Tourisme
Le plateau retrouve son train rouge

Isabelle Doucet
-

Après onze ans d’absence la ligne ferroviaire du train de La Mure est remise en exploitation. Véritable locomotive touristique du plateau Matheysin, elle propose à partir du 1er juillet un nouveau parcours de découverte. 

Le plateau retrouve son train rouge
Le train rénové et la nouvelle gare de La Mure.

« C’est un projet historique, technique, touristique, mené en partenariat avec le territoire », explique Rémi Cunin, directeur général d’Edeis et délégataire de service public, au sujet de la remise en route du Train de la Mure qu’il qualifie de « monument historique ». 
Après onze ans d’absence, le petit train rouge reprend donc son service à partir du 1er juillet. Cheminant sur un parcours de 15 km, l'itinéraire du train part de la gare de La Mure, passe par La Motte-d’Aveillans pour un terminus au Belvédère, juste au-dessus du lac du Monteynard, frisson garanti. 

A dos d'aigle

L’expérience se veut attractive et familiale avec 22 points d’intérêt accompagnés de pastilles sonores pour découvrir les richesses de la Matheysine.
A l’arrivée des Grands Balcons, cinq totems ponctuent la promenade jusqu’au Belvédère, une terrasse de 300m2 aménagée au-dessus du lac de Monteynard. Equipé d’un dispositif de réalité augmentée, il permet aux visiteurs d’effectuer un vol virtuel à dos d’aigle au-dessus du barrage.
La visite peut se poursuivre par une pause gourmande au restaurant le Panoramique, unique en son genre, qui propose une formule self ou des encas à emporter. 
Au retour, les voyageurs ont le loisir de profiter d’un arrêt au musée de la Mine image de La Motte d’Aveillans grâce à un billet combiné. Le petit musée industriel est une réelle curiosité avec son boyau horizontal qui mène les visiteurs au cœur du passé minier du plateau Matheysin. 


Puis retour dans la nouvelle gare de La Mure, une construction créée pour accueillir l’office de tourisme du Plateau Matheysin, la billetterie, une salle d’exposition, un magasin de souvenirs et une petite restauration. 

Première ligne électrique au monde

C’est un chantier monumental qui a été engagé pour restaurer cette ligne stoppée après l’éboulement survenu à l’automne 2010 au lieu-dit La Clapisse et qui l’ampute désormais de la partie basse de son itinéraire. 
La ligne Saint-Georges-de-Commiers-La Mure est déclarée d’utilité publique en 1881.
Lors de son ouverture, en 1903, le train de la Mure, était la première ligne électrique au monde, un défi à la mesure du pays de la houille blanche. Et pourtant, c’est une autre houille, celle extraite des mines de La Mure qui signera sa longévité. 
 « C’est une voie métrique, de petit gabarit », raconte Rémi Cunin, ceci pour faciliter les travaux des ouvrages d’art. Le parcours initial de 30 km en compte 142 dont dix-huit tunnels, cinq grands ponts et sept viaducs, dont les fameux jumeaux Loulla (1 500 m de trajet pour 40 m de dénivelé). La percée de la voie s’est opérée par endroits au boulet de canon tiré depuis l’autre rive de l’Ebron. 

Sur-mesure

140 ans plus tard, le nouveau gestionnaire a dû procéder à quelques aménagements pour remettre le train sur ses rails.
« C’est un compromis entre le respect du passé et l’adaptation à la sécurité et aux normes contemporaines », ajoute Rémi Cumin.
La ligne est la dernière au monde à être alimentée par un courant de 2 400 volts en continu. Les équipements ont donc dû être restaurés en tenant compte de cette contrainte technique.


Le matériel roulant compte trois locomotives de 1932 et six voitures, dont la fameuse baladeuse pour les belles journées d’été. « Nous avons fabriqué des pièces sur-mesure pour la sonorisation », explique encore Rémi Cunin.

