Voeux
Nombreux défis à relever

Morgane Poulet
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Lors des vœux de la Chambre d’agriculture de l’Isère, le 15 janvier à Moirans, les responsables agricoles et politiques ont fait état des enjeux agricoles à venir.

Nombreux défis à relever
Jérôme Crozat, président de la FDSEA de l'Isère, souhaiterait que des réserves d'eau soient faites pour permettre aux agriculteurs d'irriguer et d'abreuver les troupeaux en cas de sécheresse.

« 2023 a été une année particulière… Comme c’est le cas chaque année », résume Jean-Claude Darlet, président de la Chambre d’agriculture de l’Isère lors des vœux de la chambre, le 15 janvier à son siège de Moirans. Si 2023 a été riche d’actions menées en faveur de l’agriculture, 2024 démarre sur les chapeaux de roue. Des défis agricoles divers et variés sont en jeu pour que l’agriculture iséroise se porte bien dans les mois à venir, mais aussi dans les années futures.
 
« Pas d’agriculture sans eau »
 
« La consommation en eau des agriculteurs est connue, et mieux nous faisons, plus nous sommes contrôlés », déplore Jean-Claude Darlet. L’Isère a en effet été le département dans lequel il y a eu le plus de contrôles concernant l’eau, en 2023. « Il y a eu environ 300 contrôles, et moins d’une dizaine ont débouché sur des verbalisations », précise le président.
Des faits qui le font s’interroger sur les adaptations des exploitants au changement climatique : « Il faudra s’adapter à d’autres méthodes et formes de production. Et quelle autonomie alimentaire pourra-t-il y avoir pour les troupeaux s’il y a moins d’herbe en raison de la sécheresse ? Il n’y aura pas d’agriculture sans eau. » Et d’expliquer que durant l’hiver, au plus fort de la crue de novembre 2023, « en dix minutes, en raison du débit de l’Isère, nous pouvions couvrir un an des besoins en eau des agriculteurs ».
Côté FDSEA, Jérôme Crozat, son président, est revenu sur la période pluvieuse qu’a connu le territoire. « J’aimerais que cela continue pendant la période estivale, car il serait bien d’avoir moins à arroser, en montagne comme en plaine, pour avoir une année culturale plus tranquille ». Et d’ajouter qu’il lui semble important et logique de faire des réserves d’eau en montagne, « tant pour le partage de l’eau dans les alpages que pour prévenir les feux dus à la sécheresse », précise-t-il.
Pour le préfet de l’Isère, Louis Laugier, « nous démarrons tout de même sous de meilleurs hospices qu’en 2023 grâce aux précipitations » qui permettent de remplir les nappes. Il précise que des projets de « réutilisation d’eaux non-conventionnelles existent » et que « des échanges seront organisés pour actualiser tout cela ». « En ce qui concerne les méthodes de travail, je demande à les amplifier, avec des réunions régulières pour éviter de traiter le sujet uniquement en période de crise ».
 
Les dégâts psychologiques du loup
 
Le sujet du loup est également ressorti des échanges. Pour Yannick Neuder, député de l’Isère, « les coûts liés aux attaques de loups sont estimés à 66 millions d’euros ». « C’est pourquoi je suis heureux que la convention de Berne évolue et que la catégorie du loup change afin que le nombre de tirs puisse augmenter ».
D’autant plus que le préjudice pour les agriculteurs est financier, mais aussi psychologique. « Le dédommagement ne fait pas tout, l’impact psychologique est très fort, avec un volume de travail supplémentaire très conséquent », note Louis Laugier. Avec 20 % d’attaques en plus par rapport à 2022, mais avec un chiffre inférieur à celui de 2020, l’Isère n’a pas été épargnée. Treize loups ont été prélevés en Isère en 2023, dont neuf par des louvetiers. « Un nouveau plan national d’action a été soumis à consultation du public fin 2023 et sera présenté lors du prochain plan loup de 2024 », a-t-il annoncé.
 
Nécessaires concertations
 
Pour la chambre d’agriculture, l’agrivoltaïsme et le photovoltaïque sont des sujets qui doivent encore être travaillés. « Nous devons savoir quelle place laisser au développement de la transition écologique, explique Jean-Claude Darlet, et il vaut mieux mettre ces installations sur les toits, mais nous sommes prêts à partager, surtout à faire les choses de pair ».
En matière de transition écologique, un premier diagnostic bas carbone a été réalisé l’an dernier dans certaines exploitations du département. Cela rejoint par exemple les projets agro-forestiers du département : « 5 km de haies doubles seront plantés en bordure de champ », précise Cyrille Madinier, vice-président départemental à l’agriculture.
 
Attirer vers le métier
 
Si 2022 a été une année record en termes de nombre d’installations, 2023 s’est placée dans cette voie : « Nous devrions dépasser la centaine d’installations aidées en 2023 », annonce le président de la chambre d’agriculture. « Il faudra continuer d’attirer vers les métiers agricoles, car il y a un réel problème de renouvellement des générations, tant du côté exploitant que salarié », ajoute-t-il.
C’est pourquoi il souhaite que la plateforme de l’emploi, gérée avec le Service de remplacement et les groupements d’employeurs, continue d’être développée. D’autant plus que le nombre d’agriculteurs en difficulté ne cesse d’augmenter : plus de 500 dossiers ont été traités par Réagir l’an dernier. « Des agriculteurs sont en souffrance en raison de problèmes économiques, mais pas seulement, cela peut aussi être social. C’est pourquoi ils ont besoin d’une aide aussi bien économique que psychologique ». Et de préciser que moins de 10 % des installations accompagnées et suivies figurent parmi les dossiers de Réagir.
Elodie Jacquier-Laforge, députée de l’Isère, renchérit qu’un bac+3 agricole devrait être créé afin de répondre au défi du renouvellement des générations. Il s’agit d’un projet de loi dont l’un des textes porte sur la création d’un « bachelor agro » conférant le grade de licence 3. « Des actions de découverte de l’agriculture dans les écoles ont aussi lieu et l’importance de la souveraineté alimentaire y est mise en avant », ajoute-t-elle.
« A l’échelle nationale, il y a encore environ 2 400 départs annuels pour seulement 1 700 arrivées, constate Yannick Neuder. Bien que nous soyons la région de France qui donne le plus de Dotations jeune agriculteur (DJA), avec une moyenne de 40 000 euros, cela ne suffit visiblement pas ». Les défis semblent cette année encore nombreux à relever, « mais c’est toujours le cas », remarque Jean-Claude Darlet.

Morgane Poulet