Société
L'augmentation du congé paternité donne plus de temps aux jeunes pères

Isabelle Brenguier
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Le 1er juillet 2021, le congé paternité est passé de 11 à 25 jours. De quoi motiver davantage
les agriculteurs qui deviennent père à profiter d’un dispositif bénéfique à toute la famille.

L'augmentation du congé paternité donne plus de temps aux jeunes pères
Guillaume Argoud, éleveur de vaches allaitantes et céréalier à Pommier-de-Beaurepaire, se réjouit de l'augmentation de la durée du congé paternité qui lui a permis de profiter de sa famille.

Pouvoir prendre le temps d’accueillir son enfant à sa naissance est une chance. Mais pas seulement. C'est aussi un droit, le congé paternité. Il est accessible à tous les pères, qu'ils soient salariés, travailleurs indépendants... ou agriculteurs.

Depuis le 1er juillet dernier, sa durée a été revue à la hausse. Pour les exploitants agricoles, il est passé de 11 à 25 jours pour la naissance d'un enfant, de 18 à 32 jours pour une naissance multiple. Si les sept premiers journées doivent obligatoirement être prises à la naissance, les autres peuvent être utilisées dans les six mois et être fractionnées.

Pour certains, la prise de ce congé paternité peut paraître compliquée sur le plan administratif et logistique. En effet, il n'est pas forcément évident de se faire remplacer dans son exploitation et il peut sembler plus simple de prendre quelques heures, par-ci, par-là, pour être aux cotés de son bébé et de sa compagne. Ce n'est pourtant pas ce que disent les jeunes agriculteurs qui viennent d'en profiter, qui sont heureux d'en avoir bénéficié.

Allocation de remplacement

En agriculture, le congé paternité passe forcément par le remplacement de l'exploitant. Ce qui implique que le service de remplacement du département joue un rôle majeur au sein de ce dispositif. Ainsi, pour en bénéficier, le futur père doit faire une demande d'allocation de remplacement à la MSA.
Comme l'indique Fabien Champarnaud, directeur général de la MSA des Alpes du Nord, « il convient d'adresser cette demande au moins un mois avant la date présumée de la naissance. C'est le point de vigilance à observer. Car si la date est passée, nous n'avons pas de moyen de recours ». Et le responsable d'insister sur la nécessité d'anticiper cette déclaration dans le cas où la naissance surviendrait avant le terme.
Ensuite, la MSA transmet la demande au service de remplacement qui reprend contact avec le futur papa pour convenir des besoins. Plusieurs cas de figure se présentent alors. Soit le service de remplacement est en mesure de mettre un de ses salarié à disposition de l'agriculteur. Soit il ne peut pas.
Dans ce cas, c'est l'agriculteur lui-même qui propose une personne que le service de remplacement embauche en établissant un CDD (Contrat à durée déterminée). Sinon, l'exploitant peut réaliser l'embauche lui-même. Il sera indemnisé par la MSA.

Pour profiter de son congé, l'agriculteur doit donc être adhérent au service de remplacement, dont le montant d'adhésion s'élève à 50 euros par an. S'il adhère pour la première fois, il doit aussi s'affranchir d'un surcoût de 50 euros.
« Cette adhésion reste à la charge de l'agriculteur, de même que les contributions sociales (CSG/CRDS) qui sont de 11,25 euros par journée de sept heures. Mais toutes les journées de travail sont assumées par la MSA », précise Mélanie Bressot, responsable administrative du Service de remplacement de l'Isère.

Super dispositif

La prise – ou non - de ce congé dépend de différents facteurs.
La démarche est facilitée quand le jeune agriculteur est suffisamment installé dans son exploitation et quand la naissance n'arrive pas en plein pic de récolte ou de vêlage.
Ou s'il est déjà adhérent à un service de remplacement et si son utilisation fait partie de l'organisation de la ferme.
Ou encore s'il dispose déjà de la ressource humaine qu'il pourrait engager pour le remplacer. 

Guillaume Argoud, éleveur de vaches allaitantes et céréalier à Pommier-de-Beaurepaire, était dans cette configuration là. Il a pris avec enthousiasme son congé paternité pour la naissance de son deuxième enfant, Célian, né le 14 octobre 2021.
« J'ai pris une partie de mes journées à la naissance et les autres plus tard. Adhérent du service de remplacement local, j'ai l'habitude de l'utiliser. J'avais déjà pris mon congé parental pour ma fille aînée née en 2017, mais comme je venais de m'installer, je n'avais pas pris autant de jours. Pour le second, j'avais toujours dit que j'en profiterai plus. C'est ce que j'ai fait grâce à ce congé prolongé. Pour moi, c'est un super dispositif . Et l'aide de la MSA représente un bon coup de pouce financier. Le recours au salarié du service de remplacement m'a permis de laisser de côté mon exploitation et d'avoir l'esprit tranquille », explique le jeune agriculteur, qui a « sauté sur l'occasion pour le prendre davantage  ». 

