Innovation
Des champignons dans un parking

Isabelle Doucet
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Cultiver des pleurotes dans un parking à Saint-Martin-d’Hères : l’initiative est si originale qu’elle a déjà été lauréate de l’appel à projet Quartiers fertiles.

Des champignons dans un parking
Hamid Sailani et Maxime Boniface, créateurs de Champiloop.

C’est un pari audacieux pour Maxime Boniface et Hamid Sailani, créateurs en 2020 de la champignonnière urbaine Champiloop.
Ils ont bâti le projet de s’installer dans un parking désaffecté de Saint-Martin-d’Hères pour y cultiver des shiitakes et des pleurotes. 
Leur idée a été retenue au titre de l’appel à projet Quartier fertiles de l’Anru (1), visant à développer l’agriculture urbaine au sein des quartiers prioritaires. C’est le cas de La Renaudie, à Saint-Martin-d’Hères, quartier qui bénéfice d’un sérieux rafraichissement. 
Champiloop, c’est avant tout l’histoire d’une rencontre entre Maxime Boniface, l’étudiant de GEM (2), qui avait déjà su séduire les Sociétal Angels de la fondation Mérigot avec son idée de champignons en ville, et Hamid Sailani, jeune ingénieur agronome, spécialiste du champignon, parti dans l’aventure un an plus tôt. 

Parking en jachère

Pour l’heure, les deux agriculteurs urbains sont installés sur 200 m2 aux Caves de La Frise à Eybens où ils produisent environ 350kg de champignons par mois pour un marché de particuliers et de professionnels.
« Mais il s’agit d’un bâtiment patrimonial dans lequel nous manquons de place et où nous ne pouvons pas faire de travaux », explique Maxime Boniface.
Dans sa recherche « d’un local plus grand, aménageable et adapté à la production de notre propre substrat », il rencontre Cécile Ravel, directrice du service habitat et politique de la ville de Saint-Martin-d'Hères qui pilote le projet de réhabilitation d’un parking à La Renaudie. Une équipe pluridisciplinaire de la ville élabore une proposition retenue par l’Anru. Pour autant, rien n’est facile dans la transformation d’un parking de 1 000m2 en champignonnière. Le projet requiert un budget de 480 000 euros, financé à 50% par l’Anru et complété par un crowdfunding.
Il s’agit de financer les études puis de réaliser les investissements nécessaires à la transformation : isolation, ventilation, contrôle de l’hygrométrie et installation de goute-à-goutte etc. Les travaux débuteront à l’automne 2021 pour une livraison au printemps 2022. 

Un susbstrat local

La particularité de Champiloop tient au fait que ses créateurs ont fait le choix de produire eux-mêmes leur substrat. Ce sont des blocs créés à partir de récupération de matières première bio (déchets de sciure de bois, de paille et de drêche de bière).
« La plupart des producteurs sous-traitent la production de substrats déjà incubés, d
étaille Maxime Boniface. Nous voulons relocaliser et réinternaliser la partie amont de notre production. Il faut pour cela établir une recette précise à partir de nos trois apports en biodéchets. »
A terme, Champiloop compte produire dans le parking une tonne de champignons par mois qui nécessite 5 tonnes de substrat. Celui-ci est utilisé pendant deux mois (trois cycles de pousse de trois semaines) et renouvelé par tiers. 
L’entreprise a signé un bail rural de 9 ans avec la mairie de Saint-Martin-d’Hères, « ce qui donne une garantie aux exploitants », souligne David Queiros, le maire de la ville. Cyrille Plenet, vice-présidente de la Métro en charge de l’agriculture, voit dans ce projet « une réponse à des enjeux multiples ».
Les créateurs insistent d’ailleurs sur les dimensions agriculture urbaine, économie circulaire, alimentation locale, maîtrise des circuits courts de l’amont à l’aval et création d’emploi puisque la nouvelle champignonnière emploiera deux personnes et sera doté d’un point de vente directe, comme c’est le cas à La Frise. 

Isabelle Doucet

(1) Agence nationale de rénovation urbaine
(2) Grenoble école de management

Pour faire un pleurote

Pailles, sciures, drèches sont d’abord compactées et pasteurisées. Puis vient la phase d’inoculation où le substrat est mélangé au mycélium pour que se produise l’incubation. Après quelques semaines, le substrat peut être placé en salle pour la fructification, ou pousse du champignon, pendant trois semaines. Quand ils seront constitués en belles grappes, il sera alors temps de récolter les pleurotes. La culture du shiitaké est très semblable.