Intempérie
La grêle balafre les noix en formation

Isabelle Doucet
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D’énormes grêlons se sont abattus mercredi 12 juillet sur le verger de noix, touchant les fruits en formation.

 La grêle balafre les noix en formation

Le Grésivaudan a été fortement touché par un épisode de grêle survenu le 12 juillet vers 18 heures. Les dégâts sur noyers sont particulièrement importants dans la vallée de la noix et surtout sur la rive gauche de l’Isère, de Rovon à Saint-Romans.
L’épicentre se situe à Izeron. Les communes de Saint-Pierre-de-Chérennes et une partie de Saint-Romans ont subi également de gros dégâts.
Sur la rive droite, la cellule orageuse chargée de grêle a également été destructrice dans les vergers de noyers de Saint-Hilaire-du-Rosier, Chatte, Saint-Bonnet-de-Chavagne, Saint-Marcellin, Saint-Sauveur, Saint-Véran, Têche, l’Albenc, Beaulieu ou encore Vinay.

Dans toutes les parcelles

« À Izeron, il est tombé des grêlons gros comme des balles de ping-pong pendant 10 minutes, commente Jean Bith, producteur dans la commune. Ce n’est pas très impressionnant au sol, il y a un peu de feuilles, un peu de noix. En revanche beaucoup de noix sont touchées dans les arbres et dans toutes les parcelles. Or, elles n’ont pas encore la coquille et présentent de l’élasticité. Je fais un passage de cuivre pour faire cicatriser et conserver le maximum de noix, mais je ne sais pas ce que ça va donner. J’ai commencé à trois heures du matin (ndlr : le 13 juillet). »
Contrairement à 2022, la récolte 2023 ne s’annonçait pas très abondante, mais déjà avec de grosses noix.
Or, le risque de chute de noix dans les jours à venir, ajouté à un rendement très moyen, est un nouveau coup dur pour les producteurs de noix dont le secteur est déjà en crise.
« Nous avons passé 2022, nous passerons 2023, mais ça commence à faire lourd, estime Jean Bith. Et ce sont encore des reports d’investissements. »
Il explique que le dernier épisode de grêle, à Izeron, remonte au 17 août 2003, marquant la fin de la sécheresse. « Nous avions eu la tempête, la neige, mais pas une telle grêle. Mon père de 85 ans n’avait jamais vu ça. »

500 kg/ha à terre

À Saint-Romans, Loïc Glénat est plutôt pessimiste. Il n’a aucune parcelle épargnée, même si la grêle ne les a pas touchées avec la même intensité.
« Il y a 500 kg par terre à l’hectare, mais il y a encore une tonne sur les arbres qui vont tomber, mesure-t-il. C’est le haut qui reçoit, or, on ne voit que les branches basses. »
Il témoigne de grêlons d’une taille inhabituelle : balle de golf, voire gros comme une balle de tennis pour celui qui a percé le toit en fibrociment de son bâtiment agricole.
Touché à 100 %, le producteur n’a pas encore décidé s’il allait traiter ou non ses fruits. Tout dépend de l’impact.
Il fait partie des producteurs ayant souscrit une assurance multirisque climatique (MRC). « Mais c’est mal fichu, commente-t-il, car 25 % des dégâts sont pour le compte des agriculteurs. »

Les noix vont tomber

« Se pose la question des protections contre la grêle, avance Gilles Convert, nuciculteur à L’Albenc et également touché. Il faudrait avoir un projet global, avec les agriculteurs, mais aussi les communes dont les bâtiments sont concernés et les habitants, pour les maisons particulières et les voitures. Même les compagnies d’assurances pourraient investir dans un tel système afin de limiter le risque d’avoir des années catastrophiques. À l’époque, il y avait des fusées au nitrate d’argent, avec des résultats plus ou moins efficaces. »
L’Albenc était situé en bordure de la cellule orageuse, mais de nombreuses noix sont marquées par les chutes de grêlons dans les vergers.
« Il faut passer du produit cicatrisant suffisamment tôt pour éviter d’avoir des marques sur les coquilles ou des cerneaux atrophiés, commente encore Gilles Convert. À ce stade de développement de la noix, la coquille commence à se former, à devenir marron et on ne sait pas si les impacts vont la pénétrer. »
Il rappelle que les traitements à base de cuivre sont homologués en agriculture biologique. La difficulté est aussi de traiter un week-end du 14 juillet, au risque que cela soit mal compris par les habitants du secteur.

De l'espoir

Ghislain Bouvet, technicien noix à la Chambre d’agriculture de l’Isère, confirme que « les noix les plus touchées vont tomber sous huit jours. C’est la porte d’entrée à la maladie et au risque de coquilles déformées. Mais on ne sait pas où en sont exactement les noix du point de vue de leur cycle de développement. »
Il note cependant que les dégâts sont très irréguliers, que certes les glaçons étaient parfois énormes, mais la grêle assez espacée, de sorte que les vergers ne sont pas hachés. D’où la question de la pertinence des traitements vis-à-vis de leur coût.
« Sur une petite grêle serrée avec des noix restées sur l’arbre, ça peut valoir le coup de traiter. Lorsque les noix sont très touchées, cela ne sert à rien. Et si le temps repart au beau et sec, il y a une cicatrisation naturelle. Il faut voir au cas par cas. »
Pour Ghislain Bouvet, il y a encore de l’espoir car le phénomène de hachage a été évité. Il compare la situation à celle de l’orage de grêle survenu dans les coteaux en 2019, mais un peu plus tard dans la saison.
En cette période transitoire quant au régime assurantiel et la grêle étant un risque assurable, il est tout de même probable que la DDT lance une commission d’enquête avant la récolte 2023. Pour l’heure, les producteurs touchés continuent à se manifester auprès de l’administration.
Isabelle Doucet