Crise nucicole
Des aides au chevet de la filière noix

Isabelle Doucet
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La MSA Alpes du Nord a organisé une réunion à Vinay pour présenter le panel des aides que les producteurs de noix peuvent solliciter. Un délai supplémentaire pour l'aide exceptionnelle noix et cerises pour déposer les dossiers a été accordé jusqu'au 27 novembre.

Des aides au chevet de la filière noix
Les responsables de la DDT, de la MSA Alpes du Nord, de la Chambre d'agriculture de l'Isère, de la FDSEA et le vice-président du Département, ont tour à tour présenté les actions en faveur de la filière nucicole.

Alors que la récolte 2023 s’est achevée sur des rendements historiquement bas, la filière noix n’en finit pas d’être secouée par une crise de marché, qui dure.
Réunis en association de producteurs, les nuciculteurs continuent d’alerter toutes les instances, tandis que la MSA a pour sa part organisé une réunion d’information à Vinay, le 7 novembre, pour décliner les dispositifs d’aide susceptibles d’être mobilisés.
Certains sont spécifiques, d’autres de droit commun. Ils sont portés par L’Etat, la MSA, le Département et la Chambre d’agriculture de l’Isère.

Les producteurs de noix étaient très nombreux à Vinay.


La MSA Alpes du Nord propose la modulation des appels de cotisations non salariées (prélèvements fractionnés ou mensuels) en cas de baisse des revenus professionnels. Cette estimation repose sur les montants de revenus de l’année précédente.
L’autre possibilité est de demander une option N-1 (valable pour cinq ans). Les cotisations seront alors calculées sur la base des revenus 2023.
Le service contentieux de la MSA peut aussi proposer des solutions comme la prise en charge partielle des cotisations (jusqu’à 5 000 euros et applicable pour l’année 2024) ; le report de cotisations (durée maximale de 24 mois) ou la remise de majorations de retard.

Se faire accompagner

Les exploitants qui le désirent peuvent demander un rendez-vous prestations à la MSA pour faire le point sur leurs droits potentiels (RSA, prime d’activité par exemple).
La MSA Alpes du Nord dispose aussi d’un réseau de 10 travailleurs sociaux basés à Grenoble, Moirans, La Tour-du-Pin, La Mure, La Côte-Saint-André, Vienne et Saint-Marcellin.
Leur mission est le soutien aux démarches administratives et à la gestion d’un budget privé dégradé ; l’accès aux droits sociaux et aux soins ; la prévention de l’épuisement professionnel ; l’accompagnement de la cellule familiale, l’aide au répit et la prévention du mal-être agricole.
Le rôle spécifique du dispositif Réagir, réseau d’entraide et d’écoute au service des agriculteurs en difficulté, a été de nouveau présenté.
Il s’agit d’un accompagnement individuel, effectué par un binôme assistante sociale de la MSA-conseiller d’entreprise de la chambre d’agriculture.
Contact : 04 76 88 76 20
Pas moins de six conseillers d’entreprise de la Chambre d’agriculture de l’Isère sont impliqués dans le réseau Réagir. Ils peuvent apporter leur expertise sur la situation économique d’une exploitation.
Contact : 04 76 20 67 11

Aide d’urgence ou solidarité

L’Etat intervient aussi à plusieurs niveaux.
Une aide d’urgence pour les filières noix et cerises a été débloquée à hauteur de 10 millions d’euros. Un délai supplémentaire a été acordé pour déposer le dossier de demande de cette aide exceptionnelle.
L’accès au téléservice sur la plateforme FranceAgrimer est ouvert jusqu’au 27 novembre.
Pour plus d'informations et remplir le dossier c'est par ici   https://bit.ly/49Io3eO

Les critères d’éligibilité sont d’être exploitant agricole à titre principal, en Gaec, en EARL ou tout autre personne morale ; être immatriculé au répertoire Sirene ; ne pas être en liquidation ; avoir un taux de spécialisation noix supérieur à 25 % et la perte du chiffre d’affaires noix est au moins égal à 20 %. Une franchise de 10 % du CA est appliquée sur la perte du chiffre d’affaires pour calculer le CA éligible.
Pour les exploitants assurés multirisques climatiques (MRC), FranceAgriMer précise : « si la perte climatique ayant donné lieu à une indemnisation d’assurance est supérieure à la franchise, la perte climatique constatée par l’assureur vient en déduction de la perte de CA, à la place de la franchise ».
Le taux de prise en charge de la perte est de 80 %. L’indemnisation intervient à partir de 1 000 euros.
Les dossiers seront instruits d’ici la fin de l’année et les versements interviendront au plus tard fin janvier 2024.

