Le cas de botulisme survenu en Isère rappelle combien la transformation fermière est une opération qui met en responsabilité.
Le 31 octobre, l’Agence régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes (ARS) signalait une suspicion de botulisme chez une personne ayant consommé une terrine de porc produite à la ferme par l’EARL Les Peupliers, au Mottier.
Tous les bocaux fabriqués, soit quelques dizaines, ont fait l’objet d’un rappel. Ils étaient mis en vente à la ferme « Chez Barbier », sur leur lieu de production.
Le communiqué de presse de la préfecture de l’Isère indique que « les conditions de production ne permettent pas de garantir la stérilisation des bocaux ».
Sophie Thérond, conseillère à la Chambre d’agriculture de l’Isère et mise à disposition de l’APFI (Association des producteurs fermiers de l’Isère), précise que les terrines concernées, au regard des informations mentionnées sur leur étiquette, sont des semi-conserves. Les conditions de conservation indiquent en effet un stockage entre + 2 et + 3°.
« La chaîne du froid doit être respectée car cette conserve est censée ne pas être stable à température ambiante », mentionne la conseillère.
La DDPP mène les investigations mais il est possible que la chaîne du froid n’ait pas été respectée. Si c’est le cas, il conviendra de déterminer à quel moment cela s’est produit, avant ou après la commercialisation.
Ne plus faire de terrines
Éleveur de porc et de bovins viande, Thierry Barbier commercialise ses bêtes en vente directe, à la ferme. Depuis deux ans, il a créé un atelier de transformation pour fabriquer des terrines en appliquant un process de stérilisation.
Il insiste : « Les pots doivent être gardés à 3 degrés ». Au cœur de la tourmente, il a eu des nouvelles rassurantes de la personne rendue malade.
Très affecté par cette crise sanitaire, il a décidé de ne plus faire de terrines. « Je vais continuer à faire du cochon… en morceau », déclare-t-il avant d’ajouter avec tristesse : « de toute façon, c’est toujours la faute du producteur ».
L’enquête devra déterminer à quel moment la toxine botulique a pu se développer.
Le problème est survenu lors du week-end du 26 octobre. L’alerte a aussitôt été donnée et les services de la DDPP (1) sont intervenus le 31 octobre. Les analyses ont été sans appel.
« Dès que la cliente m’a appelé pour me prévenir, j’ai retiré tous les pots de la vente. C’étaient de petites quantités. Certains clients ont ramené les pots, d’autres les ont détruits », reprend Thierry Barbier.
Des cas rarissimes
Le botulisme est une toxine produite par une bactérie neurotoxique Clostridium botulinum qui provoque de sévères intoxications alimentaires.
Les cas sont rares, mais en 2023, un décès était survenu à Bordeaux suite à l’ingestion de sardines artisanales. Plusieurs personnes avaient été intoxiquées.
Plus récemment, cinq cas ont été relevés en septembre 2024 en Indre-et-Loire, suite à la consommation de conserves de pesto à l’ail des ours.
« Cette intoxication rarissime génère en moyenne 15 à 20 cas par an, en France », indique L’Institut Pasteur.
L’Anses a établi un barème pour le traitement des conserves et éviter le développement de Clostridium botulinum.
« Pour être professionnels et efficaces les transformateurs doivent être obligatoirement équipés d’un autoclave. Il n’est pas possible de faire de conserve sans cet appareil », insiste Sophie Thérond.
La stérilisation des pots se fait au-dessus de 120°. C’est l’étape la plus risquée dans le process de fabrication. Par ailleurs, la bactérie ne se développe pas en dessous de 10°. La conseillère recommande « de réaliser des tests de validité avant la commercialisation des lots ». Même si ce sont de petits lots.
Isabelle Doucet
(1) Direction départementale de la protection des populations
L’APFI accompagne les producteurs fermiers
« Nous accompagnons les producteurs fermiers dans les aspects réglementaires, sanitaires et techniques de la transformation fermière », explique Sophie Thérond, conseillère transformation fermière à la Chambre d’agriculture de l’Isère et mise à disposition de l’Association des producteurs fermiers de l’Isère (APFI).
Cette association indépendante compte plus de 200 adhérents, toutes filières confondues : productions laitières, carnées et végétales. Elle les représente, les défend, les conseille et les forme.
Ce réseau permet d’activer le dispositif d’Entraide mutuelle à l’alerte sanitaire ou Emas. « En cas d’analyse non satisfaisante ou de problème sanitaire, un producteur peut ainsi être accompagné d’un point de vue technique et économique sur les actions à mettre en place et les analyses biologiques à effectuer », expose la conseillère.
Elle rappelle que « l’APFI intervient sur du préventif. L’association reçoit les résultats des analyses des adhérents qu’elle accompagne, notamment lorsqu’ils sont non satisfaisants, ce qui permet de prévenir les risques sanitaires et d’anticiper la gestion de crise ».
Mais c’est avant tout au producteur de déterminer son plan d’autocontrôle dans le respect de la réglementation. Il est soumis à une déclaration d’activité auprès de la DDPP qui effectue des contrôles dans les exploitations.
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Les recommandations de la Direction générale de l’alimentation :
Dans une note parue en 2023, la Direction générale de l’alimentation rappelle « les bonnes pratiques de fabrication des conserves afin de garantir la maîtrise du danger Clostridium botulinum ».
La note indique la nécessité d’acquérir « un savoir-faire technique imposant le suivi de formations spécifiques », mais aussi de procéder à des « investissements conséquents », à commencer par celui d’un autoclave.
Les transformateurs doivent respecter « les principes de la validation préalable des barèmes de stérilisation et du respect de la valeur stérilisatrice (VS) minimale de 3 minutes applicable aux produits présentant un pH > ou = à 4,5 ». La température de référence de 121° est celle de la destruction des spores de Clostridium botulinum.
Les exploitants doivent par ailleurs surveiller les étapes critiques de la fermeture étanche des conditionnements et de bonne application des barèmes de stérilisation (validés au préalable).
La réalisation de tests de stabilité sur les produits finis est indispensable.