LIBRE ÉCHANGE
Accord UE-Mercosur : l’Idele mesure les risques

Une nouvelle étude pointe de nouveau les risques que l’accord de libre-échange UE/Mercosur fait peser sur le secteur agricole tant au niveau économique, sanitaire qu’environnemental. Plusieurs pistes sont avancées pour protéger les agriculteurs européens et limiter la déforestation.

Accord UE-Mercosur : l’Idele mesure les risques
L’accord de libre-échange UE-Mercosur fait peser des risques sur le secteur agricole tant au niveau économique, sanitaire qu’environnemental.

Alors que l’UE accélère les négociations avec le Mercosur en vue de ratifier l’accord de libre-échange conclu en 2019, l’Institut français de l’élevage (Idele) alerte dans une nouvelle étude commandée par le groupe des Verts au Parlement européen, des risques pour les agriculteurs européens de pertes économiques importantes. Un impact qui est directement lié aux distorsions de concurrence résultant des différences de règles sanitaires et phytosanitaires existantes entre les deux blocs. La viande bovine notamment la part de « la longe et du rumsteck » entiers issus du Mercosur sur le marché de l’UE pourrait notamment passer de 13 % en 2019 à 21 % voire 26 % en 2030, prévoit l’étude. Au regard de ces risques, les auteurs recommandent d’instaurer des clauses miroirs afin de garantir que les produits agricoles importés respectent les mêmes normes de durabilité que celles applicables au sein de l’UE, notamment en ce qui concerne l’environnement, le bien-être animal, les antibiotiques et les pesticides. Par exemple, l’utilisation d’antibiotiques comme facteurs de croissance est autorisée par les pays sud-américains mais bannie au sein de l’UE. Sur les limites maximales de résidus (LMR), l’étude souligne aussi les écarts qui existent entre les niveaux autorisés dans les aliments et l’eau tout en dénonçant la souplesse des réglementations relatives au bien-être animal, des réglementations sanitaires et des travailleurs dans les abattoirs des pays du Mercosur.

Bloquer préventivement

À cette fin, les méthodes d’élevage et de transport des animaux dans la région du Mercosur devraient être soumises à la procédure d’audit et de certification de l’UE, et davantage d’audits indépendants devraient être réalisés dans les pays du Mercosur. Les auteurs du rapport appellent à intégrer le principe de précaution dans l’ensemble de l’accord dans le cadre du chapitre sur les normes sanitaires et phytosanitaires. L’objectif serait de bloquer préventivement les importations de produits agricoles soupçonnés d’être contaminés par des agents pathogènes ou de contenir des résidus de pesticides interdits. Dans un souci de protéger les intérêts des producteurs européens, les auteurs recommandent également une révision de l’offre d’accès au marché de l’UE afin de limiter le volume des contingents tarifaires accordés concernant les produits d’origine animale, en particulier pour la viande bovine (99 000 t) et la volaille (180 000 t).

Hausse de la déforestation

Autre point alarmant : le manque général de traçabilité dans la production bovine afin d’évaluer son impact sur la déforestation. L’étude explique qu’il existe des failles importantes dans le système de contrôle de la déforestation, par exemple des animaux non conformes peuvent être ainsi commercialisés, même par des abatteurs et des distributeurs engagés en faveur d’une « déforestation zéro ». D’ailleurs, elle précise que le récent règlement européen sur la déforestation importée pourra uniquement empêcher les importations en provenance de zones dont la déforestation est très récente (depuis 2021) et ne concernera que l’Amazonie et non les savanes telles que le Cerrado (Brésil) ou le Chaco, dont la biodiversité est pourtant très riche. Selon le scénario le plus pessimiste, la déforestation supplémentaire induite par l’accord pourrait alors s’élever de 620 000 ha à 1,35 Mha, évalue l’étude. Pour stopper ce fléau, les auteurs recommandent aux deux parties de s’engager dans le cadre du chapitre commerce et développement durable à mettre en œuvre formellement l’accord de Paris sur le climat qui doit être la clé de voûte de l’accord UE-Mercosur. D’autre part, ils estiment que les réductions tarifaires devraient être subordonnées à la réduction de la déforestation. Sur l’aspect environnemental, la Commission espère toujours conclure les négociations sur le protocole additionnel visant à intégrer des garanties en matière de développement durable d’ici au sommet UE-Amérique latine prévu en juillet.

R.M.