Indemnisations

L’aide d’urgence n’est pas cumulable avec l’indemnité de solidarité nationale (ISN), qui vient remplacer le dispositif de calamités agricoles. Ce dispositif transitoire vient couvrir les pertes liées aux orages de l’été dernier. C’est un système d’indemnisation à étages.
Si l’agriculteur est assuré, son indemnisation sera déclenchée à partir de 20 % de pertes de son chiffre d’affaires. C’est aussi le montant de sa franchise.
Jusqu’à 50 % de pertes, l’assurance prendra en charge le delta à partir du seuil de la franchise.
Au-delà de 50 %, c’est l’Etat qui prendra le relais pour compléter l’indemnisation. Le dossier d’indemnisation est à traiter par l’assureur.
En revanche, les exploitants agricoles non assurés seront indemnisés à hauteur de 45 % de leurs pertes à partir de 50 % de pertes (40 % en 2024 et 35 % en 2025). C’est à eux de contacter la DDT, la chambre d’agriculture ou leur syndicat pour monter leur dossier.
Le déclenchement de l’ISN devrait être autorisé en décembre 2023, après examen en commission nationale des conclusions des missions d’expertise menées par la DDT en Isère.
L’outil de demande des indemnisations sera disponible en 2024.
Interrogée sur le choix de l’un ou l’autre des dispositifs par Gilles Charbonnel, nuciculteur référent noix à la FDSEA de l’Isère, Bénédicte Bernardin, de la DDT, a préconisé de se référer au montant des pertes.
Si elles portent sur la commercialisation de 2022 ou si elles sont dues aux aléas climatiques 2023, la stratégie de demande d’indemnisation ne sera pas la même.
L’aide d’urgence n’est pas forcément adaptée aux petites pertes. Elle précise que le non-cumul des deux aides concerne les agriculteurs non assurés MRC.
D’autres ministères, comme celui des Finances, proposent des dispositifs de droits commun : délais de paiement ; recouvrement des cotisations de sécurité sociale et de l’assurance chômage ; ou encore le dégrèvement de la taxe foncière sur propriétés non bâties (TFNB).
Le ministère du Travail dispose d’une procédure dématérialisée pour déclencher l’activité partielle. La demande est à déposer 30 jours avant sa mise en place.
(contact : DDETS 38, service accompagnement des mutations économiques, 04 56 58 38 80, [email protected])

Cofinancer

Cyrille Madinier, le nouveau vice-président du Département en charge de la Ruralité, de l’Agriculture et de la Forêt, a présenté les aides de la collectivité.
En cofinancement du Feader, le Département apporte son aide à l’irrigation, aux productions végétales à enjeu de souveraineté, à la transformation et à la commercialisation, aux industries agroalimentaires.
Il aide aussi le CING à hauteur de 5 000 euros, la Senura pour 33 000 euros et le dispositif Réagir (228 000 euros).
Pour les aléas survenus en 2022-2023, le Département s’impliquera en fonction des besoins, en complément des autres financeurs et dans le cadre réglementaire, comme cela a été le cas en 2019 (drones, remise en état de la noyeraie, aides) et en 2021.

Isabelle Doucet

 

Assurance multirisque / Une prime trop élevée

« Je suis assuré depuis plus de 20 ans. Par choix parce que j’y crois, déclare Simon, nuciculteur dans le Sud-Grésivaudan. Ainsi qu’il a été conçu par l’État et par l’Europe, le système d’assurance multirisques climatiques MRC est très bien. Mais il est mal géré. »
Le producteur fait ses comptes et décidément, il voit rouge. « Les cotisations d’assurance sont trop élevées ! » Démonstration à l’appui.
Son assurance multirisque est calculée sur son chiffre d’affaires qui s’élève à 250 000 euros. Il paye 37 000 euros de cotisations sur lesquelles il récupère 20 000 euros d’aides européennes. « Mais il y a deux ans, l’assurance MRC a augmenté de 30 % », constate-t-il.
Pour 50 % de perte de sa récolte, l’indemnisation porte sur le CA éligible (50 % du CA), soit 125 000 euros. Il faut déduire de ce montant 25 % de franchise du CA déclaré (250 000 euros), soit 62 500 euros.
À l’arrivée, pour 50 % de pertes, le producteur récupère un peu plus de 25 000 euros (125 000 – 62 500 – 37 000). « Avec ça, ils veulent que tout le monde s’assure », lâche-t-il.
Il estime que sa prime est trop élevée de 10 000 euros et qu’il est inouï de verser entre 12 et 14 % de son CA en cotisations. « Et on paye tous les ans ! »
Ce coût financier lui revient à 300 euros par hectare « avec une noix payée à 1,50 euro, cela fait une sacrée quantité à produire pour payer l’assurance récolte ».
Il fait pourtant partie de la vingtaine de nuciculteurs assurés, « parce que l’assurance, en couvrant nos charges, nous permet juste de dormir ».
Et si aujourd’hui le fonds de solidarité européen est alimenté par les cotisations des assurés, il rappelle que d’ici deux ans, le système d’ISN n’existera plus.

IB