Le secteur agricole de l’Union européenne va faire face à de nombreux défis dans la prochaine décennie. La transformation numérique jouera un rôle central dans le maintien de sa compétitivité.
Après des années durant lesquelles la croissance agricole de l’Union européenne (UE) a été tirée par la demande en biocarburants ou en alimentation animale, la prochaine décennie devrait être marquée par les événements climatiques extrêmes, les maladies émergentes, les contraintes environnementales (qualité des sols, ressources hydriques, engrais, pesticides…), des pénuries potentielles de main-d’œuvre, des changements d’habitudes alimentaires mais aussi par la numérisation du secteur. Dans ses récentes perspectives à l’horizon 2035, la Commission européenne prévoit donc une croissance globale plus lente de la productivité dans les pays de l’UE. Si la qualité des sols (dont la Commission européenne estime qu’environ 60 à 70 % sont en mauvaise santé) pourrait s’améliorer dans les prochaines années, l’eau est certainement un des facteurs de risque majeur pouvant affecter la productivité agricole à moyen terme. La migration vers le nord des zones agroclimatiques de l’UE est une autre conséquence importante du changement climatique. La viabilité des cultures dans différentes régions s’en trouve menacée alors que la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les inondations et les vagues de chaleur, devrait augmenter.
Grandes cultures : peu de changements
Dans ces conditions, les rendements des céréales et des oléagineux ne devraient augmenter que marginalement d’ici 2035. Les apports liés à l’agriculture de précision, à la numérisation, à une potentielle amélioration de la santé des sols, ainsi qu’à la réduction de l’écart de rendement entre les pays de l’UE, sont contrecarrés par les impacts négatifs du changement climatique et les contraintes sur la disponibilité et l’accessibilité financière de certains intrants agricoles (par exemple, les produits phytosanitaires, les engrais). Résultat : les récoltes de l’UE pourraient augmenter légèrement, tirées par la production de protéagineux, de maïs et d’orge. La production de blé devrait aussi reprendre après la baisse de production observée en 2024. Même situation pour les oléoprotéagineux, les rendements de soja, tournesol, colza et légumineuses dans l’UE ne devraient augmenter que marginalement (en hausse respectivement de 3,9 %, 1,4 %, 0,1 % et 0,4 % par rapport à 2022-2024). La consommation à des fins alimentaires de grandes cultures devrait être relativement stable, en revanche leur utilisation dans l’alimentation animale et les biocarburants devrait diminuer. Pour les céréales, ce sont donc les exportations qui devraient être le principal moteur de croissance. Concernant les oléagineux et les protéagineux, l’UE restera un importateur net, même si le volume des importations devrait reculer en raison de l’augmentation de la production nationale et de la baisse de la demande intérieure.
Tensions sur la main-d’œuvre
Entre contraintes croissantes, évolution des habitudes alimentaires et amélioration de la productivité, le secteur de l’élevage devrait connaître une baisse de la production de viande porcine et bovine et une diminution du cheptel laitier. Dans l’UE, le passage vers une alimentation humaine avec plus de protéines végétales et moins de protéines animales est toutefois relativement lent, en particulier dans les pays d’Europe centrale et orientale où le régime omnivore reste le plus courant. Mais le secteur de l’élevage va aussi devoir faire face à la propagation des maladies animales, aux conflits géopolitiques et aux conséquences de « certains accords de libre-échange », admet la Commission européenne. Les opportunités de croissance des exportations de l’UE devraient principalement profiter au secteur de la volaille. Enfin, la question de la main-d’œuvre agricole sera un enjeu majeur des années à venir, estime Bruxelles. Le nombre d’unités de travail annuel pourrait s’élever à 6,9 millions en 2035, contre 7,6 millions en 2023, dont 37 % seraient des salariés et 63 % des non-salariés (contre respectivement 30 % et 70 % actuellement). « Si les investissements technologiques peuvent remplacer dans une certaine mesure le travail manuel, l’agriculture européenne du futur aura toujours besoin de travailleurs qualifiés », soulignent les experts bruxellois. Mais la Commission entrevoit des tensions du fait de la concurrence sur le marché du travail avec d’autres secteurs de l’économie européenne, ce qui pourrait amplifier les problèmes de renouvellement des générations, l’un des sujets centraux pour la prochaine réforme de la Pac.