Rencontre
Des lauréats aussi bons que les autres

Isabelle Doucet
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Martin Hirsch préside l’Institut de l’engagement depuis 2012. Il était présent, le 29 juin, au Ve Campus de l’engagement à Autrans.

Des lauréats aussi bons que les autres
Martin Hirsch préside l'Institut de l'engagement.

Qu’est-ce que l’Institut de l’engagement ?
Notre raison d’être est de permettre aux jeunes qui se sont engagés au service de l’intérêt général de pouvoir valoriser cet engagement dans leur parcours à travers des études, dans le monde du travail ou pour créer un projet. Nous recrutons soit des jeunes qui ont fait leur service civique - ce qui représente plus de 100 000 jeunes chaque année -, soit qui ont été bénévoles. Nous en recrutons 700 par an. Nous avons un partenariat avec 180 établissements d’enseignement supérieur qui reconnaissent notre mode d’admission comme l’équivalent de leur admissibilité. Deux tiers des jeunes vont intégrer ces écoles, l’autre tiers va vers le marché du travail ou crée leur entreprise ou leur association et nous les accompagnons pour cela. Depuis notre création, il y a 11 ans, nous avons accompagné environ 6 000 lauréats.

Que deviennent vos lauréats ?
La plupart d’entre eux ont des métiers comme tout le monde, avec une bonne proportion d’engagement supplémentaire.

Quels freins rencontrent ces jeunes ?
On vit dans un pays dans lequel il y a des parcours très uniformes, très cadrés et une vraie difficulté à reconnaître d’autres qualités que des qualités académiques. Avoir acquis ces compétences en faisant autre chose ou avoir pris des voies de travers, rend difficile de raccrocher un parcours académique ou d’être intéressant pour un employeur. Il y a donc moins de diversité, moins de compétences et des gens ont des difficultés à recruter alors que les lauréats ont fait la preuve, promotion après promotion, qu’ils sont aussi bons que les autres.

Les choses ont-elles changé depuis la crise covid ?
Nous ne sommes pas arrêtés pendant le covid. Nous avons fait une promotion spéciale covid avec des gens de tous âges qui s’étaient engagés dans leur entreprise, dans leur mairie ou leur association. Le covid a été une période d’engagement extraordinaire. Ensuite tous les organismes qui s’occupent de jeunes ont des difficultés à en trouver, comme s’il y avait une sorte de période de retrait. Dans les écoles, dans les concours de la fonction publique, à l’institut : il y a moins de candidats. Il faut s’adapter à des comportements qui ont changé mais que l’on sait moins caractériser. Un des intérêts du campus est d’avoir la possibilité pour les employeurs de rencontrer des jeunes et de comprendre ce qui change chez eux.

Comment est né l’Institut de l’engagement ?
Avant de créer le service civique, lorsque j’étais président d’Emmaüs, j’étais sollicité au cours de mes conférences par des jeunes qui voulaient passer six mois à Emmaüs, mais je refusais. Ce n’est pas reconnu, ce n’est pas payé et vous risquez de vous retrouver en difficulté pour reprendre des études ou trouver du boulot, et je leur donnais rendez-vous à la retraite ! C’est ainsi que j’ai créé un vrai service civique et l’institut était la logique d’après. Car ces jeunes avaient fait leur service en étant heureux, en réalisant des choses utiles, en montrant compétences et qualités, mais lorsqu’on leur demandait ce qu’ils avaient fait avant, s’ils avaient été en échec scolaire, dans le système français, c’est retour à la case départ. C’est un peu cruel.

Il fallait transformer l’essai ?
Il fallait faire reconnaître par les universités, les écoles, les employeurs, par l’environnement, ce que des jeunes ont appris et démontré grâce à leur engagement.

Pourquoi les entreprises s’intéressent-elles à ces profils ?
Elles sont habituées à avoir des profils stéréotypés et souhaitent ouvrir leurs recrutements. Par exemple, le Crédit agricole recrute des milliers de jeunes et cherche à diversifier les profils. D’autres essaient de comprendre les attentes des jeunes vis-à-vis de leurs métiers. Ces entreprises sont présentes lors des universités pour échanger avec les jeunes.

Vous sentez-vous davantage considéré depuis que nous sommes dans une période de tensions en termes d’emploi ?
Je ne peux pas le prouver, mais je le pense. Nous avons diversifié nos partenaires, avec par exemple le musée d’Orsay ou le Crédit agricole.

Pourquoi venir dans le Vercors pour vos universités de l’engagement ?
C’est un haut lieu de la Résistance et nous avons une antenne à Grenoble. Nous avons commencé en Corrèze, mais nous avions besoin d’une plus grande capacité car nous accueillons près de 300 jeunes pendant trois jours. Nous souhaitions rester à la montagne et nous avons choisi le Vercors où nous venons depuis 2015.

Propos recueillis par Isabelle Doucet