Agro-écologie
Adice encourage ses adhérents à franchir le pas de l'agro-écologie

Isabelle Brenguier
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Convaincu que la préservation des sols est devenue un enjeu aussi important que celles de l'air et de l'eau, Adice a organisé un colloque avec trois agriculteurs expérimentés pour partager leurs pratiques et encourager leurs adhérents à s'y intéresser. 

Adice encourage ses adhérents à franchir le pas de l'agro-écologie
En présence de nombreux étudiants, Adice (Ardèche Drôme, Isère conseil élevage) a organisé un colloque sur l'agro-écologie.

Éleveurs de chèvres, de vaches allaitantes et de vaches laitières, Thierry Gabriel, Félix Noblia et Charles Giraud ont en commun de travailler différemment. Depuis plusieurs années, ils ont fait le choix de l'agro-écologie et ils l'assurent, « ils ne reviendraient en arrière pour rien au monde ». Ils ont partagé leur expérience à l'occasion du colloque organisé par Adice (Ardèche Drôme Isère conseil élevage) le 6 janvier au lycée agricole de la Côte-Saint-André.

Un tiers d'herbe supplémentaire

Quand Félix Noblia s'est installé en 2008 dans les Pyrénées-Atlantiques en reprenant l'exploitation agricole de son oncle, il s'est rapidement rendu compte qu'il allait avoir du mal à poursuivre ce système qu'il n'avait pas choisi. « Les sols étaient complètements morts et le troupeau d'angus était en mauvais état », indique-t-il.

Ses premières démarches ont été d'arrêter le labour et de pratiquer le pâturage tournant dynamique, en créant deux grands îlots : un pour les mâles et un pour les femelles. « Le principe est simple. J'installe beaucoup d'animaux dans une petite surface pendant très peu de temps. Je fais raser l'herbe et ensuite, je la laisse repousser », précise l'éleveur qui, depuis qu'il pratique le pâturage tournant, a gagné presque un tiers d'herbe supplémentaire durant l'année.

S'agissant de ses pratiques culturales, Félix Noblia explique mener une gestion opportuniste en mixant travail du sol superficiel et semis direct et en implantant un mélange blé- féverole qu'il choisit de moissonner ou d'utiliser en fourrage, selon ce qui a le mieux poussé.

Sols toujours couverts

Installé dans la Loire, Charles Giraud est attaché depuis toujours à produire un lait de la meilleure qualité qui soit. Pour nourrir ses bêtes, il cultive un fourrage composé de nombreuses espèces (1), qu'il récolte sous forme de foins ou d'ensilage. Il implante également un méteil constitué de quatre céréales et de légumineuses (pois, vesce commune et velue, féverole, moutarde et phacélie) qu'il coupe en avril et le 15 mai. Cela lui permet d'avoir un fourrage équilibré sans utiliser de concentré. Ces mélanges sont intégrés à la ration des vaches (2) donnée à l'auge. Grâce au Dac (Distributeur d'aliments concentrés) du robot de traite, il leur administre aussi 1,5 kg d'orge, un mélange de drêche de blé, de colza, un aliment issu de féveroles, de lupin toasté et d'urée. 

Charles Giraud estime que son intérêt pour l'agriculture de conservation s'inscrit dans la continuité de la démarche initiée par ses parents de transformer leur lait et de miser sur la qualité. « Cela nous a ouvert l'esprit. Cela a contribué à forger notre esprit entrepreneurial », estime-t-il. Aussi, depuis 2007, il s'est lancé dans le semis direct. « Dès que la moissonneuse sort de la parcelle, nous prenons le semoir, de façon à ce que nos sols soient toujours couverts. En agissant ainsi, nous avons constaté de bons résultats dès la première année. Vu le gain économique que nous avons réalisé, nous avons continué », ajoute l'éleveur. Cela leur a permis d'« arrêter la dégringolade du taux de matière organique de leurs sols, d'avoir une meilleure résistance aux sécheresses, deux cultures par an dans toutes les parcelles et moins de charges de mécanisation ».

