Innovation
L’exosquelette bienvenu en salle de traite

Isabelle Doucet
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En élevage laitier, l’exosquelette apparaît comme une des solutions à la fatigabilité du métier. Les fermes commencent à s’équiper.

L’exosquelette bienvenu en salle de traite
L'exosquelette doit être adapté à la morphologie du trayeur et la salle de traite assez large pour ne pas encombrer le mouvement.

« Au bout de cinq mois d’utilisation, c’est un investissement que je ne regrette pas ».
Édith Durand est équipée d’un exosquelette qui la soulage lorsqu’elle fait la traite des vaches laitières matin et soir.
À Montagnieu, le Gaec Chante bise est une ferme familiale de trois associés : les époux Édith et Christian Durand, et leur fils Damien récemment installé.
Le bien-être des hommes et des animaux est chez eux une ligne de conduite. Les dernières améliorations ont porté sur la salle de traite, un poste stratégique.

Gestes répétitifs

« J’ai une tendinite au bras depuis environ un an, explique Édith Durand. Nous nous sommes demandé comment améliorer la situation sans aggraver le mal. »
L’éleveuse est plus particulièrement en charge de l’activité traite : 90 montbéliardes matin et soir sur deux fois cinq postes, soit deux bonnes heures de gestes répétitifs depuis plus de quinze ans.
« Nous avons changé les griffes en 2022 pour des modèles allégés, ce qui permet de gagner 1,2 kg. C’est important en bout de bras. »
C’est à ce moment-là que leur fournisseur lui a parlé de l’exosquelette. « J’avais passé une visite médicale avant. Il ne faut pas faire n’importe quoi », témoigne Édith Durand.

Choisir le bon modèle

Puis, elle essaie deux modèles.
Le premier ne convient pas au maintien de son dos « et les branches tapent dans les tubulaires de la salle de traite », rapporte-t-elle.
Le deuxième exosquelette est concluant. Son maintien lombaire et son ergonomie apportent à Édith Durand « une meilleure position à la traite ».
Elle l’adopte après un temps d’adaptation. « Au début, je ne le mettais que pour une traite sur deux. Au bout de 15 jours, j’ai senti la différence. Il faut choisir le bon modèle, adapté à la morphologie, à la taille du trayeur et à la salle de traite. »


L’exosquelette choisi est un modèle portatif Mate XT d’un poids de 2,9 kg. Il s’enfile sur le torse comme un harnais.
Édith Durand apprécie sa tenue près du corps, qui ne l’encombre pas dans la salle de traite.


Le fonctionnement de l’exosquelette est uniquement mécanique : des ressorts transforment l’énergie en assistance.

La fatigue a disparu

L’appareil supporte le mouvement, allège la charge. « La qualité du réglage est importante : taille, largeur des épaules, pression exercée, insiste Édith Durand. Par exemple, il ne faut pas forcer pour rebaisser les bras. »
L’éleveuse n’utilise son appareil que pour la traite. « Je prépare la salle et j’enfile l’exosquelette uniquement pour les gestes répétitifs. À la fin de la traite, je le pose pour le lavage. Il faut aussi savoir rester musclée ».


Elle reconnaît que la fatigue, qui survenait après la traite, a disparu.
Le parcours d’Édith Durand a duré six mois, entre le moment de la réflexion, les essais et la réception de l’appareil. « Le temps de se poser les bonnes questions », depuis la pathologie jusqu’à l’agencement de la salle de traite.

Une des solutions

« C’est un équipement qui sert à soulager, pas à réparer des épaules trop abîmées », insiste-t-elle.
En Isère, elle a pu échanger lors d’une réunion avec un autre couple d’utilisateurs.
L’exosquelette est « une des solutions » aux troubles musculosquelettiques (TMS), ajoute l’éleveuse. Il en coûte environ 5 000 euros pour un tel équipement.
Au Gaec de Chante bise, les aménagements ne s’arrêtent pas là.
Après les griffes, l’exosquelette, c’est le matériel du quai de traite qui est en cours d’amélioration avec le changement du décrochage automatique.


« Cela fait un geste en moins », reprend Édith Durand. Dans la même logique, un taxi à lait a été acheté pour éviter de porter les seaux de lait aux veaux.
Le plus gros investissement reste le nouveau bâtiment d’élevage, concomitant à l’installation de Damien Durand. Il facilite la gestion des génisses et des vaches taries.

Éviter les problèmes

« Le confort de la salle de traite, c’est notre quotidien ».
Au Gaec de la Fayardaie, à Hauterives dans la Drôme, les trois cousins associés, Eric Fayan, Cédric Fayan et Valentin Balaye, ont reçu leur exosquelette en test il y a une poignée de jours.
« Nous voulions trouver des solutions pour éviter les problèmes plus tard », explique Éric Fayan.
Les éleveurs se partagent à tour de rôle la traite du troupeau de 100 vaches laitières (30 % montbéliardes et 70 % prim’hosltein) en IGP saint-marcellin.
Installée il y a 18 mois, la salle de traite TPA (1) en 2x9 postes avec désinfection automatique et trempage des trayons est un équipement de pointe.
Il permet de traire les 100 bêtes en une heure. Mais le système n’affranchit pas de lever les bras de façon répétitive.

