Alimentation
Des cuisines solidaires pour mitonner les invendus

Marianne Boilève
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Cuisiner pour éviter de jeter : telle est la stratégie de certaines associations iséroises qui viennent en aide aux personnes victimes de précarité alimentaire.

Des cuisines solidaires pour mitonner les invendus
Chaque semaine, les bénévoles de la Banque alimentaire de l'Isère transforment des denrées invendues en plats cuisinés équilibrés qui sont ensuite distribués aux bénéficiaires. Crédit photo : Banque alimentaire de l'Isère

Si les Français disent faire attention au gaspillage alimentaire (1), ils continuent de jeter dix millions de tonnes de nourriture chaque année, dont la moitié est encore consommable. Alors qu'une personne sur dix est victime d'insécurité alimentaire... Et la crise sanitaire n'a rien arrangé : en quelques mois, des milliers de familles, d'étudiants et de personnes isolées ont basculé dans la précarité (2). Pour leur venir en aide, communes, associations et bénévoles se mobilisent pour collecter des denrées et les leur proposer via des systèmes de colis alimentaires, de repas ou de paniers solidaires.

En complément des appels aux dons, certaines associations se sont spécialisées dans la récup'. A Grenoble, des citoyens ont entrepris d'installer des "frigos solidaires" dans l'espace public pour permettre aux plus démunis de récupérer de la nourriture gratuitement. De son côté, Episol collecte des marchandises auprès des grossistes du marché d'intérêt national (environ 7 tonnes par an), les trie et revend les plus beaux produits à prix très social dans le réseau des épiceries solidaires ou à des associations partenaires. Un projet de conserverie solidaire devrait prochainement voir le jour pour transformer les "moches" en purée, compotes et bocaux.

Trois étoiles solidaires

Pionnière en la matière, la Banque alimentaire de l'Isère a lancé les Trois étoiles solidaires il y cinq ans. Voyant chaque jour des dizaines de kilos de viande fraîche vouée à la destruction dans les grandes surfaces, Christian Chédru, le président de l'association, s'est appuyé sur son expérience de la restauration collective pour proposer de transformer ces denrées à date très courte en plats cuisinés. Son projet sous le bras, il est allé convaincre le Département de mettre à disposition de la Banque alimentaire la cuisine non occupée d'un collège de Seyssins.

Il a ensuite fallu s'organiser, monter une équipe, recruter un chef cuisinier, des marmitons bénévoles, mettre en place une logistique… et improviser. Car ce sont près de 150 kilos de viande qui arrivent chaque jour en cuisine - poulet, rôti de porc, filet de bœuf ou paleron, quartiers d'agneau - et qu'il faut mitonner en fonction des temps temps de cuisson… et des produits de la ramasse. Un jour, il y a des lardons, le lendemain des champignons ou des oignons : les menus, qui comprennent toujours des légumes frais, varient selon l'inspiration du chef, Emmanuel Binger, et des approvisionnements. La cuisine des Trois étoiles solidaires prépare ainsi 3 000 repas par semaine, qui sont mis en barquette puis distribués aux bénéficiaires de la Banque alimentaire.

Marianne Boilève

(1) Sondage Opinion Way publié le 13 mai.

(2) Selon la Banque alimentaire de l'Isère, les demandes d'aide alimentaire ont augmenté de 20% en 2019 et 2020. A l'échelle du département, elles ont concerné 10 000 bénéficiares au moment du premier confinement (7 500 en novembre 2020).