Collectifs
Les Cuma misent sur la jeunesse

Isabelle Doucet
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Les jeunes des établissements d’enseignement agricole de la région se sont massivement déplacés à la journée sur le thème des prairies organisée par les FD Cuma d’Isère et de Savoie.

Les Cuma misent sur la jeunesse
Les élèves des établissements agricole de l'Isère et des deux Savoie ont participé à des ateliers dédiés, animés par des professionnels, sur la vie des Cuma.

Pas moins de 246 élèves issus des établissements agricoles de la région (1) ont participé à la journée organisée par les  FDCuma d’Isère et de Savoie sur le thème des prairies, le 26 septembre à Miribel-les-Échelles.
« Le renouvellement des générations passe par les écoles. Parmi les élèves, certains s’installeront », relève Emeric Barbier, président de la FDCuma de l'Isère et de la FRCuma.
Un sujet porteur, beaucoup de matériels - dont certains très pointus -, et le beau temps ont contribué à attirer de nombreux agriculteurs, mélangeant ainsi les générations. « Il faut être ludique et instructif », assure le président des Cuma.
Au-delà des trois ateliers techniques (sursemis, régénération de prairies et fertilisation), les élèves ont participé à des ateliers dédiés.
« Ils ont pu poser des questions aux professionnels au sujet des Cuma. Le témoignage direct, c’est une voix qui porte, reprend Emeric Barbier. En conseil d’administration, nous avons fait le choix de nous investir auprès des élèves. »
Le réseau Cuma affiche clairement sa volonté de tisser des liens avec les établissements scolaires. « Nous répondons aux besoins en termes d’installation ou de reprise d’exploitation car l’adhésion à une Cuma permet au futur exploitant de baisser ses charges de mécanisation », rappelle le président.
Rejoindre le réseau Cuma apporte bien plus que la mise en commun du matériel.
Pour les exploitants, c’est l’opportunité d’utiliser des engins performants dans lesquels ils ne pourraient investir seul.
C’est aussi la participation à la dynamique d’un territoire dans le cadre d’une économie circulaire, sociale et solidaire.
La dimension collective sort l’agriculteur de son isolement, lui permet de créer du lien social. « Mais le collectif, ce n’est pas toujours simple, prévient Emeric Barbier. Cela réclame un investissement et une ouverture d’esprit. C’est la raison pour laquelle le réseau a mis des moyens sur l’animation des fédérations afin d’appuyer les responsables de Cuma. »
Ce travail, engagé depuis dix ans, permet aux cumistes de monter en compétences et favorise le renouvellement des générations.

Au contact direct

Les BTS Acse de la MFR de Chatte ne sont pas difficiles à convaincre.
Qu’ils soient issus de familles d’exploitants agricoles ou pas, durant leurs stages dans les fermes, beaucoup ont côtoyé le modèle Cuma. « Vu le prix du matériel, mieux vaut investir à plusieurs et à plus forte raison en Cuma », lance un étudiant.
Owen, Victor, Sidonie, Firmin et Anthony profitent un maximum de leur journée en Chartreuse.
« On a vu du matériel que l’on ne voit pas souvent », apprécie l’un d’eux. Les démonstrations d’engins agricoles remportent un franc succès. Les jeunes sont avides d’innovations et de nouvelles pratiques.

  Des démonstrations de matériels très appréciées.

« Sur le terrain, c’est plus clair, expliquent-ils. Et puis c’est intéressant d’être au contact des agriculteurs et des techniciens, de voir les machines fonctionner. On comprend directement de quoi on parle. »
Ils saisissent clairement l’intérêt de la Cuma. « Cela permet de travailler en équipe et de sortir du milieu agricole, sinon, on voit toujours les mêmes personnes. On discute, sur différents volets, technique ou même relationnel », appréhendent-ils déjà.

Les élèves de la MFR de Chatte.

Une approche économique

Béatrice Ferron et Véronique Pensato, sont toutes deux enseignantes de zootechnie à la MRF de Chatte. Elles encadrent les BTS Acse 1re année dans le cadre d’une « ouverture aux pratiques culturales ».
En effet « beaucoup sont apprentis et nombreux sont ceux en élevage, notamment en élevage laitier. Il est donc intéressant de les sensibiliser à la gestion des prairies et à la façon d’en tirer le meilleur. »
L’approche économique fait partie de la formation des étudiants et les exploitations sont souvent « justes au regard de leur autonomie fourragère ».


