Sud-Grésivaudan
Une fête pour deux produits

Entre la noix de Grenoble, qui a été le premier fruit à bénéficier d’une appellation d’origine protégée (AOP) en 1938 et le saint-marcellin, labellisé par une Indication géographique protégée (IGP) en 2014, le territoire du Sud-Grésivaudan est riche d’une tradition agricole et d’un savoir-faire reconnus. Afin de mettre à l’honneur ces deux produits qui façonnent son identité depuis des dizaines d’années, Saint-Marcellin-Vercors-Isère Communauté, ainsi que les villes de Saint-Marcellin et de Vinay organisent les 15 et 16 juin une nouvelle fête commune du saint-marcellin et de la noix-de-Grenoble.

L’empreinte de ces deux productions dans le territoire est forte. Entre les exploitations laitières et les entreprises de transformations fromagères qui servent à la production du petit fromage rond, les milliers d’hectares de noyers et les corps de ferme avec leurs anciens séchoirs, ces deux productions marquent autant le paysage que l’économie du Sud-Grésivaudan.

Une fête pour deux produits
La fête du saint-marcellin IGP et de la noix de Grenoble AOP se déroulera les 15 et 16 juin.
De A à Z
Avec son père Joël et son frère Bastien, Vincent Cony exploitent une centaine d'hectares dans le Sud-Grésivaudan.

De A à Z

Joël, Vincent et Bastien Cony cultivent une centaine d’hectares de noyers dans le Sud-Grésivaudan. Attachés à maîtriser leur production d’un bout à l’autre de sa chaîne, ils la commercialisent en totalité.

Se définissant comme des producteurs-expéditeurs, Joël Cony, et ses deux fils, Vincent et Bastien, sont nuciculteurs à Têche, en plein cœur de la zone de production de noix-de-Grenoble. Ils exploitent ainsi une centaine d’hectares de noyers dans les communes de Têche, Beaulieu, Cognin, Saint-Vérand, Chevrières, Saint-Appolinard et Dionay. La totalité de leur verger est irriguée. 70 % sont commercialisés en sèches en AOP (Appellation d’origine protégée), le reste est vendu en fraîches en Lara. « Nous sommes en lutte raisonnée à la parcelle. Chacune d’entre elles est équipée de stations météo connectées et de pièges à ravageurs qui aident à la prise de décision », détaille Vincent Cony.  La production est fluctuante. Elle oscille entre 150 et 250 tonnes de sèches et 100 et 200 tonnes de fraîches. Le chiffres d’affaires de l’exploitation tourne autour d’un million d’euros. Durant l’année, ils embauchent un salarié à plein temps, et pendant le mois de la récolte, ils sont aidés par une quinzaine de saisonniers.

Maîtrise des marges

Les Cony commercialisent 90 % de leurs noix auprès de grossistes implantés dans les MIN (Marché d’intérêt national) du territoire. Les 10 % restants, ils les vendent à la ferme, grâce à leur site Internet, à des magasins de producteurs ou à d’autres producteurs, qui ont des magasins de vente. Ainsi, l’essentiel de leur production est commercialisé dans le marché intérieur. Cette orientation leur a permis de tirer leur épingle d’un jeu concurrencé et malmené depuis deux ans. « C’est vrai qu’il y a eu de belles années pour l’ensemble de la filière. La demande venant de toute l’Europe nous permettait de bien fixer les prix. Aujourd’hui, c’est plus compliqué. Il faut s’aligner sur les tarifs pratiqués sur la noix d’importation et c’est là que le bât blesse. En étant davantage porté sur le marché français, nous avons moins subi cette baisse des prix. En France, on continue de consommer de la noix en coque. Nous faisons notre maximum pour en profiter. C’est pour cette raison que nous avons toujours voulu commercialiser nous-même notre production, cela nous permet de mieux maîtriser nos marges et de refuser les clients étrangers qui veulent faire baisser les prix. C’est un atout, mais cela ne reste possible que parce que nous ne sommes pas un gros expéditeur », explique Vincent Cony. Pendant la récolte, Joël et Vincent contactent chaque matin entre 7 heures et 10 heures les marchés de gros pour faire le point sur leurs besoins. Les commandes sont préparées dans la journée et expédiées à la première heure le lendemain matin.

Matériel fonctionnel

Les associés de la ferme des Signaux ont toujours aimé disposer d’outils adaptés au plus près de leurs besoins. Aussi, conçoivent-ils et réalisent-ils la majeure partie d’entre eux. « De même que nous avons fabriqué nous-mêmes deux secoueuses, trois ramasseuses à noix, le système de lavage, les ateliers de calibrage, une partie des séchoirs, l’ensemble de nos installations que nous améliorons sans cesse, est de notre propre réalisation. Nous consacrons une large part du temps dont nous disposons en dehors de la récolte à la mécanique. C’est un investissement pour avoir le matériel le plus fonctionnel, et in fine, avoir une production de la meilleure qualité qui soit. Car en tant que producteurs-expéditeurs, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Il faut donc que nous ramassions, travaillions, séchions et expédions les noix dans les plus brefs délais. Grâce à notre installation, nous pouvons ainsi travailler et expédier chaque jour 20 tonnes de noix fraîches et 250 de sèches », développe le nuciculteur.

