Recherche nucicole
Du paintball dans les vergers de noyers isérois

Isabelle Brenguier
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La Senura a organisé la démonstration d’une nouvelle méthode de biocontrôle pour lutter contre le carpocapse en vergers de noyers. La technique est innovante et… ludique. Vidéo à l'appui.

Du paintball dans les vergers de noyers isérois
Jean-Sébastien Tronche, de la société « Tactik paintball park », implantée dans le Tarn, a montré l'application des billes de phéromones dans les noyers.

Il ne s’agit pas d’un jeu, mais d’une nouvelle méthode de confusion sexuelle pour lutter contre le carpocapse du noyer (Cydia pomonella). Mise au point par la société M2I et commercialisée par l’entreprise Compo Expert, la technique Cydia Pro Ball a été présentée le 26 janvier dernier à Chatte dans le cadre d’une démonstration organisée par la Senura (Station d'expérimentation nucicole de référence pour le bassin Sud-Est).

Elle consiste en la diffusion dans les arbres avec des fusils paintball, de billes de biocontrôles dans lesquelles sont intégrées des phéromones.

« Respectueux de l’environnement »

Il fallait y penser. La technique est « plutôt innovante ». Et elle semble « plutôt efficace », d’après les premières expérimentations réalisées dans les vergers de noyers. La diffusion des billes de phéromones adaptées (celle de la femelle de Cydia pomonella) dans la canopée des noyers est censée perturber l’accouplement des mâles et des femelles. Ainsi, ils produisent moins d’œufs à l’origine de moins de larves, ce qui provoque moins de dégâts dans les vergers. CQFD.

D’origine naturelle, le produit, décrit comme « respectueux de l’environnement dans la mesure où il est sans solvant, sans résidu et sans micro-plastique », est utilisable en agriculture biologique. Quant à son enveloppe, elle se dégrade au sol sans aucune intervention.

600 billes par hectare

Pour que le procédé soit efficace, le constructeur préconise une application de 600 billes par hectare, soit six billes par arbre, avant le début des vols, c’est-à-dire, au printemps, dès le mois d’avril. Côté météo, il ne faut pas qu’il y ait de pluie pendant 24 heures pour le séchage, mais ensuite, le produit est quasiment insensible aux lessivages et résiste au vent.

« C’est l’ « explosion » des billes au contact des rameaux, qui permet la « création » d’un nuage de phéromones », indique ses fabricants.

M2I estime le temps de pose à 20 à 30 minutes par hectare et par personne. Et selon les formules d’application choisies par le producteur (soit la réalisation d’une prestation mécanisée avec un pilote aux commandes d’un véhicule fourni par l’exploitant, soit l’achat d’un pack autonomie comprenant un lanceur de paintball équipé d’un canon, d’un chargeur, d’une bouteille et de trois recharges (ce qu’il faut pour traiter un hectare), son coût est de moins de 300 euros l’hectare.

A noter que l’opérateur doit être muni d’équipements de protection individuelle (EPI), c’est-à-dire qu’il doit porter des lunettes, des gants et être vêtu de manches longues et d’un pantalon.

« Solution alternative »

La technique semble rapide et adaptée pour protéger les arbres hauts. C’est l’intérêt qu’a recherché la Senura quand elle s’est lancée dans ces essais, considérant qu’elle pouvait se révéler attractive puisque son application ne nécessite pas de nacelle.

Les résultats issus des tests montrent une protection aussi efficace que la confusion sexuelle de référence. Après plusieurs essais réalisés entre 2017 et 2018 qui ont engendré une amélioration de la technique en 2019, cette dernière vient d’obtenir son homologation.

Pour Christian Mathieu, le président de la station, « il convient d’être ouvert aux solutions alternatives de lutte contre les ravageurs ». Il estime également que « c’est le rôle de la Senura de prendre des risques en réalisant des essais pour vérifier la pertinence des nouveaux produits, de façon à proposer aux producteurs des solutions qui ont déjà fait leurs preuves ».

« Bonne répartition du produit »

La démonstration de l’application des billes de phéromones était explicite et ludique.

Comme « il s’agit d’un nouveau produit disponible dans l’offre de lutte contre le carpocapse dans une période où tant de molécules disparaissent, qu’il est propre, applicable sans atomiseur, et proposé à un coût similaire aux autres techniques », Olivier Gamet, nuciculteur à Chatte, a estimé la technique « prometteuse ».

Quant à Ghislain Bouvet, conseiller en production de noix à la Chambre d’agriculture de l’Isère, il considère que « la technique mérite d’être testée. Elle n’occasionne pas de résidus et permet la diffusion de nombreuses phéromones en de nombreux points des arbres, ce qui assure certainement une bonne répartition du produit dans le verger ».

Tous deux veulent cependant confirmer, essais à l’appui, sa bonne persistance tout au long de la saison et sa résistance aux lessivages, comme ses concepteurs l’assurent.

Restera ensuite à expliquer au voisinage l’origine des bruits de tirs dans les vergers qui pourraient susciter quelques réactions. Les riverains étaient parfois inquiets des nuciculteurs équipés de combinaisons. Que vont-ils penser de ces fusils paintball ? La profession se pose déjà la question…

Isabelle Brenguier

Pour aller plus loin sur le sujet :

- la plaquette de présentation des travaux réalisés par la Senura

- la fiche technique de Cydia Pro Ball commercialisée par Compo Expert

Démonstration d'application de billes de phéromones qui luttent contre le carpocapse du noyer

Sébastien Tronche, de la société « Tactik paintball park » implantée dans le Tarn, a présenté l'application des billes de phéromones via des fusils paintball dans les vergers de noyers de Chatte, en Isère. Une technique innovante de confusion sexuelle pour lutter contre le carpocapse.