Béatrice Ferron et Véronique Pensato, enseignantes de zootechnie à la MRF de Chatte

Pour les enseignantes, de telles journées avec démonstration de matériels, mise en valeur des démarches collectives pour abaisser les coûts de mécanisation et réflexions sur l’entretien des prairies font partie de l’amélioration des revenus des exploitations, au regard de la rentabilité de leurs productions.
Elles insistent sur « l’aspect collectif des choses ». Pour des jeunes « qui veulent tout tout de suite », rejoindre un groupe d’exploitants ou mettre du matériel en commun est peut-être difficile à envisager.
Ils se posent des questions sur la souplesse du système et ses inconvénients ou encore s’interrogent sur l’investissement personnel que réclame un engagement dans une structure agricole.
« Certains sont déjà dans des systèmes associatifs, d’autres sont plus réticents, résument-elles. Mais tous apprécient de participer à ce type de journée. »
Non seulement, les élèves en retirent un certain nombre de connaissances, mais beaucoup de jeunes ont retrouvé sur place des professionnels qu’ils ont déjà rencontrés en stage ou des membres de leur famille, de leur entourage. Et les échanges vont bon train.
Quant aux enseignantes, elles se réjouissent aussi de revoir d’anciens élèves à de telles occasions.
Isabelle Doucet

(1) EPLEFPA de La Motte-Servolex (BTS Acse et CGEA, terminales STAV) ; CFPPA Savoie-Bugey (BPREA) ; EPLEFPA de La Côte-Saint-André (BTS APV, Bac Pro CGEA) ; CFPPA Contamine-sur-Arve (BPREA) ; MFREO Les Dronières (Bac Pro CGEA) ; MFR Chatte (BTS Acse) ; MFR Mozas (Terminales CGEA) , MFR Moirans (BTS TSMA) ; CFPPA Reinach (Bac pro CGEA) et Iseta Poisy (BTS Acse et terminales STAV).

Que les femmes viennent nous rejoindre !
Stacha Laget, trésorière de la Cuma de Beaurepaire, a partagé son expérience avec les jeunes.

Que les femmes viennent nous rejoindre !

Stacha Laget, trésorière de la Cuma de Beaurepaire, a partagé son expérience avec les jeunes des lycées agricoles et MFR.

 

« S’installer en Cuma, il n’y a pas photo si l’on considère l’aspect financier. Et puis, si je pouvais inciter les femmes à venir nous rejoindre ! »
Stacha Laget est trésorière de la Cuma de Beaurepaire. Elle a accepté de partager son expérience avec les jeunes des établissements d’enseignement agricole de la région.
La Cuma, elle est tombée dedans depuis son installation avec son conjoint en 2014. Elle en est devenue trésorière en 2016.
L’EARL 2Ville produit essentiellement du maïs, du soja et du tournesol semence sur 90 ha. Elle a aussi une production de petits fruits. Castreuse, semoir, covercrop, rouleaux, enfonce-pieux, houes et autres matériels sont en Cuma.
« La castreuse fait tourner la Cuma, mais nous avons pris une orientation vers le travail mécanique du sol », glisse Stacha Laget. « Sans la Cuma, je n’aurais pas pu me lancer dans ce que je fais, ajoute-t-elle. Cela allège les coûts de mécanisation et on s’y retrouve en fin d’année. De plus, c’est un réseau sympathique. La semaine dernière, quand nous avons pris l’eau (1), tous les adhérents nous ont envoyé un message de soutien. On ne se sent pas tout seul dans notre exploitation. Il y a une dimension collective. »

Beaucoup de questions

C’est la première fois que l’agricultrice prenait la parole pour échanger avec les jeunes.
« Nous l’avons fait à deux. Cela permet d’aborder des choses auxquelles on ne pense pas. »
Les questions des jeunes sont pragmatiques : calcul des parts sociales, organisation des plannings, fonctionnement de la Cuma, entrée ou création d’une Cuma, mais aussi intégration des femmes… dans les collectifs et en agriculture.
« J’ai discuté avec un groupe de filles qui voulaient s’installer en agriculture
, explique Stacha Laget. Elles posent beaucoup de questions. »
En cumiste convaincue, elle leur a assuré que « la Cuma est une structure bien organisée, qui permet d’avoir du matériel innovant et performant à moindre coût, qu’il y a beaucoup moins à sortir pour un jeune qui veut s’installer et que l’on a de très bons salariés à la FDCuma, nous sommes très bien assistés et ils sont performants quand une Cuma se crée ! »
Isabelle Doucet

 

(1) Le 18 septembre, plus de 200 mm de pluie sont tombés sur la commune de Beaurepaire entraînant de fortes inondations et endommageant les cultures.