Chasse
« Tous les codes de la campagne sont remis en cause »

Isabelle Doucet
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Actu vue par Danielle Chenavier, présidente de la Fédération départementale des chasseurs de  l'Isère qui a tenu son assemblée générale le 24 avril dernier.

« Tous les codes de la campagne sont remis en cause »
Danielle Chenavier, présidente de la FDCI.

Votre assemblée générale s’est déroulée le 24 avril dernier en visioconférence. Vous avez employé des mots forts dans votre rapport moral ?
Une position politique s’imposait, qui s’inscrit dans la mouvance nationale portée par le président Willy Schraen. Son message est qu’à la veille des élections régionales, il ne faut pas mépriser la ruralité. Il demande à tous les ruraux de voter pour ceux qui défendent la ruralité et les campagnes. 

En 2020, les chasseurs ont été l’objet d’une campagne de dénigrement. Comment réagissez-vous à cela ? 
Je ne sais pas si cela est dû au confinement ou si c’est un état d’esprit de la société, mais on sent une stigmatisation de toutes les activités de chasse. C’est facile de taper sur les chasseurs qui sont en première ligne. Les agriculteurs sont aussi victimes de cela, comme les pêcheurs ou les forestiers. Tous les codes de la campagne sont remis en cause par des gens qui ne les connaissent pas. Il ne s’agit pas d’un clivage ville-campagne, mais plutôt de société, d’une position dogmatique plus que géographique.

Quelle réponse pouvez-vous apporter ? 
Je crois beaucoup au collectif. Nous trouverons une solution tous ensemble avec les gens qui partagent la même fibre, comme les agriculteurs qui partagent une fraternité de terrain avec les chasseurs. Nous devons aller plus loin avec les élus, les médias et certaines associations écologistes. Nous ne sommes pas contre les écologistes mais contre l’extrémisme. On peut mieux vivre ensemble dans ce monde, notamment sur des sujets comme la défense de l’environnement ou la gestion des usages territoriaux. La FDCI est précurseur avec des applications pour partager la nature, la signature de chartes avec les Vttistes, les randonneurs, les cavaliers. 

Cela suppose-t-il aussi des formations auprès de vos adhérents. 
Oui, sur la communication et l’explication de nos usages et de nos pratiques, nous avons 20 ans de retard. Autrefois, chaque agriculteur était chasseur, comme un héritage. Nous avons les mêmes objectifs : expliquer ce qu’on fait. Nous ne sommes pas des assassins pas plus que les agriculteurs sont des pollueurs. 

Le préfet a salué le respect des plans de chasse.
Depuis quatre ans, nous arrivons à tenir nos objectifs de surfaces agricoles détruites et de régulation des sangliers, même si dans certains endroits la situation est encore catastrophique. Tout le département est touché par les dégâts de gibier et la situation est compliquée dans les zones urbaines ou périurbaines où il n’est pas possible de chasser le sanglier. Il reste des points sensibles, localement, avec des dégâts récurrents, ce qui crée des tensions entre agriculteurs et chasseurs. Mais en commission départementale, nous arrivons à travailler ensemble, avec les agriculteurs. 

La question de l’agrainage revient souvent.
Il faut bien distinguer l’agrainage du nourrissage qui est une pratique interdite. S’il y a de la délinquance, nous ne la cautionnons pas. Par contre, il existe de l’agrainage dissuasif, pratiqué à la demande des agriculteurs, pour cantonner les sangliers en forêt afin qu’ils n’aillent pas dans les cultures. C’est autorisé. Tous les points d’agrainage sont déclarés, font l’objet d’un arrêté et sont géolocalisés. Mais il ne faut pas faire la confusion : nous ne nourrissons pas la faune sauvage !

Comment parvenez-vous à enrayer la baisse du nombre de chasseurs ? 
Cette baisse est de 200 à 300 chasseurs chaque année, ce qui correspond à la tendance nationale. Nous devons la contenir car nous avons de plus en plus de problèmes de régulation. Mais je reste optimiste car nous formons beaucoup de jeunes chasseurs. 

Qu’est-ce qui les motive ? 
La nature, la liberté, le côté sportif, l’amour du chien et tirer. C’est une pratique un peu inscrite dans nos gènes, mais qui attire aujourd’hui des gens qui ne sont pas issus de familles de chasseurs. On retrouve des profils hors milieu rural et hors milieu de la chasse, des personnes que l’on ne voyait pas les années précédentes. 

Quelle est la position des chasseurs dans la régulation du loup après les annonces nationales de ne pas participer aux tirs de défense ? 
Nous n’avons pas bien saisi la question, dans un département si impacté par le loup… C’est un mot d’ordre national de ne pas participer aux tirs de défense dans le cadre de négociations, notamment pour obtenir des équipements pour prélever des loups. Nous avons donné le mot d’ordre politique, mais pas empêché les chasseurs de participer aux tirs de défense. Quand un copain éleveur a un problème, ils y vont. Nous ne sommes pas contre le loup, mais pour un équilibre. Or, dans le Vercors par exemple, le comptage des cerfs est catastrophique en raison de la présence du loup qui a, soit décimé les animaux sauvages, soit les a dispersées. Les bêtes n’y sont plus et il faudrait revoir les plans de chasse.

Propos recueillis par Isabelle Doucet