La FNSEA a organisé lors du Salon de l’agriculture une conférence portant sur l'accompagnement des agriculteurs en difficulté, en présence notamment du ministre de la Justice et garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti. Ce dernier a notamment annoncé une expérimentation de tribunaux aux affaires économiques auxquels les agriculteurs pourraient recourir.
En 2022, le dispositif Agri’écoute a reçu environ 3 000 appels, principalement des zones Bretagne, Pays de la Loire et d’Occitanie et « essentiellement de la part d’éleveurs », a indiqué le président de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), Pascal Cormery. Il est d’ailleurs établi que le risque suicidaire chez les agriculteurs est de 20 à 30 % plus élevé que dans le reste de la population. Pour éviter des issues dramatiques, les organisations professionnelles agricoles ont mis en place un réseau de sentinelles et confié à Daniel Lenoir, ancien directeur général de la MSA, la fonction de coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture.
Aides juridiques et économiques
Parce qu’il estime « important d’accompagner les agriculteurs en difficulté », que ce soit économique et/ou psychologique, le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti a annoncé la mise en place dans une dizaine de juridictions (grandes, moyennes et petites) de tribunaux des activités économiques (TAE) « à titre expérimental ». Une expérimentation qui s’étalera sur deux ou trois ans, a précisé son directeur de cabinet Jean-Denis Combrexelle. L’objectif est que les agriculteurs puissent avoir affaire à eux en cas de difficultés car les magistrats seraient formés aux arcanes juridiques et économiques, donc aux spécificités du monde agricole. Un projet de loi est en cours de rédaction et devrait être présenté à l’été en Conseil des ministres avant un examen en fin d’année par les parlementaires. « L’objectif est que le monde agricole y trouve son compte pour être mieux entendu », a indiqué Jean-Denis Combrexelle. « Il faut aussi aller au-devant des agriculteurs et dès les premières difficultés leur indiquer la manière à suivre à travers certains dispositifs comme le mandat ad hoc ou le règlement amiable », a détaillé le ministre.
Droit d’antériorité
Ce que regrette à mots feutrés la profession, c’est la méconnaissance des instances judiciaires envers le monde agricole. L’un des aspects les plus prégnants concerne souvent les troubles du voisinage. Le président de Chambres d’agriculture France, Sébastien Windsor, se désole des recours des néoruraux malgré les actions de prévention mises en place par les chambres départementales et les élus locaux. « Des riverains se plaignent des moissons à 23 h 00. Nous n’avons souvent pas le choix et ça ne dure que trois ou quatre jours », s’est-il justifié. Le ministre de la Justice a lui-même concédé que « c’était surréaliste d’être confronté à des recours pour des meuglements de vaches la nuit », sous-entendant que les juges avaient autre chose à faire que de traiter ce genre d’affaires. « Encombrer la justice avec ça », a-t-il lâché, dépité. Il a cependant promis aux agriculteurs de leur donner un coup de main, notamment sur le droit d’antériorité. Une proposition de loi devrait être bientôt rédigée et que le ministre soutiendra. Le principe sera que « celui qui arrive doit s’adapter aux autres », ce qui consacrera le droit d’antériorité et renforcera la loi du 29 janvier 2021 qui définit et renforce le patrimoine sensoriel des campagnes. Pour l’avocat Thimothée Dufour qui défend le dossier de Vincent Verschuere (1), il faut aller plus loin et inclure l’évolution de l’exploitation dans la loi et « protéger les agriculteurs dans leur expansion économique ». Comme l’a résumé Christiane Lambert, il faut que le droit puisse « allier humanisme, bon sens et méthode ». Car on veut simplement « travailler sur notre territoire », a conclu Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA.