RÈGLEMENTATION
Selon la CJUE, la reproduction de l'apparence d'une AOP est interdite

S'il n'est pas prohibé de reproduire le process de fabrication d'un produit protégé par une appellation, cela ne doit pas induire le consommateur en erreur, tranche la Cour de Justice de l'Union européenne.

Selon la CJUE, la reproduction de l'apparence d'une AOP est interdite
L'AOP protège « certaines qualités ou certaines caractéristiques » qui lui « sont intimement liées », a indiqué la CJUE dans son avis. (Crédit : Pierre-Yves Beaudouin)

Interrogée par la Cour de cassation dans le cadre d'un litige concernant l'AOP Morbier, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) considère que « le droit de l'Union interdit la reproduction de la forme ou de l'apparence du produit protégé par une AOP dans certaines circonstances », rapporte un communiqué de presse du 17 décembre. Parmi elles, la situation où « cette reproduction est susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit en cause ».

« Il faut apprécier si cette reproduction peut induire le consommateur en erreur en tenant compte de tous les facteurs pertinents, y compris des modalités de présentation au public et de commercialisation du produit ainsi que du contexte factuel », éclaircit la CJUE. En 2013, le Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier a assigné la Société fromagère du Livradois, estimant que celle-ci commettait des actes de concurrence déloyale et parasitaire en fabriquant un fromage reprenant l'apparence visuelle du l'AOP Morbier, notamment la fameuse raie noire horizontale.

Protection du nom et des caractéristiques

Le syndicat avait été débouté par le tribunal de grande instance de Paris puis la cour d'appel de Paris qui estime que « l'AOP vise à protéger non pas l'apparence d'un produit ou ses caractéristiques, mais sa dénomination, de telle sorte qu'elle n'interdit pas de fabriquer un produit selon les mêmes techniques ». Le syndicat de défense du Morbier s'est alors pourvu en cassation. La CJUE convient qu'il n'est pas interdit d'utiliser des techniques de fabrication ou de reproduire une ou plusieurs caractéristiques indiquées dans le cahier des charges d'un produit couvert par une AOP. Mais selon ce dernier avis, ce n'est pas seulement le nom du produit qui est protégé par l'AOP mais bien « certaines qualités ou certaines caractéristiques » qui lui « sont intimement liées ».

L'affaire retourne désormais dans les mains de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, à qui il appartient désormais de résoudre l'affaire conformément à la décision de la CJUE. Il lui reviendra alors la tâche d'apprécier si, dans ce dossier, le consommateur est, oui ou non, induit en erreur. En effet, le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres d'interroger la CJUE sur l'interprétation du droit de l'Union dans le cadre d'un litige dont elles sont saisies. Mais la CJUE ne tranche pas le litige national. Et la décision de la CJUE lie, de la même manière, les autres juridictions des Etats membres qui seraient saisies d'un problème similaire.

A.J.