La réapparition de la carie du blé dans les parcelles, notamment celles cultivées en bio, interpelle les producteurs qui doivent faire preuve de vigilance et mettre toutes les mesures de prévention en place pour éviter sa propagation.
La carie du blé, un fléau à éviter

Quand on parle de carie, l'automatisme est de penser à celle qui touche nos dents. C'est d'autant plus vrai qu'avec le développement de l'utilisation des produits fongicides depuis les années 1950, cette maladie qui attaque le blé, s'est raréfiée, devenant mal connue des agriculteurs qui peinent à la reconnaître aujourd'hui.

Mais elle n'a pas disparu pour autant et pose problème dans certaines exploitations, notamment celles en système biologique.

Il convient donc de se réapproprier la connaissance de cette maladie et trouver les moyens de lutte adaptés à ce mode de production. Car les dégâts qu'elle occasionne peuvent être importants au niveau de la qualité de la récolte et en termes économiques.

Récolter ou pas la parcelle

La carie du blé est provoquée par le développement d'un champignon, le plus souvent tilletia caries ou tilletia foetida, qui se niche dans l'épi à la place du grain et dégrade sa qualité.

Les premiers signes de contamination peuvent être reconnus lors de l'épiaison. Le grain prend une coloration bleue-verdâtre et la tige de l'épi est plus courte.

Mais, en général, ils passent inaperçus et ce n'est qu'au moment de la récolte, lorsqu'une forte odeur de poisson pourri et un nuage noir au battage se manifestent, qu'on arrive à diagnostiquer la présence du champignon.

Dans le cas d'une faible contamination, il est même souvent difficile de se rendre compte de son existence.

Les symptômes décrits ci-dessus ne sont d'ailleurs même pas systématiquement présents. Seule une analyse en laboratoire agréé permet de détecter avec certitude la présence de carie.

De ce fait, lorsque le céréalier se rend compte que son blé est contaminé, il est souvent déjà trop tard pour une quelconque intervention.

Selon Stéphanie Klaedtke, chargée de mission à l'Itab (Institut de l'agriculture et de l'alimentation biologiques), la question de récolter ou pas la parcelle devient donc tout-à-fait légitime.

« Si le producteur moissonne, il risque de créer un nuage de spores qui contaminera les champs voisins et son lot pourra être refusé », précise-t-elle.

Eviter de contaminer

C'est la raison pour laquelle il est préférable de brûler ou broyer le champ. Cela permet d'éviter qu'il ne se retrouve avec des niveaux bien plus élevés l'année suivante. « Mais si l'agriculteur est contraint à la récolte, il doit d'abord procéder à celle des lots sains pour éviter de contaminer la machine, et, à l'issue de celle des lots infestés, bien purger l'engin en l'utilisant avec une culture résistante*. Ensuite, il convient de retarder le labour pour favoriser l'épuisement du stock de spores et ne pas resemer de céréales sensibles pendant cinq labours », recommande-t-elle. Quant aux grains contaminés, ils doivent être nettoyés au nettoyeur-séparateur et brossés si cela est possible.

La question d'un potentiel danger pour des animaux qui consommeraient des grains contaminés se pose. Elle est en cours d'étude. Les premiers résultats montrent que la carie ne survit pas à la digestion des monogastriques, mais qu'elle est plus risquée chez les ruminants.

Rotation diversifiée des cultures

La découverte tardive des symptômes rend la gestion de la maladie particulièrement difficile. La prévention est donc essentielle.

Selon Stéphanie Klaedtke, « comme la contamination se fait par le sol ou la semence, la qualité semencière est le principal levier pour empêcher le développement de la maladie ».

 

Selon Stéphanie Klaedtke, chargée de mission à l'Itab, la prévention est le maître-mot de la gestion de la carie. Elle est intervenue dans le cadre de Tech&bio à Bourg-les-Valence.

 

En France, la norme d'une semence certifiée non traitée se situe à zéro spore par gramme. Mais elle n'est pas la même dans l'ensemble des pays fournisseurs de semences de l'Union européenne.

Si l'agriculteur nourrit le moindre doute quant à la présence de carie dans la semence, il est préférable qu'il s'abstienne de la semer.

Pour autant, si celui-ci n'a pas le choix, la technicienne estime qu'il doit s'assurer que sa dose ne dépasse pas 50 spores par graines.

La chargée de mission préconise également d'organiser une rotation diversifiée des cultures, d'alterner celles qui sont très sensibles, sensibles, peu sensibles et même résistantes au champignon.

Stéphanie Klaedtke incite aussi les producteurs utilisant du matériel partagé à la plus grande vigilance. Car, en passant d’une parcelle contaminée à une parcelle saine, une moissonneuse batteuse peut être à l’origine de la contamination.

 

* Céréales très sensibles : blé tendre, épeautre, petit épeautre ; céréales sensibles : triticale ; céréales très peu sensibles : seigle ; céréales résistantes : avoine, orge

Isabelle Brenguier

Le test « du seau »

Pour estimer la présence de grains cariés dans la récolte sans avoir recours à une analyse, le test « du seau » permet de se faire une première idée. Mais, en cas de production de semences (fermières ou certifiées), elle ne se substitue pas à une analyse en laboratoire.
Mode opératoire :
Mettre 5 kg de grains dans un seau rempli d’eau. Brasser et récupérer les grains qui surnagent. Répéter ce brassage jusqu’à ce qu’aucun grain ne remonte à la surface. Observer ensuite un par un les grains surnageant récupérés et déterminer s’ils sont cariés ou non (grains bombés remplis de poussière noire).
Attention, cette technique permet de détecter grossièrement des grains cariés, mais pas une contamination exogène (résidus de spores issus d’un silo mal nettoyé, de la moissonneuse batteuse, etc).
Source : Itab