Environnement
La forêt, un colosse aux pieds d'argile

« BioClimSol », l’application en cours de développement lancée par le Centre national de la propriété forestière (CNPF), vise à mesurer l’impact du réchauffement climatique sur les peuplements forestiers. Dans la région, ce sont les sapins et les épicéas qui risquent d’en être les premières victimes.

La forêt, un colosse aux pieds d'argile
Sensibilisation aux effets du réchauffement climatique sur les hauteurs de La Motte-d'Aveillans

La forêt semble être immuable et éternelle. Pourtant, c'est un des premiers écosystèmes a être impacté par les effets du réchauffement climatique. À La Motte-d’Aveillans ce 2 avril, l’atelier d’information animé par Denis Pellissier, technicien forestier au CRPF, est consacré à la gestion des essences locales face aux évolutions du climat. L’augmentation des températures a poussé le CNPF, depuis le début des années 2000, à adapter sa gestion des massifs forestiers pour mieux prendre en compte les dangers qui les guettent. Si dans les années 1970 les scientifiques tablaient sur une augmentation globale de 1 degré, il est de notoriété publique qu’aujourd’hui, ce degré est déjà dépassé et que les conséquences sur les forêts risquent d’être plus funestes que prévu.

Problématiques locales

« Pour le moment, les conséquences du réchauffement ne sont pas trop visibles dans la région, mais ça arrive petit à petit. » En écoutant Denis Pellissier, on se rend compte que les forêts environnantes sont bien plus fragiles qu’on ne pourrait le penser. Dans la région, c’est tout particulièrement l’épicéa qui est en danger. « En dessous de 900 mètres, les arbres sont très sensibles » explique-t-il. De plus en plus, ces peuplements sont parasités par le gui, cette plante qui croît à la cime des arbres et apprécie particulièrement la chaleur et la lumière. Plus dangereux encore, les scolytes, ces insectes qui se développent sous l’écorce des épicéas malades et qui s’attaquent aux arbres sains si rien n‘est fait pour endiguer leur progression. Avec la hausse des températures, ces parasites pullulent et font des ravages. « En France, il y a 8 millions de mètres cubes de forêts qui sont concernés par les scolytes. » Le fait est que la pratique, même si celle-ci est rare et réglementée, des coupes rases en massif forestier crée des lisières qui emmènent de la chaleur et favorisent le développement des parasites. Pour lutter contre le réchauffement et ses conséquences, le CNPF envisage aujourd’hui le remplacement ou l’hybridation de certaines essences, pour avoir des arbres plus résistants. Pour aider à financer le reboisement et la transformation du peuplement forestier à long terme, l’Etat a intégré un dispositif dédié, à hauteur de 150 millions d’euros, dans son plan « France Relance ».

Un outil pour sensibiliser et protéger

Sur les hauteurs de la commune, démonstration est faite du fonctionnement de l'application BioClimSol. Développé d’abord pour aider les forestiers, cet outil numérique envisage de s’ouvrir au grand public dans un futur proche. Une initiative saluée par plusieurs des personnes présentes à cette démonstration, dont Françoise, une retraitée venue avec son mari pour s’informer : « On a une maison et quelques hectares d’arbres à Pellafol, donc on s’intéresse à ces sujets-là. » Le forestier doit rentrer plusieurs caractéristiques de la parcelle qu'il souhaite diagnostiquer : le versant, l’exposition au soleil, les précipitations, le type des essences, la densité du lieu, la constitution du sol … L’application calcule ensuite l’indice de « danger » pour l’essence, et propose des solutions de remplacement, si nécessaire. Lorsqu’elle rend ses résultats, Denis Pellissier s’avoue surpris. « On est à un indice de danger de 6 sur 10, donc très haut. Pourtant, ces sapins blancs ont aujourd’hui l’air en parfaite santé, dans un environnement qui leur convient. » Un réchauffement plus important et rapide que prévu ? « L’art du forestier est de doser les essences, affirme Denis Pellissier. On s’adaptera. »

Encore en cours de développement, « BioClimSol » permettra de sensibiliser plus largement à l’impact du réchauffement climatique sur les forêts lors de sa diffusion au grand public. Pour les forestiers elle permettra, à terme, de mieux anticiper et gérer les changements à venir dans les forêts, pour en sauvegarder les essences les plus fragiles.

Isalia Stieffatre