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Les céréaliers dans la tourmente économique

La moisson de 2024, la plus catastrophique depuis quarante ans, semble avoir donné un sérieux coup au moral des céréaliers. Les représentants des céréaliers demandent un accompagnement des pouvoirs publics, avec, notamment, la mise en place de prêts garantis de l’Etat (PGE).

Les céréaliers dans la tourmente économique
De gauche à droite : Philippe Heusèle, secrétaire général de l'AGPB ; Eric Thirouin, président de l'AGPB et Théo Bouchardeau, directeur général adjoint © CS - Actuagri

« Une vraie déflagration », « liquidation planifiée de l’agriculture française », « trésoreries dans le rouge ». Les mots du président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), Eric Thirouin, ont été très durs et teintés d’une certaine émotion le 5 septembre lors de sa conférence de presse de rentrée. Il faut en effet remonter à 1983 pour voir une récolte de blé (et autres céréales) aussi mauvaise, sachant qu’à cette époque, les rendements étaient moindres. Les prévisions font état cette année d’une moisson autour de 25,98 millions de tonnes avec un rendement de 62 quintaux par ha (q/ha). L’an dernier, elle avait atteint 35,1 millions de tonnes avec des rendements à 74 q/ha. Si encore l’année 2024 n’était qu’un épiphénomène. Or cette moisson catastrophique vient se cumuler à un bilan particulièrement négatif depuis presque « une dizaine d’années », a regretté Eric Thirouin. À mots à peine couverts, il a dénoncé les « impasses techniques et économiques », nées de décisions politiques « et idéologiques ». « Nos moyens de production ont été fragilisés. C’est le résultat d’une véritable liquidation planifiée de l’agriculture française », a-t-il affirmé, accusant « les réglementations, restrictions et interdictions qui pleuvent sans arrêt sur nous tous depuis plus de vingt ans » évoquant la  gestion de l’eau, l’interdiction et les freins sur les nouvelles technologies (OGM, NBT/NGT) ou encore la « restriction des produits phytosanitaires sans alternatives ». Plus inquiétante est la baisse des surfaces céréalières qui ont chuté d’un million d’hectares en dix ans.

« Passer le cap »

Les céréaliers français ont-ils atteint un point de non-retour ? Le président de l’AGPB veut encore garder l’espoir même si celui-ci est mince car les trésoreries sont à sec. « Il manque entre 50 000 et 100 000 euros par exploitation pour une ferme d’environ 130 - 150 ha », a expliqué Eric Thirouin. Il s’inquiète que depuis deux ans, l’écart se creuse entre le coût de production et le prix payé à l’agriculteur au départ de la ferme. Autour de 200 €/tonne en 2022, le coût de production a grimpé cette année à 309 €/t. Le prix payé au céréalier est passé dans le même temps de 195 €/t à 175 €.  « L’effet ciseaux dévastateur s’amplifie », a-t-il commenté Pour l’ensemble du secteur céréalier français, la facture est salée. « Il manque 3 milliards d’euros », a estimé Eric Thirouin tablant sur un résultat économique des fermes céréalières « pire qu’en 2016 ». Il ne faudra pas trop compter sur l’assurance récolte pour compenser les pertes : « On est juste au niveau elle commence à jouer et s’enclencher », a expliqué Philippe Heusèle, secrétaire général de l’AGPB. Pour franchir ce cap compliqué, l’association spécialisée de la FNSEA demande la mise en place de prêts garantis de l’Etat (PGE) « pour l’ensemble des exploitations qui en ont besoin ». Conscient que cette décision d’ordre conjoncturel peut être à double tranchant*, le président veut croire qu’une telle mesure permettra à de nombreux agriculteurs « de passer le cap. C’est leur donner une chance d’être encore là l’an prochain, car beaucoup ont envie de jeter l’éponge ». « Il faut arrêter la casse maintenant où il sera trop tard », a-t-il conclu, appelant les élus « politiques à retourner la table, à changer de stratégie et à définir une vision cohérente » pour l’agriculture française. Un message qu’il fera passer au prochain ministre de l’Agriculture.

Christophe Soulard

(*) Le dispositif du PGE ne couvre pas contre le risque de dépôt de bilan.