Lors de ses portes ouvertes tenues le 14 juin, à Chatte, la Senura a détaillé ses principaux travaux concernant la protection des noyers.
Alors que la filière noix est en crise, la Station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes (Senura) a ouvert ses portes aux visiteurs pour leur faire part des travaux qu’elle mène en faveur de la culture de la noix. Entre ravageurs multiples et études concernant la possible acclimatation d’autres espèces au territoire, la station a de quoi s’occuper.
Constat d’une propagation
Le carpocapse est une espèce de papillon faisant son apparition dans les noyeraies. La larve creuse la noix, ce qui la fait tomber. Et lorsque la larve s’en prend à un fruit relativement mature, il crée des taches brunes. Un projet est donc mené par l’Inrae et six partenaires pour l’étudier en utilisant des trichogrammes. Il s’agit de petites guêpes parasitoïdes s’attaquant aux œufs du carpocapse.
Concrètement, le trichogramme sera relâché dans le courant de l’année pour que les chercheurs voient comment il se déplace dans les noyers pour, à terme, s’en servir comme d’un moyen de lutte. Plusieurs moyens seront mis en œuvre pour les diffuser dans les vergers, comme l’utilisation d’un drone. La Senura prévient tout de même qu’elle restera vigilante à ce que les insectes ne créent pas de déséquilibres dans la nature.
Un système de boîtes d’émergence a aussi été mis en place pour piéger le carpocapse. Des capsules dites d’attraction, contenant des phéromones, attirent le ravageur pour le piéger dans les boîtes afin de permettre son étude. Il s’agit pour la Senura de comprendre à quel stade de développement il en est. Les pièges sont relevés trois fois par semaine et le sexe et le nombre des carpocapses peuvent ainsi être étudiés. Un piégeage connecté a aussi été mis au point. Pratique, il envoie ses données quotidiennement par le biais d’une carte SIM.
Actuellement, la Senura estime la population de l’insecte pour voir s’il y a un besoin de lutter contre elle ou pas. Il n’y a donc pas de piégeage massif.
Comprendre un mode d’action
La punaise diabolique est un autre ravageur faisant son apparition dans les vergers depuis quatre ans. Polyphage, elle s’en prend tout de même particulièrement aux pommes et aux noisettes. Les symptômes liés à l’attaque des fruits sont assez difficiles à détecter, mais le résultat est un mauvais goût.
La Senura explique qu’habituellement, les punaises diaboliques sont attrapées par des pièges constitués de phéromones en-dehors des vergers. Mais étant donné que la station expérimentale a une vocation scientifique, les pièges sont placés directement dans les vergers.
Cette année, de nombreux individus ont été trouvés. Un test a également été mené en mettant une punaise dans des sachets avec des noix, et ce à différente saison. L’objectif : comprendre le mode d’action des punaises, voir à quelle période elles consommeraient le plus de fruits et à quelle partie elles s’en prennent. En donnant aux punaises un fruit précoce, force est de constater que 80 % des fruits sont attaqués et que l’insecte peut s’attaquer jusqu’aux cerneaux. A un stade non-précoce, la Senura constate qu’un champignon se développe, peut-être en raison de trous laissés par les punaises dans les coquilles, et attaque également 80 % des fruits.
Les techniciens de la station précisent tout de même qu’il est important de rester prudent avec ces tests et qu’il faudra par la suite analyser la situation en milieu naturel. En effet, les punaises diaboliques n’ayant eu accès qu’à des noix, il était normal que les dégâts constatés soient importants.
Faire face aux pathogènes
Le projet Magic permet quant à lui de gérer les maladies fongiques du noyer. Des pourritures sur fruits ont en effet été constatées récemment, entraînant des pertes de récolte allant jusqu’à 70 % de la production. La formation de « noix noires », causée par la mouche du brou, l’anthracnose ou encore la bactériose, est connue, mais s’accroît considérablement.
C’est pourquoi le projet cherche à comprendre quels sont les champignons les plus pathogènes, quels sont les risques les plus difficiles à gérer et quels produits peuvent lutter efficacement contre eux.
Concrètement, la station a suivi les émissions de spores pendant la saison pour constater s’il y avait des périodes plus propices que d’autres au développement de champignons.
Une suite à donner
Le projet Semiomouche s’est achevé fin 2023. Il concerne la mouche du brou, espèce américaine ayant envahi l’Europe depuis une vingtaine d’années. Il s’agit en France du principal ravageur de noyers.
La Senura a mené une étude sur une phéromone sexuelle composée de quatre molécules de type lactone et l’a testée sur le terrain. La conclusion du projet est que cette phéromone fonctionne très bien en combinaison avec les plaques jaunes utilisées dans les noyeraies pour piéger les insectes. Les mouches du brou ont été sexées pour voir ce qui pouvait en être retiré. Mais le piège attire à la fois les mâles et les femelles, donc la confusion sexuelle s’avère compromise.
Réflexion sur l’avenir climatique
La Senura mène un projet concernant l’éventuelle implantation de pacaniers et d’amandiers dans le territoire. Financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et courant de 2023 à 2025, il doit permettre d’acquérir des données techniques au sujet de ces espèces. Le projet French pecan, notamment, a permis de réaliser une étude de marché, l’identification de besoins post-récolte, la construction d’un protocole expérimental ainsi que la conception d’une parcelle d’essai à Nérac (Lot-et-Garonne).
Vigueur, floraison, sensibilité au gel, niveau de production… Face au changement climatique, de nouvelles espèces de fruits pourraient assurer l’économie du territoire.