Gel d'avril
Vignes et colzas sévèrement touchés

Les vignes des Balmes dauphinoise sont les plus sévèrement touchées. Le colza a également pâti d'un développement trop précoce.

Vignes et colzas sévèrement touchés

En viticulture, la situation est relativement tranchée. Les secteurs les plus touchés sont ceux des Balmes dauphinoises. Stéphanie Loup du domaine éponyme a pratiquement tout perdu. Son exploitation située à Saint-Savin « a connu plusieurs vagues successives, dès la nuit de lundi à mardi. C’est celle de mardi à mercredi (7 au 8 avril) qui a été très dure. Il y avait du vent et il neigeait, le gel s’est installé dès 23 heures jusqu’à 8 heures le lendemain. A -4 ou -5 degrés si longtemps alors que les bourgeons étaient déjà bien avancés, cela n’a pas pardonné », raconte-t-elle. Ses 8,5 hectares sont donc pratiquement anéantis pour cette année. « Il faut attendre la repousse, mais en général cela ne donne rien. » Ses parcelles sont situées au sud ce qui constitue un handicap désormais car les hivers plus doux y favorisent les reprises précoces. « Ce qui est remarquable, c’est que tout a gelé jusqu’en haut du coteau, ce que les anciens n’avaient jamais vu. D’habitude c’est le fond de vallée qui trinque. »

2017, l'année repère

Martine Meunier à Sermérieu, installée avec sa sœur, s’en tire un peu mieux, mais c’est relatif. « Le chardonnay a presque tout grillé alors que d’autres cépages moins avancés comme les pinot ont moins souffert. Globalement, nous devons être à 70% de pertes, ce qui est déjà moins qu’en 2017, année où nous avons presque tout perdu.» Mais ce gel-là était plus tardif. « Il a touché les pieds de façon inégale dans une même parcelle, voire sur une même tige. L’orientation joue. Nous avons une parcelle abritée du vent qui avait pris de l’avance ; c’est certainement la plus touchée. Le changement climatique se ressent : les hivers doux font démarrer trop tôt la végétation. Avant, le débourrement commençait fin avril début mai. Là, nous sommes un mois avant. Cela devient fréquent. »

Des fins d’hiver plus douces, mais qui n’empêchent pas les coups de froid tardifs et surtout des à-coups de température. « Nous avons brûlé un peu de paille dans les vignes mais ce n’était pas suffisant », raconte Martine Meunier, alors que Stéphanie Loup s’en est bien gardé car la végétation autour de ses parcelles est bien sèche et « elle craignait un incendie ». Mais le vent aurait rendu l’opération inefficace. 

« Ce qui est un peu décourageant, reconnaît Martine Meunier, c’est que les aléas se succèdent. J’ai une parcelle de chardonnay qui aurait dû commencer à produire un peu l’an dernier, mais le sec et chaud en 2020 l’en a empêché, cette année c’est le gel. Elle va avoir cinq ans et n’a pas produit une grappe. Pourtant nous y comptons dessus dans l’exploitation. »

L’EARL Martin à Saint-Chef est également assez sévèrement touchée. 80% des 8,5 hectares de l’exploitation sont détruits par le gel. « Il faut attendre quelques jours pour être sûrs des dommages sur les départs de végétation », indique cependant prudemment Aurélie Martin, même si la jeune femme ne se fait pas d’illusion sur le résultat. 

Gel de plaine dans le Grésivaudan

En viticulture toujours mais dans le secteur du Grésivaudan, le président du syndicat des viticulteurs de l’Isère, Wilfried Debroize, estime « entre 30 et 40% de pertes dans les plaines, tandis que les coteaux seraient moins touchés avec « seulement » 10 à 30% de pertes ». Mais le responsable viticole temporise en indiquant qu’il faut attendre la floraison pour être plus précis dans les estimations. D’autant plus qu’une nouvelle période froide serait annoncée pour la semaine entre le 12 et le 18 avril. 

Même son de cloche du côté de Chapareillan en vins de pays de Savoie. Laurent Cartier évalue de « 30 à 40% les pertes en plaine sur vigne, tandis que les coteaux ont beaucoup moins souffert ». D’ailleurs à mi-coteau, il ne devrait pas y avoir de dégâts. « C’est la nuit du 7 au 8 avril, claire et sans vent qui a amené les problèmes. Les tiges qui étaient bien sorties ont grillé, mais dans une même parcelle il pouvait y avoir encore le stade cotoneux. Il faut attendre. » L’inquiétude vient des pluies du week-end qui en relançant la pousse peut exposer de nouvelles tiges aux frimas annoncés dans la semaine. 

Colzas grillés

Conséquences plus rares chez les céréaliers, le gel de ce début avril a atteint particulièrement les colzas. Thomas Bouget-Lavigne à Gillonay est surpris par l’ampleur des dégâts : « ils ont bien ramassés », lance-t-il un peu désabusé. Les siliques ont jauni et le haut des plantes a grillé sur 10 cm selon cet agriculteur. « Il est possible qu’il y ait quelques problèmes dans les blés et les orges, mais c’est un peu tôt pour le savoir » indiquait-il vendredi 9 avril. Il n’avait pas « osé  aller voir ses pommes de terre nouvelles », pourtant sous film de protection, qui étaient sorties de terre d’une dizaine de centimètres. « Il y a un mois, on avait eu de la chaleur, tout avait démarré beaucoup trop tôt. Heureusement, il y a eu un peu de gel pour freiner mais on a eu de nouveau bien chaud la semaine du 1er avril. Cette semaine mes 8 hectares de colza ont connu comme dans tout le secteur -6,5 degrés (station de l’aéroport) pendant plusieurs heures. On s’attendait un peu à voir ces dégâts. » Le jeune homme trouve que « le colza c’est bien, mais un peu compliqué, car il faut le semer de plus en plus tard en automne, c’est toujours un peu délicat et le froid ou le sec nous guettent au printemps. En attendant, ce n’est pas la peine de détruire pour ressemer, on perd toujours de l’argent quand on fait ça. »

Dans le Trièves, il semblerait que les dégâts soient peu significatifs, l’altitude décalant beaucoup les stades par rapport à la plaine.  

 

Jean-Marc Emprin