Lever les a priori

« Après une semaine de traite non-stop, les épaules fatiguent », reconnaît l’éleveur.
Curieux et désireux de « rester à la page en agriculture » - une condition de survie estiment-ils - les trois associés se sont intéressés à l’exosquelette.
« On savait que ça existait. Il y avait eu des articles. » Après une petite étude de marché, « nous avons choisi le modèle Plume (2), léger comme son nom l’indique (1,6 kg ndlr) et qui nous semblait le plus adéquat aux gestes que nous faisons », déclare l’éleveur.
L’investissement s’élève à 3 500 euros. L’appareil est pour le moment en location-vente dans l’exploitation.
« Nous allons le tester. Il faut s’habituer et lever les a priori, voir si on est assez à l’aise pour la traite », poursuit Éric Fayan.
Après la période test, les associés décideront s’ils gardent l’exosquelette, s’ils en acquièrent plusieurs où s’ils essaient d’autres modèles. Des possibilités de financement existent, mais hors MSA.
Les associés du Gaec de la Fayardaie n’avaient à ce jour pas rencontré d’autres utilisateurs d’exosquelette, mais le système fait de plus en plus d’adeptes dans les fermes.

Isabelle Doucet

(1) TPA : Traite par l’arrière
(2) Plume est fabriqué par la société HTM à Tarbes (65)

Lever les freins d’une installation en lait
Audrey Vigoureux, conseillère à la Chambre d'agriculture de l'Isère.

Lever les freins d’une installation en lait

La traite est une activité stratégique à prendre en compte dans tout projet d’installation en élevage laitier.

« Dans les installations en lait, le poste de traite est souvent déterminant », assure Audrey Vigoureux, conseillère à la Chambre d’agriculture de l’Isère, qui a suivi l’installation de Damien Durand dans le Gaec familial Chante bise à Montagnieu.
« C’est un temps fort de la journée, qui revient deux fois par jour. Dans certains cas, l’activité lait peut s’arrêter parce que l’associé qui s’occupait du troupeau ne peut plus l’assumer. Certaines installations sont freinées pour ces raisons. »
Audrey Vigoureux liste les freins possibles à une installation laitière, à commencer par les astreintes et la traite 365 jours/365.
« Selon les équipements et la taille du troupeau, la durée est variable et peut aller jusqu’à quatre heures par traite », indique la conseillère.
La pénibilité, les troubles musculosquelettiques (dos, épaules, mains), les charges à transporter et le mouvement des bêtes qui n’est jamais sans risque, font partie des obstacles.

Robot ou pas robot ?

Pour autant des solutions existent, qui passent par des aménagements.
Assez prisé, le robot de traite répond à bien des problèmes. En revanche, il présente quelques contreparties : des investissements conséquents, un entretien pointu et un poste alimentation qui augmente (car les vaches produisent et mangent plus).
L’astreinte n’est pas gommée car le troupeau ne peut être laissé sans surveillance, surtout dans la période d’adaptation.
Enfin robot et pâture ne sont conciliables qu’à condition d’aller chercher les bêtes au pré.

Aménager la salle de traite

« Certains éleveurs préfèrent garder la traite manuelle pour conserver le contact avec les animaux », rapporte Audrey Vigoureux. Dans ce cas, pour prévenir les TMS liés au travail en salle de traite, d’autres solutions existent.
La salle de traite peut bénéficier de nombreux aménagements comme l’équipement d’un plancher mobile qui s’adapte à la taille du trayeur et lui évite de lever les bras trop hauts.
L’allègement des griffes et des manchons réduit aussi les efforts du trayeur.
L’installation d’un chien électrique dans l’aire d’attente permet également de limiter les risques et de gagner du temps.
« L’aménagement de la salle de traite, des aides d’attente, de la sortie, l’adaptation du nombre de poste au nombre de vaches dans le troupeau, font partie des solutions à étudier dans une exploitation laitière », note encore Audrey Vigoureux.

Plusieurs modèles

Les appareillages comme les exosquelettes méritent une étude approfondie en fonction des pathologies.
Il faut que la salle de traite ne soit pas trop exiguë pour ne pas gêner les mouvements du trayeur.
Médecins et ergonomes sont à consulter pour adapter ce type de matériel. Il existe plusieurs modèles d'exosquelettes plus particulièrement dédiés aux gestes du trayeur : Skelex de Gobio ; Mate XT de Comau ; Hapo MS d’Ergosanté ; Plume de HTM ; IP12 d’Agroconcept etc..
« Tous ces aménagements peuvent entrer dans la nouvelle mesure du Feader Investissements en élevage », annonce Audrey Vigoureux.
Par ailleurs, elle rappelle que le diagnostic lait, que mène actuellement la Chambre d’agriculture de l’Isère, permettra aussi d’identifier les freins au maintien de l’activité laitière et à l’installation.
L’étude donnera également des informations quant à la motivation des candidats à l’installation. Les résultats seront connus au mois de septembre.
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