’est donc faite en accord avec la direction de l’établissement.

Utile à la société

« J’aime bien les chiens », glisse Florence Thillard, dont l’envie lui trottait dans la tête depuis une dizaine d’années. « Au confinement, l’idée a plus que fait son chemin. C’est aussi en lien avec mon métier. On parle beaucoup d’engagement citoyen au lycée. C’est un exemple : montrer que n’importe qui peut s’engager dans une association et être utile à la société. »
Le projet est aussi familial, à la plus grande joie de sa fille Rose, âgée de 12 ans. Le seul bémol est de gérer la séparation d’avec le chien, quand il doit rejoindre le centre de formation avant d’être remis à son bénéficiaire. « On en discute, il faut fixer des règles dès le départ. »
Le rôle de la famille d’accueil est de sociabiliser l’animal. Dans sa vie, le chien devra répondre à une cinquantaine d’ordres. « Nous apprenons à apprendre au chien », explique Florence Thillard qui est encadrée par l’association et suit des cours d’éducation canine.
La bénévole l’amène en cours toutes les semaines. Quelques heures au début, des journées entières lorsqu’il est capable de se coucher sagement au pied du bureau de l’enseignante.
« C’est une éducation particulière, avec des ordres particuliers. Je l’incite par exemple à ramasser des choses par terre, à aboyer sur commande, à marcher avec la laisse, à ouvrir les portes de placard », détaille Florence Thillard.

Un pouvoir magique

Au lycée, Ryme a su aussitôt se faire accepter, autant par l’équipe pédagogique que par les élèves.
« On s’efface derrière le chien, reconnaît sa maîtresse temporaire. Les élèves sont ravis. Cela apporte de l’apaisement dans la classe. Le chien a un pouvoir un peu magique. »
Il est aussi facilitateur de contact en début d’année, permet de créer le lien plus rapidement dans le groupe classe et avec l’enseignante, et il est particulièrement apprécié des internes qui peuvent profiter d’un animal de compagnie en semaine. « À la sonnerie, le chien sait que les élèves sont autorisés à le caresser », rapporte encore Florence Thillard.

Un engagement

Vêtu de sa cape bleue distinctive, admis partout, le canidé, de par sa présence dans l’établissement génère des externalités positives.
Il éveille la curiosité pour l’association et pour son rôle dans l’accompagnement des personnes au quotidien, mais suscite aussi de l’intérêt pour le métier d’éducation canine et sa compagnie appelle au calme inhérent aux besoins de son éducation.
« En famille, nous nous sommes un peu posés, reconnaît la professeure. Nous avons aussi changé nos habitudes car je passe beaucoup de temps avec le chien, pour le faire travailler, le faire courir. »
Ce type d’engagement ne se prend pas à la légère car le référent doit consacrer environ deux heures quotidiennes à l’apprentissage du chien.
Les frais liés à l’élevage du chien pendant la période sont pris en charge par l’association.
« Nous passons beaucoup de temps avec ces chiens. Ce sont des moments exceptionnels. Il y a un lien particulier qui se crée », témoigne-t-elle encore. Si bien que le moment de la séparation, avec Ryme, a provoqué quelques larmes. « Dès le début, on sait ce qu’on fait et pourquoi on le fait. L’objectif est d’arriver au bout d’une formation et que le chien soit utile à quelqu’un, c’est une fierté d’apporter cette aide de cette façon. »

Une course solidaire

L’expérience a été si concluante avec cette première chienne, que la professeure s’est vue confier un chien en accueil temporaire - Shooter - et qu’elle a signé pour un nouvel engagement avec un chiot, qu’elle accueillera à partir du mois de mai. « Les Terminales m’ont demandé quand le chien suivant arriverait. Mais je ne pourrais pas l’amener tout de suite au lycée. » Petite déception de la part des dernières années.
Sauf à ce qu’ils poursuivent en BTS et qu’ils imaginent un projet comme l’ont fait quatre étudiants avec Ryme cette année. « Ils ont organisé une course solidaire. À chaque tour, un euro était reversé à l’association Handi’chiens. Ils ont récolté 1 500 euros pour financer une partie de l’éducation du chien. Tous l’ont fait de bon cœur. C’était un moment de convivialité qui a fédéré le groupe », assure encore l’enseignante.

Isabelle Doucet

Handi’chiens : des chiens d’assistance gratuits
Shooter partage la vie du lycée, le temps de son apprentissage de futur chien d’assistance aux personnes en situation de handicap.

Handi’chiens : des chiens d’assistance gratuits

L’association Handi’chiens, ex Anecah, a été créée en 1989 par Marie-Claude Lebret qui était alors enseignante de biologie zootechnie au lycée agricole d’Alençon (Orne).
La mission d’Handi’chiens est « d’éduquer et de remettre gratuitement des chiens d’assistance à des personnes en situation de handicap ». Elle est reconnue d’utilité publique depuis 2012.
Les chiens d’assistance sont généralement de race golden retriever ou labrador, sélectionnés dans un réseau d’éleveurs. Entre deux et 18 mois, ils sont placés en famille d’accueil avant de parfaire leur formation en centre, entre 18 et 24 mois. Ils sont remis aux bénéficiaires, enfants ou adultes, à l’âge de deux ans.
Les chiens sont éduqués pour des missions :
- d’assistance aux personnes en situation de handicap moteur ou mental ;
- d’accompagnement des enfants atteints de troubles autistiques ou polyhandicapés ;
- d’accompagnement dans les établissements médico-sociaux (maisons de retraite, IME) ;
- d’assistance aux personnes épileptiques pour leur capacité à sentir la crise et appeler les secours ;
- d’assistance judiciaire en tant que facilitateurs pour l’audition de victimes.
L’association a remis 2 400 chiens depuis sa création.
Son siège social est à Malakoff et elle dispose de cinq antennes dont une à Marcy-l’Étoile dans le Rhône.