INTERVIEW
À Rousseau : « La FNSEA, ce n’est pas le réseau d’un homme ou d’une production, mais bien de l’ensemble des adhérents »

Élu à la tête de la FNSEA le jeudi 13 avril, Arnaud Rousseau a effectué son premier déplacement comme président, dans la Loire le lundi 17 avril. Interview de ce céréalier venu en terre d’élevage, qui compte bien faire de la pluralité du réseau une force.

À Rousseau : « La FNSEA, ce n’est pas le réseau d’un homme ou d’une production, mais bien de l’ensemble des adhérents »
Le premier déplacement d’Arnaud Rousseau comme président de la FNSEA a été dans la Loire, pour l’assemblée générale de la FDSEA. Il en a profité pour visiter une exploitation. ©LG

Pourquoi vous rendre dans la Loire pour votre premier déplacement comme président de la FNSEA ?

Arnaud Rousseau : « Il y a deux mois, le président de la FDSEA de la Loire, Gérard Gallot, m’avait invité à participer à l’assemblée générale départementale. J’ai tenu mon engagement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je souhaitais que mon premier déplacement soit en zone d’élevage. Je suis attaché à l’ensemble des productions représentées à la FNSEA. Étant céréalier, me rendre dans un territoire d’élevage a du sens. Ensuite, ce département a aussi la particularité d’avoir une vie syndicale riche. Et troisième élément : c’est la dernière assemblée générale de Gérard Gallot comme président. Que le président de la FNSEA vienne pour le départ de quelqu’un qui a consacré plus de dix ans à la tête d’une FDSEA en dit long sur ma volonté d’accompagner ceux qui donnent du temps au réseau. Avoir des hommes et des femmes qui s’engagent pour le collectif singularise le réseau. Un syndicat fonctionne parce que des gens donnent de leur temps. »

Quelle place les zones d’élevage occupent-elles dans le paysage agricole français ?

AR : « Sur le plan économique, il n’y a pas d’exploitation s’il n’y a pas de revenu pour ceux qui font ce métier. C’est tout le travail réalisé dans le cadre d’֤Égalim. À nous de veiller à ce que tout ne soit pas détricoté. En parallèle, comment fait-on pour que les charges, qui ont considérablement augmenté depuis deux ans, continuent à être maîtrisées ? Évitons qu’un effet ciseaux dramatique se mette en place. Face au drame de la décapitalisation des troupeaux que nous vivons depuis plusieurs années, nous avons peut-être la chance que les industriels commencent à constater qu’ils vont manquer d’animaux pour alimenter leurs outils. Pour protéger les prix, nous avons besoin d’avancer sur la contractualisation car nous sommes encore trop loin de l’objectif que l’on s’est fixé. Sur le plan environnemental, nous devons montrer que l’élevage, de la Loire et des autres régions, constitue un vrai atout : les prairies sont considérées comme un puits de carbone important. Les territoires d’élevage sont un élément de la solution plutôt qu’un problème. »

Et quel est l’avenir des territoires d’élevage, selon vous ?

AR : « Je ressens une forme de fatigue morale chez les agriculteurs vis-à-vis des injonctions paradoxales permanentes (bien-être animal, pollution, agribashing), alors même que nous avons l’une des agricultures les plus durables du monde. Nous devons faire comprendre à nos concitoyens qu’à chaque fois qu’un éleveur disparaît, c’est un peu plus de place laissée à de la viande d’importation, que ne veulent pas les Français et qui déstructure nos territoires. Bien évidemment, nous avons aussi besoin d’une vision politique clarifiée sur ce que l’on veut faire de la ferme France et sur les positions de Bruxelles. Je suis confiant sur notre capacité à pouvoir trouver des moyens pour sortir par le haut de la situation. Mais ceci nécessitera que nous continuions à adapter nos entreprises et à répondre aux marchés. Demain, le regroupement d’exploitations, le salariat, l’innovation ou de nombreux autres outils attireront des jeunes. Nous devons aussi faire en sorte que les agriculteurs actuels aient plaisir à transmettre leur métier. C’est tout le travail réalisé autour de la qualité de vie qui doit être poursuivi. »

Comment abordez-vous l’évolution du climat ?

AR : « On constate une forme de dérèglement climatique : les fenaisons et les moissons se font plus tôt, des années sont très sèches et d’autres avec beaucoup plus de pluie. En élevage, il faudra demain utiliser 100 % de la réserve de biomasse, y compris les années très favorables. Le surplus ne doit surtout pas être perdu. Je suis favorable à du stockage inter-annuel. Ensuite, le stockage de l’eau. Même en zone de montagne, nous devons y réfléchir. Le sujet, ce n’est pas d’accaparer l’eau, mais bien de faire en sorte de pouvoir stocker l’eau lorsqu’elle est en excès. Ce qui nous attend en termes de climat va engendrer un vrai changement dans la pratique de nos métiers, comme la mécanisation l’a été pour nos grands-parents. Comment adaptons-nous nos exploitations au changement climatique avec des années sèches et d’autres humides ? Comment modifions-nous nos assolements et nos techniques ? Comment atteignons-nous l’autonomie fourragère ? Comment mettons-nous en place la contractualisation pour alimenter les animaux ? Tout ceci se réfléchit. Mais il faut agir vite, avant d’être au pied du mur. »

Pourquoi tenez-vous tellement à cultiver le goût d’entreprendre au sein du réseau FNSEA ?

AR : « En agriculture, on a une certaine gêne à gagner sa vie et on a toujours de la pudeur à dire que nous avons réalisé une bonne année. Quand on est agriculteur, on est chef d’entreprise. Nous devons assumer l’idée que lorsque nous investissons nos économies dans un bâtiment, un hangar photovoltaïque, de la génétique ou du matériel, nous participons à la vie économique du territoire, comme n’importe quel entrepreneur. Il faut expliquer aux jeunes que, même si nous ne ferons jamais fortune, il est possible de s’accomplir en agriculture et de pouvoir gagner dignement sa vie. »

Qu’est ce qui fait, pour vous, la force d’un réseau syndical ?

AR : « La FNSEA est une fédération de fédérations, qui s’appuie sur des adhérents et des structures engagées, qui comptent des élus mais aussi des collaborateurs. Ce réseau est notre bien le plus précieux. Je redis la capacité de la FNSEA à s’ouvrir vers des profils différents d’agriculteurs et à attirer des porteurs de projets non issus du milieu agricole, mais ils doivent avoir le goût d’entreprendre et cette volonté de créer de la valeur durablement pour alimenter une croissance responsable dans un territoire. Le réseau FNSEA, ce n’est pas le réseau d’un homme ou d’une production, mais bien de l’ensemble des adhérents. Le conseil d’administration et le bureau qui m’entourent sont faits de cette pluralité. Une constante demeure : la recherche du consensus. De plus, la FNSEA doit être offensive. Arrêtons de nous dire que nous sommes attaqués et assumons plutôt ce que l’on est et ayons la fierté de porter ce que l’on fait : nourrir les Français. »

Propos recueillis par Lucie Grolleau Frécon