De la gouvernance à la nature

Thierry Gabriel, éleveur au sein de la ferme du Père Théo, à Saint-Just-Chaleyssin, nourrit aussi ses chèvres avec du fourrage de luzerne et de trèfle, ainsi qu'avec un mélange de maïs, d'orge, d'aliments fibreux et un correcteur azoté. Attentif à produire un fourrage de qualité, il utilise un séchoir à balles rondes dont le principe est de récolter le fourrage encore humide et de le sécher par la suite grâce à des arrivées d'air. Il réalise plusieurs coupes entre avril et fin octobre-début novembre et veille à distribuer à ses bêtes des rations issues de différentes coupes pour équilibrer les qualités. 

C'est à partir de 2008 qu'il a intégré l'agriculture de conservation dans ses pratiques. D'abord pour des raisons économiques. Mais il a vite été convaincu. « Pour moi, le travail du sol est équivalent à un tremblement de terre de puissance neuf sur l'échelle de Richter, en particulier au niveau des champignons qui n'émettent plus de mycelium. Je trouve que c'est un système d'auto-fertilisation très intéressant ». Selon l'éleveur caprin, « l'agriculture de conservation revient à redonner de la gouvernance à la nature ». 

Aujourd'hui, cette pratique nécessite l'utilisation du glyphosate et il reconnaît être préoccupé par sa fin annoncée. Il se réjouit cependant que de nombreux agriculteurs travaillent déjà sur le sujet. Comme il se réjouit de pouvoir bientôt transmettre une exploitation qui a de l'avenir et dont le modèle fonctionne bien. 

(1) 25 kg/ha de luzerne, 2 kg/ha de trèfle violet, 1 kg/ha de trèfle blanc, 1 kg/ha de lotier, agrémenté d'une pincée de dactyle, d'une autre de fétuque
(2) 14 kg de maïs ensilage, 5,5 kg de maïs épi, 5,6 kg de foin de luzerne, 6 kg d'ensilage de luzerne, 6kg d'ensilage de méteil, avec 1 kg de maïs grain, 1 kg d'orge, 1 kg de colza, 500 gr de lin et 500 gr de condiments minéraux

Isabelle Brenguier

Se former et travailler en groupe
Thierry Gabriel, Félix Noblia et Charles Giraud, éleveurs caprins et bovins, ont participé au colloque organisé par Adice sur l'agro-écologie le 6 janvier.

Se former et travailler en groupe

Préconisations /

Réunis à l'occasion d'un colloque organisé par Adice sur l'agro-écologie le 6 janvier, Thierry Gabriel, Félix Noblia et Charles Giraud, éleveurs caprins et bovins, partagent le même constat. Durant leurs parcours, ils ont tous dû tester de nouvelles pratiques. Certaines ont bien fonctionné. D'autres moins. Mais tous assurent que si l'on souhaite orienter son exploitation dans ce sens, il convient de bien se former et de prendre le temps de la réflexion. « C'est ce qui permet d'évoluer et c'est ce qui est passionnant », estiment-ils, à l'unisson. Charles Giraud, agriculteur dans la Loire, en est convaincu : « Il faut comprendre son sol et son système. Il est important d’appréhender le sujet », assure-t-il. 

Et il est aussi nécessaire de travailler en groupe. Il faut aller vers d'autres agriculteurs, adhérer à leurs groupes, s'abonner à des revues spécialisées, participer à des formations collectives, surtout ne pas rester dans son coin. Car en essayant de nouvelles choses, il peut avoir y des échecs et l'on peut se sentir seuls. 

Cela étant, Thierry Deygas, éleveur caprin, vice-président d'Adice, souligne qu'« en matière d'agro-écologie, les mentalités évoluent. Même si c'est lent à convaincre, même si tout le monde n'est pas prêt à franchir le pas, tout le monde écoute. Les témoignages d'aujourd'hui ont montré l'intérêt de ces nouvelles pratiques. Les agriculteurs engagés préservent leur sols et récoltent plus de fourrage qu'avant. C'est écologiquement intensif ».

IB