Marge de progression

Pour autant, il n'y a pas que les adhérents des services de remplacement qui profitent du congé paternité. Et heureusement.
« Au niveau du Service de remplacement de l'Isère, en 2020, sur l'ensemble des journées utilisées pour le motif de congé paternité de 21 utilisateurs, 12 étaient déjà des adhérents permanents du service. Les autres ont adhéré à cette occasion », indique Mélanie Bressot. Et ils l'assurent d'une même voix : « la démarche n'est pas compliquée ».

« En 2021, sur 45 naissances réalisées au sein de foyers d'agriculteurs isérois, 19 ont donné lieu à un congé paternité, soit 42,2 % », précise Fabien Champarnaud.
Ces chiffres sont sensiblement identiques à ceux des années précédentes. Ils confirment une marge de progression pour que davantage de pères profitent de ce congé, dont le bénéfice est reconnu.
En effet, plusieurs études montrent l’importance de ce temps passé auprès du bébé pour le lien père-enfant, mais aussi pour l’équilibre du couple parental.
Et comme l'indique Jérôme Crozat, président de la FDSEA de l'Isère, « ce congé est abondé par les cotisations que versent les exploitants agricoles à la MSA, il serait dommage de ne pas en profiter ». 

Isabelle Brenguier

« Les temps changent et c'est très bien »
Ianis Peybernes profite avec plaisir de son congé paternité qui lui donne l'occasion d'être aux côtés de ses enfants et de sa compagne.

« Les temps changent et c'est très bien »

Congé paternité /

Sylvain Carras et Ianis Peybernes ont tous les deux pris leur congé paternité de 25 jours pour la naissance de leur enfant. Avec plaisir.

Agriculteur à Assieu, Sylvain Carras est devenu papa le 17 décembre 2021 en accueillant Milann dans son foyer. Il n’était pas adhérent d’un service de remplacement mais après avoir pris contact avec la MSA, il a suivi leurs recommandations pour profiter du congé paternité auquel il avait droit. « Les démarches permettant son accès sont simples. J’ai rempli un formulaire et adhéré au service de remplacement du secteur. Je leur ai indiqué que je souhaitais embaucher mon beau-père comme salarié de remplacement et tout s’est bien enchaîné. J’ai pris 25 jours consécutifs. Cela m’a vraiment fait plaisir de rester à la maison, de profiter de mon fils et de ma femme au quotidien. J’encourage tous les jeunes papas à en profiter. Les pères ont aujourd’hui plus de responsabilités qu’avant avec les enfants. Les temps changent et c’est très bien », assure le jeune père de famille, qui reconnaît toutefois que la période de la naissance de Milann, l’hiver, a été propice à la prise de ce congé. « Cela aurait été plus difficile de déléguer pendant la récolte », avoue-t-il.

Assez facile

Installé en maraîchage et en poules pondeuses bio dans le Trièves, Ianis Peybernes vient aussi tout juste de prendre son congé paternité. C’était à l’occasion de la naissance de son deuxième enfant, Salomé, née le 28 décembre dernier. « Je ne l’avais pas pris pour mon aînée, née en décembre 2019. Car, avec ma femme, nous démarrions juste notre activité et nous étions tellement dans l’excitation de la naissance à venir que nous n’avions même pas pensé à le demander. Cette fois-ci, nous avons pris les devants. J’ai pris sept jours pour la naissance et le reste, je le fractionne. Ce système est super, car il permet de choisir les périodes les plus propices au remplacement. En plus sa mise en œuvre est à la portée de tous. Il suffit simplement de l’anticiper un peu. Et pour 25 jours, cela vaut le coup », indique l’agriculteur, qui n’était pas non plus adhérent au service de remplacement avant d’y avoir recours pour son congé paternité.

IB

L’allongement à 25 jours du congé paternité a vocation à permettre aux deux parents de s’investir auprès de leur enfant à sa naissance. Saluée par de nombreux professionnels de la petite enfance, la mesure fait partie des préconisations issues de la commission des « 1 000 premiers jours de la vie de l’enfant » qui a réuni de nombreux spécialistes, sous la présidence du psychiatre Boris Cyrulnik. L’objectif de cette commission était d’inscrire leurs réflexions et observations dans le cadre d’une réforme en profondeur de la politique de petite enfance du Gouvernement. Elle a mis en avant la nécessité d’investir davantage dans l’accompagnement des familles et des enfants pendant cette période de la petite enfance.