Actu vue par Jacqueline Rebuffet
« Nous avons refait des journées comme en avril dernier »

La secrétaire de la chambre d’agriculture de l’Isère est associée du magasin de producteur de la Caserne de Bonne à Grenoble et vend à la ferme. Elle partage les conclusions des enquêtes sur le premier confinement.

 « Nous avons refait des journées comme en avril dernier »
Jacqueline Rebuffet est élue à la chambre d'agriculture de l'Isère.

Les magasins de producteurs ont connu un très fort pic d’activité de mars à mai 2020, partagez-vous ce constat ? 

« Nous avons eu beaucoup de monde à la Caserne de Bonne et il a fallu recruter du personnel en raison du surcroît de travail. Nous avons mis en place des marquages au sol, des plexiglas aux caisses, la désinfection et au début, nous avons eu du mal à trouver du gel hydro alcoolique si bien qu’il  a fallu faire jouer la solidarité. Sans cela, l’ouverture aurait été compromise. Il fallait sécuriser la clientèle en limitant à six personnes dans le magasin. Nous sommes aujourd’hui passés à huit personnes, ce qui nous laisse une petite marge tout en respectant les normes de personnes par m2. Il a fallu être réactif. On ne voulait pas fermer. Car les animaux n’étaient pas confinés eux et continuaient à produire !

Comment avez-vous géré cet afflux de clientèle ? 

Il y avait la queue à l’extérieur du magasin, mais les gens respectaient les distances de sécurité et faisaient même des réflexions vis-à-vis de ceux qui ne portaient pas de masque. Le phénomène est un peu retombé en juin. Juillet était encore un peu au-dessus de la moyenne et août identique à l’année passée. Mais nous avons réalisé un chiffre d’affaires bien supérieur à celui de l’année d’avant. Septembre à eu du mal à décoller : ce n’était pas tant une question de covid qu’un problème de sécheresse car la quantité de production n’était pas au rendez-vous.

Quelles ont été les conséquences pour les exploitants agricoles ? 

Nous en sommes ressortis très fatigués. Le monde médical a été beaucoup mis en avant, mais les agriculteurs aussi, surtout en vente directe, ont été très sollicités. Nous avons fait du chiffre d’affaires, cela a rémunéré notre travail. Dans la ferme, avec l’arrêt de la restauration hors domicile, le chiffre d’affaires s’est rééquilibré entre les Amap, les magasins de producteurs et les marchés. Si on avait pu, on aurait fait encore plus de volumes. Tout le monde était à la maison et consommait davantage.

Comment avez-vous fait face ? 

Nous avons eu davantage de travail dans l’exploitation et le besoin de réorganiser certains postes. Par exemple, les créneaux réservés à la vente directe de viande pouvaient s’étaler toute la journée ou encore, il fallait livrer certains clients limités dans leurs distances de déplacement. Ce n’est pas rien en vente directe si le client ne peut pas venir : il faut aller vers lui, prendre plus de temps. Garder la clientèle réclame un investissement. Nous avons aussi organisé des tournées dans la vallée du Grésivaudan avec des points de rendez-vous où les gens venaient récupérer leurs colis.

Comment abordez-vous ce deuxième confinement ? 

Un peu différemment car la RHD fonctionne, mais nous observons déjà un peu plus de demande. Il y avait beaucoup de monde dans les magasins de producteurs au moment de l’annonce du confinement. Les gens se sont affolés. Nous avons refait des journées comme en avril dernier et il y a de nouveau eu des queues comme on n’avait jamais vues.

A quel type de clientèle avez-vous eu affaire ? 

Nous avons gagné de nouveaux clients. Certains sont restés. Mais il y a beaucoup de personnes âgées pour lesquelles ce n’est pas possible de faire une demi-heure de queue dehors. A la ferme et au petit marché de Laval, on remarque que la clientèle évolue. Certains habitants sont revenus au lait cru. J’en vends deux fois plus : je suis passée de 25 à 50 litre au printemps et depuis juin cela s’est stabilisé à 35 litres.

Cette organisation représente-t-elle un surcoût ? 

Il nous a fallu convaincre les salariés de rester car nous craignions qu’ils fassent valoir leur droit de retrait. Nous avons pris les devants en leur proposant une prime. Nous avons bénéficié de l’aide du gouvernement pour cela. S’ils n’étaient pas venus, je ne sais pas comment nous aurions fait car nous devons être efficaces dans nos fermes. Gérer un magasin de producteurs demande du temps, en termes d’organisation et de gestion du personnel.  En revanche, pour les livraisons, ce coup-ci, on ne voit pas la différence. Il y a toujours la même circulation ! Il y avait moins de pollution lors du premier confinement, ce qui permet de montrer que ce sont aussi les voitures qui polluent quand beaucoup critiquent l’agriculture.

Propos recueillis par Isabelle Doucet