Commerce
Les ventes de sapins suspendues à un décret

Marianne Boilève
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Les producteurs de sapins isérois sont inquiets. Avec le reconfinement et la fermeture des « commerces non essentiels », une part des ventes risque d'être compromises. Sauf pour ceux qui commercialisent en vente directe.

Les ventes de sapins suspendues à un décret
Producteur de sapins à Burcin, Franck Durand déplore quelques annulations de commande, mais compte s'en tirer avec la vente aux particuliers.

A Grenoble, la fleuriste de la place Sainte-Claire fait et refait ses calculs. Pour le moment, elle ne sait pas si elle va pouvoir commander des sapins à son fournisseur local. Sa boutique est fermée depuis le 1er novembre et l'espoir de pouvoir rouvrir rapidement s'est envolé avec les annonces de Jean Castex le 12 novembre. Commander ou pas commander ? Et si oui, combien de sapins ? Pour quelle clientèle ? Telles sont les questions qu'elle se pose. Comme tout le monde.

Chez les distributeurs - fleuristes, jardineries et grandes surfaces -, le manque de visibilité a viré au casse-tête chinois il y a plusieurs semaines. En attendant les annonces officielles, les professionnels spéculent sur les déclarations officieuses. « Notre président est allé tanner le cuir aux ministres pour obtenir le droit de vendre nos sapins dehors, résume un peu abruptement Pierre Penin, producteur à Moirans et membre actif de l'Association française du sapin de Noël (AFSN). J'ai moi-même écrit à la députée, au sénateur. Ça avance, mais il faut que nous vendions nos arbres. Nous avons eu une autorisation de parole, mais nous attendons la publication du décret. » 

Attente interminable

A force de pression sur les ministères de l'Agriculture et des PME, l'AFSN aurait en effet obtenu l'assurance de pouvoir commercialiser des sapins en extérieur à partir du 20 novembre. Le décret s'est fait attendre toute la semaine dernière et n'était toujours pas paru en début de semaine. Pour les producteurs, cette attente interminable pose de gros problèmes tant techniques que logistiques. Car le mois de novembre est celui de la coupe des sapins. Les fleuristes et les rayon spécialisés des grandes surfaces étant fermés au public, le nombre de points de vente est pour le moment drastiquement limité. Certains se débrouillent en bricolant des systèmes Click&Collect mais, confrontés à l'incertitude des semaines à venir, ils hésitent à passer des commandes fermes. Conséquence :  « De nombreux collègues ont arrêté de couper, constate Pierre Penin. Nous avons du travail pour un mois : nous ne pouvons pas le faire en huit jours ! »

Ancien céréalier reconverti dans la production de sapin, l'exploitant tire la totalité de son chiffre d'affaires de la vente de ses arbres. Pour lui, la période de Noël est cruciale : s'il vend quelques centaines de sapins localement à des particuliers, des écoles ou des mairies, qui commandent moins cette année, il en commercialise des milliers auprès de jardineries implantées dans le tout quart Sud-Est et la vallée du Rhône. « Mes clients comptent tous sur mes sapins, mais j'en ai une vingtaine qui ne savent pas ce qu'ils doivent faire : ils attendent le décret pour commander », explique le producteur de Moirans.

Souplesse

Compte tenu des travaux de coupe et de la logistique à mettre en œuvre, la situation se tend un peu plus chaque jour. Surtout pour ceux qui font de la vente en gros ou demi-gros. A Burcin, le Jardin des Terres froides a déjà reçu quelques annulations de commande. Mais rien de dramatique : s'il fait un peu de demi-gros à destination des jardineries, Franck Durand vend l'essentiel de sa production aux particuliers. Il a le droit d'ouvrir son établissement, mais les clients ne sont pas au courant. Pour le moment, les pertes ne concernent « que » quelques centaines de sapins. Le producteur confie ne pas trop savoir « sur quel pied danser ». Après le manque à gagner du printemps, dû au premier confinement, et la Toussaint - plutôt médiocre cette année - le coup est rude. Le pépiniériste reste pourtant confiant : il ne coupe ses sapins que 48 heures à l'avance, ce qui lui permet d'être réactif. Une souplesse que ne peuvent pas se permettre les gros producteurs.

Marianne Boilève