La mémoire du plateau

« C’est un projet touristique phare pour le Département », rappelle Jean-Pierre Barbier, président du Conseil départemental, propriétaire des infrastructures depuis 1998.
Il souligne la dimension partenariale de ce projet de rénovation qui représente un budget total d’investissement de 34,7 millions d’euros (M€), financé par le Département à hauteur de 21,7 M€ et par son délégataire de service public, EDEIS, à hauteur de 6,6 M€. Participent également au financement la Communauté de Communes de Matheysine (2 M€), la Région (2 M€) et l’Etat (2,3 M€).
Pendant six ans, 25 salariés Edeis ont oeuvré sur le chantier ainsi qu'une quarantaine d’entreprises employant elles-mêmes une centaine de personnes. A l’ouverture de la ligne, le train comptera cinq salariés en gare, six conducteurs et 25 saisonniers.


Dans ce long et sinueux parcours de reconstruction, le Département a toujours pu compter sur le soutien des acteurs locaux qui avaient été privés de leur fleuron touristique.
Hautement symbolique, le train charrie « la mémoire de tous ceux qui ont travaillé sur le plateau ».
Prendre son ticket pour les Grand Balcons, « c’est comprendre ce qu’est ce territoire, [voyager] à travers son histoire économique et son histoire humaine », ajoute le président. 

Un train, un territoire

« Nous nous sommes posés beaucoup de questions et nous avons connu beaucoup de déceptions », raconte Éric Bonnier, le maire de La Mure, pour qui cette remise sur les rails n’aurait pas été possible sans une volonté politique ainsi que le soutien des partenaires privés et de l’association du petit train de La Mure.
Depuis 2010, les pertes économiques étaient conséquentes pour les restaurants, les commerces et les musées du plateau.


Ce projet a permis de redynamiser l’entrée de ville, de développer les modes de déplacement doux entre la gare et le centre-ville et de rénover l’ancienne gare qui deviendra un tiers-lieu.
Dans le bâtiment réaffecté seront hébergées une école scientifique sur l’étude des temps de fréquence, une casemate, un espace technologique, un accueil numérique et des start-up, en partenariat avec l’entreprise Gorgy timing, l’UGA et le centre départemental universitaire de Grenoble.
C’est donc tout un territoire qui s’élance dans le sillage du Train de La Mure.  

Isabelle Doucet

 

 

 

Un défi montagnard
Clément Durand.

Un défi montagnard

Maison Durand / La restaurant Le Panoramique sera uniquement accessible aux voyageurs du train.

Les frères Durand sont des montagnards « amoureux du pays » comme se définit Clément Durand.
Déjà à la tête de trois restaurants et d’un hôtel, l’entreprise familiale originaire de l’Oisans a remporté l’appel d’offre pour exploiter le restaurant Le Panoramique, à l’arrivée du train en surplomb du lac de Monteynard.
Habitués aux conditions imposées par la montagne, notamment avec un restaurant d’altitude au pied du glacier des Deux Alpes, le défi de cet établissement uniquement approvisionné par le train n’a pas fait peur aux gestionnaires.
« C’est un spot unique et il y a une vue incroyable »,
s’enthousiasme le restaurateur. « C’est un défi logistique, nous n’avons pas le droit d’oublier quelque chose et nous nous devons de tenir la carte, déclare-t-il. La rigueur et l’organisation s’imposent pour subvenir à tous les besoins. »
L’établissement comptera 200 places assises et fonctionnera avec une borne de commande et un système de retrait de plats.
L’objectif est de servir le plus rapidement possible les passagers du train. Il emploie une dizaine de personnes.
La Maison Durand, compte nouer des partenariats avec des producteurs locaux, au-delà des caves de Chartreuse. « C’est une évidence, en 2021, de favoriser les circuits courts », assure Clément Durand.
Il ajoute : « Le système économique montagnard a été remis en cause avec la crise sanitaire. Nous n’avons pas pu accueillir du monde cette année dans nos établissements. Mais nous devons rester positifs et ce projet montre que nous avançons et que nous n’avons pas peur de l’avenir. »

ID

En pratique  

Le train de La Mure reprend du service au mois de juin 2021
Ouverture annuelle entre avril et octobre 
Un trajet aller de 15 km/40 min de trajet 
Un arrêt à La Motte-d’Aveillans, avec possibilité de visite du musée Mine Image 
Une rotation de 10 allers/retours par jour 7/7jrs en saison haute, de 9 h à 20 h et 5 allers/retours en basse saison de 9 h à 19 h, quatre jours par semaine. 
Deux trains de 200 places environ. 
Une capacité de 2 000 visiteurs/jour, avec un objectif à 5 ans de 100 000 visiteurs/an.