Peu de visibilité

Le regard porté sur la récolte à venir, Vincent Cony constate « de très belles formations de noix. Mais il faudra faire avec les maladies, car avec la météo de ce printemps, nous n’avons pas pu protéger le verger comme nous aurions voulu le faire. Nous voyons aussi une forte pression de carpocapse », estime-t-il. S’agissant de la commercialisation, il reconnait avoir peu de visibilité. « Nous savons que nos clients seront là. Mais en termes de prix, on ne peut jamais être sûrs de rien », évoque-t-il.

IB

 

De générations en générations
Florian Rochas, de la fromagerie Rochas, à Saint-Sauveur, s'occupe de l'atelier de transformation de saint-marcellin et de saint-félicien.

De générations en générations

De Quincieu à Saint-Sauveur, la production de saint-marcellin a toujours fait partie de la vie professionnelle de la famille Rochas. 

Elle en a fait du chemin la petite exploitation agricole de la famille Rochas. De son implantation historique à Quincieu, dans les côteaux au-dessus de Vinay, à sa nouvelle installation à Saint-Sauveur, à côté de Saint-Marcellin, elle a beaucoup évolué. Mais elle a gardé l’âme d’une entreprise familiale ancrée dans son territoire.

La production de saint-marcellin a toujours été attachée à l’histoire des Rochas. Quand Roger a créé l’exploitation, qu’il élevait une quarantaine de vaches laitières de race montbéliarde qui produisaient 350 000 litres de lait, il le transformait déjà en saint-marcellin, saint-félicien, fromages blancs et autres yaourts. Novateur, il commercialisait lui-même sa production dans les marchés et les épiceries de Grenoble. Jean-Noël, son fils, a poursuivi le développement de la ferme sur cette lancée. Il a construit une nouvelle fromagerie et un bâtiment d’élevage, et a étoffé la vente des produits auprès de grossistes.

Artisans fromagers

Aujourd’hui, ce sont Laurie et Florian Rochas, les enfants de Jean-Noël, qui dirigent la fromagerie de Saint-Sauveur. Laurie s’occupe de la partie administrative et du conditionnement, et Florian, après des études en techniques fromagères, de la production. Ils ont quitté Quincieu, ils n’élèvent plus de vaches. Mais, toujours aussi attachés au fromage, ils sont devenus artisans fromagers. « Dès 2016, nous nous étions rendus compte que nous manquions de volume. Soit nous devions agrandir le troupeau et les bâtiments, soit changer d’orientation. Comme la partie agricole ne m’intéressait pas plus que cela et que nous manquions de place, nous avons décidé de privilégier la transformation fromagère et de créer une nouvelle structure. Nous y sommes entrés en 2022 », détaille Florian Rochas.

Trois collectes hebdomadaires

Les deux associés collectent désormais chaque année un million de litres de lait auprès de deux éleveurs de vaches installés à Saint-Romans et à Bessins. Les trois quarts du volume servent à produire du saint-marcellin et du saint-félicien. La gamme est complétée par de la raclette et du gruyère, ainsi que différents fromages de chèvre confectionnés grâce à une nouvelle collecte réalisée auprès d’un éleveur de chèvres de Murinais. Ainsi, grâce à un camion composé de deux compartiments, une collecte est réalisée tous les deux jours chez les trois producteurs.

Dans l’entreprise de 960 mètres carrés de surface, ils sont 13 à travailler, de la production à la commercialisation, permise grâce à la création d’un magasin attenant à la fromagerie. Il complète la vente faite auprès de grossistes et d’affineurs, présents dans la région grenobloise et dans l’ensemble du territoire français. « Cet espace de vente directe faisait partie de notre projet. C’est pour cela que nous souhaitions un terrain bien placé. Aujourd’hui, nous sommes contents. Notre entreprise fonctionne mieux que nous l’espérions. Nous pensons à nous agrandir », déclare le dirigeant.

Notoriété

Florian Rochas constate que la commercialisation de saint-félicien a davantage progressé que celle de saint-marcellin. Dix ans après l’obtention de sa labellisation en IGP, il estime que l’opération a permis de limiter la concurrence. « C’est un produit qui est connu des grossistes, plutôt facile à vendre, mais il est toujours bon de l’expliquer, de revenir sur son histoire, sa fabrication », souligne-t-il. S’agissant des opérations de promotion telles que la future Fête du saint-marcellin et de la noix-de-Grenoble, il considère qu’elles sont toujours utiles pour accroître la notoriété des produits et les faire davantage connaître auprès des consommateurs. Y compris au sein même du territoire.

Isabelle Brenguier

La fabrication du saint-marcellin IGP