Biodiversité
Dans le Nord Isère, des exploitants rémunérés pour services rendus à l'environnement

Marianne Boilève
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Le 4 mai, l'Agence de l'eau et la Communauté d'agglomération Porte de l'Isère (Capi) ont signé chez Florent Guillaud, exploitant aux Éparres, la première convention permettant de rémunérer les agriculteurs pour les services environnementaux (PSE) qu'ils rendent au territoire. Une innovation qui pourrait faire école.

Dans le Nord Isère, des exploitants rémunérés pour services rendus à l'environnement
En faisant visiter sa ferme des Eparres (Isère) aux élus, Florent Guillaud a expliqué pourquoi et comment il s'est intéressé aux pratiques favorables à la biodiversité.

Le 4 mai dernier, l'Earl de Verrière a été le théâtre d'un événement sans doute historique. Florent Guillaud, agriculteur en polyculture-élevage aux Éparres, a accueilli les représentants de la Communauté d'agglomération Porte de l'Isère (Capi) et de l'Agence de l'eau pour la signature d'un partenariat d'un genre nouveau. La Capi est en effet la première collectivité du bassin Rhône-Méditerranée à expérimenter le paiement des agriculteurs pour services environnementaux (PSE).

Préserver la qualité de l'eau

Grâce à cette convention, Florent Guillaud et 50 autres exploitants sélectionnés par la collectivité vont, pendant cinq ans, être rémunérés pour la mise en place ou le développement de pratiques favorables à la biodiversité et à la préservation de la qualité de l'eau. Enclenché l'an dernier à la suite d'un appel à initiatives de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, ce projet territorial s'inscrit dans un dispositif issu du plan national Biodiversité.

4 millions d'euros pour des services environnementaux

Concrètement, la Capi va bénéficier d'une enveloppe de 4 millions d'euros, dont 3,6 seront directement reversés aux agriculteurs sélectionnés pour les « services environnementaux » qu'ils vont rendre au territoire. « C'est un système où tout le monde gagne, s'est félicité Jean Papadopulo, le président de la Capi, au moment de la signature officielle de la convention. A l'heure où l'agriculture est extrêmement malmenée par des gens qui sont contre et ne proposent rien en retour, ce partenariat avec l'Agence de l'eau montre que l'on peut concilier protection de la ressource en eau, garantie de sa qualité et soutien à l'agriculture. »

Soutien politique

A voir le sourire qui rayonne sur le visage de Florent Guillaud, on devine la portée d'un tel soutien politique. « Je suis ravi que le projet PSE voit le jour, car il vient étayer mon objectif et la voie que j'ai prise, a-t-il confié aux signataires. Nous, agriculteurs, sommes conscients des défis environnementaux énormes qui nous attendent, mais nous avons besoin de partenaires pour nous aider, nous soutenir. Je suis heureux que la Capi et l'Agence aillent dans ce sens. »

Evolution de la PAC

Et ce n'est peut-être qu'un début. Car ce projet pilote pourrait préfigurer l'évolution des politiques agricoles à venir. C'est en tout cas ce qu'a laissé entendre Laurent Roy, le directeur général de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, en déclarant que « la prochaine étape sera de voir quels enseignements nous pourrons tirer des paiements pour services environnementaux dans le cadre du PSN (plan stratégique national - NDLR) de la future PAC ».

Voie « atypique »

Florent Guillaud, lui, en a déjà une petite une idée : son parcours en est une belle illustration. Après avoir repris la ferme familiale il y a une dizaine d'années, le jeune agriculteur a suivi la voie « atypique » tracée par son père, qui menait de front production laitière, élevage allaitant et grandes cultures. Trois ateliers complémentaires dont il a dû défendre la cohérence au moment de son installation et qui lui apportent aujourd'hui une réelle sérénité.

Interactions entre les cultures

Très vite, Florent s'est intéressé à la filière CRC (culture raisonnée contrôlée), qui implique des pratiques favorables à la biodiversité, et s'y est engagé avec Oxyane, sa coopérative. Car « qui dit filière, dit valorisation », précise-t-il, en assumant un choix dicté autant par un impératif de rentabilité économique que par une forte conviction personnelle. Ce premier pas l'a presque naturellement conduit à demander la certification HVE en 2018 et à s'engager dans la démarche PSE aujourd'hui. « Je travaille en conventionnel, mais je partage du matériel et des techniques avec un agriculteur bio, explique-t-il. Ça me permet de réduire mes IFT (Indicateur de fréquence de traitement- NDLR) et de gérer la biodiversité en jouant sur les interactions entre les cultures. Le PSE va me permettre d'aller plus loin et de compenser l'impact économique de ces pratiques sur mon exploitation. » Car produire du lin, du seigle ou de la luzerne, c'est bon pour l'environnement, mais ça paie moins bien que du blé ou du maïs.

Marianne Boilève